Europe : pourquoi Guy Verhofstadt ?
Dans deux jours, les élections européennes vont marquer une nouvelle étape de la construction européenne. Libre aux électeurs français de laisser le terrain aux démagogues et aux populistes, mais il ne faudrait alors pas se plaindre d’une paralysie des institutions européennes…
Je voudrais évoquer Guy Verhofstadt et son implication pour l’Europe. Guy Verhofstadt est l’un des cinq candidats déclarés à la Présidence de la Commission Européenne. Il a souvent l’occasion de participer à des rencontres politiques en France et je l’avais très rapidement présenté il y a quelques semaines, j’y reviens aujourd’hui.
Un engagement consacré à la politique belge et à l’Europe
Guy Verhofstadt est un juriste belge de 61 ans qui était considéré par ses professeurs, quand il était adolescent, comme un "rebelle". Et c’est vrai qu’il a un franc parler qui contraste un peu avec la langue de bois habituellement employée par la classe politique française (et belge) : ton direct, message droit au but et dynamisme.
Il s’est très vite engagé dans la vie politique, d’abord en présidant un syndicat étudiant puis en présidant, très tôt, à 29 ans, le parti centriste flamand (PVV qui deviendra le VLD). Il fut ensuite élu député et bombardé Vice-Premier Ministre de Belgique et Ministre du Budget, de la Politique scientifique et du Plan le 28 novembre 1985 à l’âge de 32 ans dans le gouvernement de Wilfried Martens (jusqu’au 13 décembre 1987).
Dans les années 1990, après avoir échoué en 1991 à former un gouvernement, Guy Verhofstadt fit une "cure" dans l’opposition, développa des idées très favorables à la construction européenne et à une justice sociale qui ne peut être exclue de l’efficacité économique.
Après l’échec de Jean-Luc Dehaene et de son parti aux élections législatives du 13 juin 1999, le VLD a conquis la majorité relative (très courte) et ce fut donc très logiquement que Guy Verhofstadt forma le 12 juillet 1999 un gouvernement de coalition qui rassembla centristes, socialistes et écologistes. Il resta Premier Ministre de Belgique jusqu’au 20 mars 2008, après une large victoire électorale le 18 mai 2003 (son parti a obtenu 26,8% des suffrages) mais suivi d’un échec tout aussi grand le 10 juin 2007 (où son parti s’effondra à 11,8% au bénéfice du Cd&V-NVA et du Vlaams Belang) qui ne l’empêcha cependant pas de rester encore quelques mois supplémentaires à la tête du gouvernement pour un intérim le temps de dénouer la complexité politique sortie des urnes qui, au fil des scrutins, va croissant, et le scrutin fédéral du 25 mai 2014 sera à cet égard très tendu.
Pratiquement au pouvoir pendant toute la décennie 2000, Guy Verhofstadt engagea de nombreuses réformes fiscales, sociales, administratives et éthiques pour renforcer la cohésion sociale et moderniser l’État belge. Hostile à la guerre en Irak, favorable au mariage homosexuel (légalisé le 30 janvier 2003), il a eu une part déterminante, en tant que Président de l’Union Européenne durant le second semestre 2001, dans le changement de méthode des conventions intergouvernementales (Nice, Amsterdam) qui ne parvenaient pas à aboutir à un accord sur une réforme des institutions, indispensable pour que l’Union Européenne puisse fonctionner dans la perspective de l’élargissement du 1er mai 2004. Il impulsa le 15 décembre 2001 au Sommet européen de Laeken la formation de la Convention sur l’avenir de l’Europe présidée par Valéry Giscard d’Estaing et vice-présidée par Jean-Luc Dehaene.
Le Président Jacques Chirac et le Chancelier Gerhard Schröder avaient choisi Guy Verhofstadt en 2004 pour succéder à Romano Prodi à la Présidence de la Commission Européenne, mais il fut contesté par le Premier Ministre britannique Tony Blair pour ses positions trop européennes.
Ce fut José Manuel Barroso, le Premier Ministre portugais, qui sortit du chapeau du Conseil Européen, ce dernier promettant qu’il ne gênerait pas les États et qu’il ne prendrait aucune initiative même s’il en avait la possibilité. D’ailleurs, durant ces dix années d’immobilisme européen, le Parlement Européen a adopté plusieurs résolutions demandant à la Commission Européenne de prendre des initiatives dans différents domaines.
C’est justement cela que Guy Verhofstadt veut briser. Il n’a pas de mot assez dur pour qualifier le double mandat inutile de José Manuel Barroso, qui n’a été qu’un valet bien servile des chefs d’État et de gouvernement. Pire, les rares déclarations que José Manuel Barroso a pu faire en France (il s’exprime dans un très bon français) ont été catastrophiques et contreproductives, notamment lors de la campagne du référendum du 29 mai 2005.
Leader des centristes réformistes européens
Après son échec en Belgique, Guy Verhofstadt s’est complètement investi au sein des institutions européennes, considérant que c’est là où il pourrait jouer un rôle utile. Il se fit donc naturellement élire député européen le 7 juin 2009 et pris dès le 30 juin 2009 la présidence du troisième groupe politique du Parlement Européen, l’Alliance des démocrates et des libéraux pour l’Europe (ADLE), qu’il détient toujours aujourd’hui.
