Europe : la leçon de Jacques Delors
A l'occasion d'une interview accordée à l'International Herald Tribune, le 17 juin, José Manuel Barroso a étrillé la demande de la France d'exclure le secteur audiovisuel du mandat de négociation avec les Etats-Unis sur le futur traité de libre-échange. "Cela fait partie de ce programme anti-mondialisation que je considère comme totalement réactionnaire", a déclaré le président de la Commission européenne. Une position qui dépasse le mandat du président de la commission et qui tranche avec la vision développée par son prédécesseur Jacques Delors, lors du Forum des progressistes européens qui s'est tenu à Paris le 15 juin.

Barroso, niveau zéro. Les défenseurs de l'exception culturelle "ne comprennent pas les bénéfices qu'apporte la globalisation (des échanges) y compris d'un point de vue culturel, pour élargir nos perspectives et avoir le sentiment d'appartenir à la même humanité", a ainsi déclaré le président de la Commission européenne. Des termes dans la droite ligne de ceux tenus en mai de cette année lorsqu'au micro d'Europe 1, il expliquait, "qu'être contre la mondialisation, c'est comme cracher contre le vent" (vidéo 2).
José Manuel Barroso a assurément franchi la ligne rouge en revendiquant dans la presse son désaccord sur l'exclusion complète du secteur audiovisuel demandé er obtenu par Paris dans le cadre des discussions transatlantiques.
Ces propos qui n'ont rien d'un dérapage, ont tout d'abord suscité l'incrédulité du chef de l'Etat Français avant que celui-ci ne s'explique de vive voix avec l'intéressé en marge du G8 qui se tient à Lough Erne (Irlande du Nord). François Hollande s'est sobrement contenté d'indiquer qu'il a demandé au président Barroso "de mettre en œuvre le mandat qui a été décidé par les négociateurs au niveau des gouvernement".
Plus direct, Jean-Christophe Cambadélis, secrétaire national du PS chargé des questions internationales et européennes, également premier vice-président du Parti socialiste européen (PSE), a dit tout haut ce que beaucoup pensent à droite et à gauche de l'échiquier politique français : "C’est stupéfiant et intolérable. Rien n’autorise un président coopté par ses amis de droite au pouvoir en Europe de faire la leçon à la France. Rien n’autorise Monsieur Barroso à juger une décision unanime du Conseil", "rien n’autorise José Manuel Barroso à juger au nom de la mondialisation la culture comme une marchandise. Quant à la caractérisation de réactionnaire, elle est proprement inacceptable".
La saillie de Barroso confirme le diagnostic porté par Jacques Delors, 87 ans, invité d'honneur samedi du Forum des progressistes européens. L'ancien président socialiste de la commission européenne a appelé les Etats-membres à retrouver le chemin de la grande Europe mais a également fustigé l'attitude de Bruxelles face aux chefs d'Etat, "un professeur méchant, dur, qui va les sermonner".
Celui qui fût un grand artisan de la construction européenne a rappelé les 3 adversaires de l'Europe. Le marasme économique et social, la perception d'une Europe punitive éloignée des européens et enfin le populisme qui se nourrit de la mondialisation et des conséquences des plans d'assainissements économiques et financier.
Face à un Barroso synonyme pour les peuples européens d'austérité et de toujours moins, Jacques Delors a insisté sur le renforcement de la coopération économique et monétaire mais aussi sur l'indispensable relance de la grande Europe, affirmant à contre-courant des eurosceptiques que son avenir est bien devant elle.
Reconnaissant que l'Europe actuelle est devenue "ingérable et incompréhensible" Jacques Delors a réaffirmé que l'Europe doit être le chemin de l'espoir. L'occasion de rappeler le triptyque qui avait guidé son action à la tête de la Commission : la concurrence qui stimule, la coopération qui renforce et la solidarité qui unit. Or c'est bien ce dernier pilier qui aujourd'hui semble absent.
Forum Europe — Jacques Delors : « n'ayez pas... par PartiSocialiste
Barroso : "Etre contre la mondialisation, c'est... par LeNouvelObservateur
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