Europe Ecologie : derrière le rideau de fumée, les incohérences
J’ai reçu cette semaine un mail concernant « Europe Ecologie », je pense qu’il apportera de l’eau au moulin de toutes celles et ceux qui s’interrogent sur la pertinence politique de cette liste proposée aux électeurs le 7 Juin prochain. Extraits choisis.
"Un projet écologiste ou plus largement alter-mondialiste ne peut exister hors d’un projet de gauche, clairement opposé au libéralisme et au capitalisme. L’écologie ne peut pas s’affranchir du clivage droite/gauche simplement par intérêt électoral, comme le conseille Daniel Cohn-Bendit aux Verts italiens : « Regardez à droite, soyez transversaux, car la gauche, pendant 4 ans, ne sera pas au pouvoir » (Alessandro Trocino, Corriere della Sera, 21/04/2009).
Pour vraiment débattre d’écologie pour les européennes, il faudrait déjà qu’Europe Ecologie reconnaisse publiquement que le traité de Lisbonne n’est que la copie du Traité Constitutionnel de 2005. Ce n’est pas une demande trop exigeante, Giscard le fait lui-même.
D’ailleurs, à sa lecture, le Traité de Lisbonne rappelle de bien mauvais souvenirs à celles et ceux qui ont combattu le TCE en 2005 :
Article 63-1 : « Dans le cadre des dispositions du présent chapitre, toutes les restrictions aux mouvements de capitaux entre les États membres et entre les États membres et les pays tiers sont interdites. »
Article 188 B : « L’Union contribue à la suppression progressive des restrictions aux échanges internationaux et aux investissements étrangers directs, ainsi qu’à la réduction des barrières douanières et autres. »
Article 39 : « La politique agricole commune a pour but d’accroître la productivité de l’agriculture en développant le progrès technique, en assurant le développement rationnel de la production agricole ainsi qu’un emploi optimal des facteurs de production, notamment de la main-d’œuvre ; »
Article 153 : exclut « toute harmonisation des dispositions législatives et réglementaires des États membres »
Article 130 : « ni la Banque centrale européenne, ni une banque centrale nationale, ni un membre quelconque de leurs organes de décision ne peuvent solliciter ni accepter des instructions des institutions, organes ou organismes de l’Union, des gouvernements des États membres ou de tout autre organisme. »
Ce traité de Lisbonne continue clairement d’organiser l’Europe selon la doctrine libérale. Accepter de le ratifier, c’est dire dès aujourd’hui que les promesses écologistes ne sont que des projets morts-nés. Le traité de Lisbonne est le projet de Nicolas Sarkozy et des euro-béats pour qui tout ce qui est européen est positif, alors qu’ils n’ont de cesse de faire de l’Europe un espace de guerre économique.
Quand la quasi-totalité des élus Verts s’abstiennent le 04 février 2008 de voter contre la ratification parlementaire du Traité de Lisbonne et aident ainsi Nicolas Sarkozy à bafouer le référendum de 2005, il s’agit d’un choix politique clair. Accepter cette confiscation démocratique c’est, de fait, choisir de ne pas s’opposer à l’Europe des technocrates et des experts, quoique l’on propose par ailleurs.
Ce refus de s’opposer au Traité de Lisbonne n’est pas un acte politique isolé, les dernières déclarations politiques des Verts en suivent le droit chemin.
Le 3 Avril 2009, suite à la mascarade du dernier G20, un communiqué des Verts annonce que « Le G20 a pris des engagements importants visant à renforcer la régulation financière, à la fois dans chacun des États et au plan mondial, allant jusqu’à la surveillance des fonds spéculatifs et l’appel à en finir avec le secret bancaire ». Alors que l’idée même d’un G20 soucieux de l’intérêt général semble absurde, les Verts approuvent ces fausses promesses. Est-ce là l’espoir du changement, laisser les libéraux "réguler" le monde grâce à leur bonne volonté si évidente ?
Le même communiqué poursuit : « Les américains ont élu Barack Obama, en rupture avec trente ans de libéralisme roi. Pour changer la donne, les citoyens d’Europe peuvent y faire écho, et soutenir des politiques nouvelles, solidaires et écologistes ». Barack Obama serait donc un modèle pour rompre avec le libéralisme, modèle politique auquel les Verts proposent de "faire écho" en Europe ! Il s’agit ici d’un parti politique dit écologiste qui se convertit sans détour à l’idéologie basée sur un projet de régulation du libéralisme.
Alors forcément, quand on fait d’Obama un modèle à suivre pour engager des « politiques nouvelles, solidaires et écologistes », on peut bien tout promettre. Mais a-t-on vu la vie des gens et l’état de la planète s’améliorer fondamentalement dans l’accompagnement du capitalisme ?