Il faut préciser que sur la scène politique européenne, le mot "libéral" n’a pas le même sens que la connotation française et la meilleure traduction serait plutôt "réformiste" comme on pourrait qualifier le FDP en Allemagne. Aux États-Unis, il a un troisième sens encore puisqu’il est l’équivalent de "gauchiste", ce qui est une "tare" (dans sa première campagne présidentielle, c’était l’insulte qu’essuyait régulièrement Barack Obama, "libéral" et "socialiste"). Le mot "libéral" en Europe serait plus en opposition avec le courant "conservateur", de type britannique (et dont on associe un peu trop rapidement le PPE, Parti populaire européen, qui reste plutôt du centre droit).
Guy Verhofstadt est aujourd’hui le candidat des listes centristes UDI-MoDem pour prendre la tête de la Commission Européenne, avec la volonté très ferme de faire bouger les choses, de lancer de nouvelles initiatives européennes après l’immobilisme actuel du couple franco-allemand. Il a participé à plusieurs meetings électoraux en France, en particulier le 30 avril 2014 à Lyon et le 18 mai 2014 à Paris où il a rassemblé une salle de congrès remplie, surtout composée de jeunes, pleine de ferveur pour l’idée européenne malgré un climat général plutôt hostile dans les médias.
L’offre électorale des europhiles est très limitée
Pourquoi me semble-t-il nécessaire que les listes UDI-MoDem, dont les estimations dans les sondages tourneraient entre 8% et 12%, puissent obtenir le plus de suffrages possibles le 25 mai 2014 ? Parce qu’il ne faut pas éteindre la voix de l’Europe.
Parce que ce sont les seules listes qui sont ouvertement européennes. Les seules qui regroupent des candidats qui sont unanimement et passionnément pour faire avancer la construction européenne dont l’enlisement n’est que le résultat de l’immobilisme bureaucratique de la Commission Barroso et de l’absence de vision des dirigeants nationaux.
Il suffit de faire le tour de l’offre électorale en France pour se donner une idée.
Les extrêmes, qu’ils soient de droite ou de gauche, sont particulièrement hostiles à toute idée européenne. Pourquoi envoyer à Strasbourg des députés européens qui rejetteraient le principe même de la vie institutionnelle européenne ? Élire un Pape non catholique serait-il pertinent pour les cardinaux que nous, électeurs, serions ? Surtout lorsque certains sont prêts, pour se faire élire, à placarder, sur de grandes affiches, le visage d’une adolescente pour dénoncer l’intégration de la Croatie, pays qui pourtant, s’est beaucoup préparé à son adhésion (il suffit de voir son réseau routier).
Et puis, il y a les deux grands partis, qui prétendent qu’ils sont favorables à l’Union Européennes mais qui sont très divisées en interne et qui ne sont européens que du bout des lèvres.
La campagne du Parti socialiste est à cet égard extraordinaire. Aucun meeting national. Martin Schulz a certes participé à quelques meetings locaux parfois très confidentiels (comme à Forbach), mais le Premier Ministre Manuel Valls semble préférer participer à un meeting à Barcelone (le 21 mai 2014) plutôt qu’en France. On a recasé un premier secrétaire du PS défaillant au gouvernement comme responsable des Affaires européennes comme si ce portefeuille n'avait aucune importance. Le pire est sans doute la tribune parue le 8 mai 2014 dans le journal "Le Monde" où le Président François Hollande n’a donné aucune piste de réforme de l’Europe, aucun horizon. Juste de l’immobilisme comme il en a tant l’expérience.
Le PS n’a aucune tête de liste vraiment sérieuse capable de faire entendre la voix de l’Europe. À Paris, le leadership de Pervenche Berès est inexistant ; en Lorraine, la candidature d’Édouard Martin est affligeante d’incompétence et d’ignorance sur le fonctionnement même des institutions ; et la seule voix nationale est un ancien ministre incompétent et récemment limogé Vincent Peillon.
À l’UMP, la division est également assez forte entre eurosceptiques (Henri Guaino semble assez intransigeant sur ce chemin) et partisans d’une Europe à renforcer. Si la voix d’Alain Lamassoure est parvenue heureusement à se faire entendre avec des arguments purement européens, malheureusement, l’UMP, pour sa campagne, ne cesse d’utiliser des arguments qui n’ont rien d’européens et qui sont hors sujet : vouloir sanctionner le gouvernement (sans se douter qu’il y a d’autres choix que l’UMP pour sanctionner le gouvernement) et laisser entendre que le vote pour le FN est un vote pour le PS.
Les arguments développés d’ailleurs par Jean-François Copé, le président de l’UMP, dans l’émission "Des Paroles et des actes" sur France 2 le 22 mai 2014 (dont il était l’invité avec François Bayrou, Marine Le Pen, Jean-Luc Mélenchon, Yannick Jadot et Stéphane Le Foll), n’avait pas grand chose à voir avec la passion européenne mais plus avec un copier-coller du programme du FN : suppression de la couverture médicale universelle pour les étrangers (à cela, Jean-Luc Mélenchon lui a fait très justement remarquer que les microbes ne demandent pas la carte d’identité avant de contaminer une personne), et sortie illusoire de l’Espace de Schengen.
