Européennes, voter ou signer ?
Nous rentrons dans la campagne des élections européennes pour élire un parlement représentant les 500 millions d’européens. La difficulté principale de la démocratisation de la construction européenne est l’absence d’un espace public de débat transnational. A mon sens un tel espace public nécessite une langue et des repères historiques et culturels communs. En attendant la mise en place du latin ou de l’espéranto, deux nouveautés institutionnelles, si elles sont réellement utilisées, sont susceptibles de participer à la genèse de cet espace.
La première est la désignation de candidats pour la présidence de la commission par les partis européens.
Cette nouveauté est décrite dans les deux articles « Innovation européenne 2014 » (1/2) et (2/2). Les conséquences possibles sont évoquées par Bernard Guetta dans sa tribune de libé du 22 avril « Les trois enjeux du 25 mai ». Pour que cela fonctionne, au-delà de cette incarnation d’options politiques au travers de têtes de liste il est nécessaire d’avoir une vision claire des orientations et programmes en concurrence.
Aujourd’hui peu de parti européens ont des programmes de législature complets : à part les verts la plupart des autres partis ont développés des plateformes comme le parti de gauche ou le PPE et plus généralement de simples manifestes de quelques pages comme pour le PES, le parti démocrate ou l’EAF . Encore faut-il que ces instruments soient traduit dans les 27 langues et diffusés par les partis nationaux.
En France c’est le grand silence médiatique et politique sur le sujet. Si l’on va sur les sites des partis français quelques sites font un lien rapide vers le programme européen comme EELV ou le PS, la plupart ne présentent que leurs propres propositions sans référence avec leurs alliances européennes. Coté média, silence radio, alors que je suis tombé par hasard sur un débat entre Jean-Claude Juncker et Martin Schulz sur France 24 le 9 avril,
La seconde est la création des initiatives citoyennes européennes.
Je ne reviendrai pas ici sur le descriptif du fonctionnement ou du bienfondé de ces initiatives, ils ont déjà été exposés dans un certain nombre d’articles d’Agoravox : Les initiatives citoyennes européennes ; L’Initiative citoyenne européenne, un os à ronger ; L’ICE, outil participatif glacé ? ; Plus que deux mois pour les 8 premières Initiatives Citoyennes Européennes ; Pourquoi et comment les citoyens européens se mobilisent. Je rappellerai juste qu’initiées par au minimum 7 citoyens européens de 7 pays différents, elles doivent recueillir en moins d’un an un million de signataires européens, avec un minimum requis obtenu dans au moins 7 pays différents pour que la commission européenne soit obligée de prendre position vis-à-vis de cette initiative et éventuellement prévoir une réponse législative sur le sujet. Pour plus de détails voir le site de la commission.
Je souhaite juste présenter ici trois initiatives en cours qui me paraissent être de nature à créer un débat transeuropéen :
La première a pour enjeu le fonctionnement démocratique de nos sociétés en garantissant l’indépendance des médias
Initiative Européenne pour le Pluralisme des Médias
L’objectif de cette initiative est de protéger le pluralisme des médias par une harmonisation partielle des règles nationales sur la propriété des médias et sa nécessaire transparence, sur les conflits d’intérêts et sur l’indépendance des organes de régulation et de contrôle des médias.
L’enjeu est d’éviter les dérives « berlusconiennes » ou « orbaniennes » que l’on a constaté en Italie et en Hongrie
Soutenue par un certain nombre d’associations de journalistes, cette initiative n’a récolté que 24 800 signatures alors qu’elle n’a que jusqu’au 19 août prochain pour recueillir le million de signatures nécessaires pour être validée. Il est étonnant que cette initiative ne soit pas relayée dans les médias…
Une seconde initiative dont l’enjeu est sociétal : la légalisation du cannabis
Cette initiative souhaite la mise en place d’une politique commune de réglementation et de contrôle de la production, de la vente et de la consommation de cannabis afin de protéger les consommateurs, de garantir la sécurité sanitaire et de stopper le trafic de cannabis. Signer cette initiative citoyenne c’est aussi défendre le plaisir contre l’utilitarisme.
Lancée par un groupe d’étudiant en sciences politiques sans moyens particuliers, cette initiative a déjà récolté plus de 80 000 signatures en deux mois et demi, elle se terminera le 20 novembre 2014.
Une troisième initiative dont l’enjeu est économique : un plan européen d’investissements pour le développement durable et la création d'emplois
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L’enjeu ici est de réorienter l’UE : passer d’une politique d’austérité budgétaire à une vraie politique d’investissements pour l’avenir.
Cette initiative lancée par le Mouvement Fédéraliste Européen, est soutenue par de nombreux hommes politiques dont Martin Schulz. Elle vient juste de démarrer la collecte de ses signatures et se terminera le 7 mars 2015
Voter ou signer ?
Finalement que ce soit dans le cadre de la « démocratie » représentative classique où dans celui d’une ébauche de démocratie directe, nous pouvons faire un constat de carence de la classe politique et médiatique française dans la création et l’animation d’un espace de débat politique européen. Voter ou signer, personnellement je ferai les deux, mais il faudra beaucoup d’autres initiatives pour vivre un jour dans un Europe réellement démocratique….
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