Ce communiqué de presse met au grand jour le fait que Les Verts, à travers la liste d’Europe Ecologie, portent un projet d’accompagnement vert du libéralisme, une écologie compatible avec les politiques libérales européennes. Si tous les militants d’Europe Ecologie ne sont sans doute pas des libéraux, soutenir un projet européen qui accepte les traités actuels reste parfaitement incompatible avec le fait de défendre une politique réellement écologique en Europe.
Ce choix politique servira à terme les sociaux-libéraux en défendant l’idée d’un "libéralisme durable", régulé, viable, sans poser clairement l’impératif écologique de sortie du capitalisme. La croissance verte, c’est juste polluer un peu moins pour polluer plus longtemps. Croire que le secteur florissant du « Green Business » peut être une solution d’avenir est mensonger. Personne n’a intérêt à sortir de la crise écologique quand elle lui procure tant de profits.
Ce choix politique d’une écologie libérale se retrouve logiquement dans le diagnostic de la "crise" actuelle. Dans les premières lignes du manifeste d’Europe Ecologie « Changer d’ère », on peut lire que le libéralisme est aujourd’hui simplement malade de "dérèglements des mécanismes financiers, la croissance de la famine, l’aggravation des inégalités".
Cela sous-entend que l’on pourrait le guérir, alors que le libéralisme est fondamentalement basé sur les inégalités ! Réguler le libéralisme c’est essayer de lui donner les habits du progrès mais le libéralisme durable, même repeint en vert, c’est avant tout un libéralisme qui dure. Adhérer à une vision accidentelle de cette crise, c’est croire possible l’existence d’un libéralisme vertueux, écolo-compatible.
On peut avoir changé d’avis depuis 2005 et penser que finalement le TCE était un texte progressiste. On peut se dire que l’écologie dans l’Europe libérale du traité de Lisbonne, c’est possible parce que l’écologie c’est du ni droite ni gauche. Mais franchement, c’est se voiler la face.
Le programme d’Europe Ecologie promet une Europe qui « s’opposera frontalement à la concurrence sauvage » mais ne combat pas un traité qui stipule que « toutes les restrictions aux mouvements de capitaux entre les États membres et entre les États membres et les pays tiers sont interdites. »
Le programme d’Europe Ecologie promet une Europe basée sur une « harmonisation fiscale » mais ne combat pas un traité qui exclut « toute harmonisation des dispositions législatives et réglementaires des États membres »
Pour masquer ces incohérences derrière de belles promesses, le projet d’Europe Ecologie annonce que le TCE et le traité de Lisbonne sont "dépassés". On ne peut difficilement faire plus simple pour en faire une affaire classée :
"Le traité de Lisbonne, que nous ayons voté oui ou non, est déjà dépassé. L’union européenne, cinquante ans après la constitution du marché commun, doit franchir un nouveau cap, celui de la co-souveraineté partagée entre peuples, Etats et citoyens. Nous devons sortir de la logique intergouvernementale et rédiger une Constitution pour l’union européenne, courte, lisible, qui fixe les principes et les droits fondamentaux, et répartisse les compétences en donnant un contenu à la citoyenneté européenne. Cette constitution devra être votée le même jour dans toute l’union avec un résultat à la majorité qualifiée." (Tract Europe Ecologie "Pour une Europe Juste").
Comment promettre une « co-souveraineté partagée entre peuples, états et citoyens » quand on refuse déjà, en France, un référendum sur le traité de Lisbonne ? On ne peut pas tendre la main gauche et frapper du droit dans la seconde qui suit... Malheureusement, c’est toujours la même histoire : lorsque l’on veut débattre des choix politiques et non simplement, comme le propose Europe Ecologie, du fonctionnement institutionnel de l’Europe, les promesses de démocratie s’envolent.
Je me suis opposé aux Verts lors du référendum sur ce point et je continue de le faire aux Européennes car le fond du problème n’a pas changé. Le revirement de José Bové est un écran de fumée qui ne suffit pas à faire croire que le Traité de Lisbonne laisse la place à une révolution écologique, démocratique et sociale en Europe, alors qu’il sort tout droit de la poche de Nicolas Sarkozy.
Pour vraiment défendre une écologie de gauche et donc stopper le Traité de Lisbonne, on ne peut faire confiance à la droite qui l’a rédigé, ni au PS et aux Verts qui l’ont adopté au Parlement européen et veulent classer ce dossier au plus vite ! Nous ne devons pas laisser la gauche de transformation sociale et l’écologie politique de gauche disparaître du tableau."
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