Ne pas élire des députés fainéants
Les élections européennes du 25 mai 2014 n’ont pas pour but d’exprimer son opposition ou son adhésion au Front national. Ce n’est pas un référendum sur Marine Le Pen, c’est pour désigner des députés européens qui doivent travailler au Parlement Européen, pas être des fainéants, absents, négligeant, par leur absence, l’intérêt du peuple français au sein des institutions européennes, comme cela a toujours été le cas pour les élus du FN depuis trente ans.
Les élections européennes du 25 mai 2014 ne sont pas non plus un référendum pour exprimer sa colère contre François Hollande et son inaptitude évidente à diriger la France (évidente pour près de 85% des sondés). Manuel Valls l’a rappelé, la politique du gouvernement ne changera pas, quelle que soit le résultat des élections européennes. C’est donc se tromper de colère : en voulant sanctionner le gouvernement par ces élections, on sanctionnerait l’avenir de la France en cassant l’Europe.
Enfin, les élections européennes du 25 mai 2014 ne sont pas un référendum pour ou contre l’Union Européenne. Dans tous les cas, les institutions européennes ne seront pas remis en cause. Ce n’est pas le sujet, ce n’est pas l’enjeu. Ceux qui se prétendent patriotes doivent travailler, être présents dans les commissions en permanence, pour influer sur les choix européens, et défendre les intérêts du peuple français.
Les députés européens ne doivent pas être des recalés de la politique française venus pantoufler au Parlement Européen dans l’attente d’un autre poste plus juteux. Ils ne doivent pas non plus cumuler les mandats ni responsabilités nationales (chef de parti) pour être à plein temps à Strasbourg et à Bruxelles. Ils doivent être suffisamment passionnés par l’Europe pour s’intéresser aux fonctionnements certes complexes des institutions. Ils doivent enfin avoir une vision cohérente et unie de ce qu’ils voudraient faire en Europe, ce qu’ils voudraient faire de l’Europe.
L’Europe sans ambiguïté
À mon sens, seules les listes UDI-MoDem répondent à ces impératifs qui sont les seuls à rendre service à la France et aux Français. Leur profession de foi est assez claire : « Faire porter à l’Europe nos propres erreurs, c’est se tromper de colère et ne pas voir que d’autres pays comme l’Allemagne réussissent en matière d’emploi dans la même Europe et avec la même monnaie que nous. (…) [Avec les listes UDI-MoDem], vous refuserez les idées reçues sur l’Europe, vous bousculerez l’ordre établi par ceux qui veulent penser à votre place, et vous exprimerez à la fois votre attachement à une France leader dans le projet européen et à une vie politique renouvelée. ».
Aujourd’hui, en même temps qu’une certaine idéologie est en train de se répandre dans la classe politique, l’idée européenne est salie, tant par les démagogues et les populistes de tout poils que par les acteurs même de la politique européenne qui n’assument pas, qui s’excusent presque, qui sont même, parfois, "schizophrènes" en ayant un double discours, vis-à-vis des Français et vis-à-vis des partenaires européens.
L’Europe a permis le maintien d’une paix durable. Elle permet d’unir les forces de la première puissance économique face aux évolutions d’un monde globalisé. Elle est capable de tirer toutes les nations européennes avec des politiques adéquates de solidarité. Il ne faut pas jeter soixante années d’effort aux orties ; il faut au contraire franchir une nouvelle étape de l’histoire européenne pour renforcer la convergence fiscale et sociale par le haut. Et seuls, des députés européens sans ambiguïté pourront la porter.
Aussi sur le blog.
Sylvain Rakotoarison (23 mai 2014)
http://www.rakotoarison.eu
Pour aller plus loin :
La France des Bisounours à l'assaut de l'Europe.
Faut-il avoir peur du Traité transatlantique ?
Le monde ne nous attend pas !
Martin Schulz.
Jean-Claude Juncker.
Guy Verhofstadt.
Jacques Delors.
Jean-Luc Dehazne.
Débat européen entre les (vrais) candidats.
Les centristes en liste.
Innovation européenne.
L’Alternative.
La famille centriste.
Michel Barnier.
Enrico Letta.
Matteo Renzi.
Herman Van Rompuy.
Gaston Thorn.
Borislaw Geremek.
Daniel Cohn-Bendit.
Mario Draghi.
Le budget européen 2014-2020.
Euroscepticisme.
Le syndrome anti-européen.
Pas de nouveau mode de scrutin aux élections européennes, dommage.
Têtes des listes centristes de L’Alternative aux européennes 2014 (à télécharger).
Risque de shutdown européen.
L’Europe des Vingt-huit.
La révolte du Parlement Européen.
La construction européenne.
L’Union Européenne, c’est la paix.
L'écotaxe et l'Europe.
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