Guerre d’émigration Brésil - Espagne
Crise diplomatique entre le Brésil et l’Espagne suite au renvoi forcé de touristes empêchés d’entrer en Espagne.

En février 2008, le nombre de passagers aériens brésiliens reconduits dans leur pays par les autorités espagnoles a été multiplié quasiment par 20 par rapport à la même période de 2007. En tout, 452 Brésiliens se sont vus refuser l’accès au territoire espagnol pour des motifs divers résumés par la phrase générique : "Faute des documents adéquats justifiant le motif de la permanence dans le pays".
En soi, c’est une situation théoriquement "normale", chaque pays européen devant appliquer les normes d’entrée des étrangers dans la CEE pour contrôler l’immigration. Là où ça se complique pour le Brésil, c’est que non seulement près de la moitié de l’ensemble des "refusés" à la frontière est de nationalité brésilienne, que certains semblent pourtant satisfaire pleinement les pré-requis et que, surtout, le traitement qui est réservé aux immigrants "illicites" dans les aéroports espagnols est particulièrement inhumain.
La situation a explosé quand, le 5 mars, 20 Brésiliens se sont retrouvés bloqués à l’aéroport de Barajas (Madrid). Parmi eux, deux étudiants de l’Instituto Universitário de Pesquisas do Rio de Janeiro,qui allaient participer au 4e Congrès de Sciences Politiques du Portugal à Lisbonne, une riche propriétaire terrienne allant visiter sa famille et un jeune joueur de football qui se rendait en Italie.
Tous ont donné le même témoignage saisissant sur le traitement et les conditions d’hébergement réservés aux immigrants, étayé par une vidéo d’un portable qu’une étudiante avait réussi à cacher. Je cite :"Nous avons été traités comme des chiens. On nous a confisqué tous nos bagages, téléphones, ordinateurs portables, nous avons été parqués dans une salle sans toilettes pendant 5 heures sans aucune explication, on nous a ensuite interrogés sur ce que nous venions faire dans le pays et combien d’argent liquide nous avions sur nous, puis obligés à signer un formulaire de ’négation d’entrée dans le pays’ sans avoir l’autorisation d’en lire le contenu. Ensuite, en attendant de reprendre le vol de retour, nous sommes restés entassés à 200 personnes, gardés par des policiers en arme, réveillés en pleine nuit par des torches dans le visage, obligés de se sécher après la toilette avec des mouchoirs en papier (pas de serviette), réveillés par des coups violents dans les portes comme dans les prisons. Si 2 personnes se levaient en même temps pour prendre un café, un policier criait et nous en empêchait. Enfin, quand l’avion nous a emportés de retour vers le Brésil, ce fut sans nos bagages, qui ne sont toujours pas arrivés."
Pourtant, il s’agissait de personnes aisées, présentant toutes les garanties financières. Malgré leurs explications, la présentation de cartes de crédit internationales, de coucher d’hôtel, du billet de retour, la proposition du recteur de l’université (pour les 2 étudiants) de se porter garant, les autorités ont, de manière surprenante, simplement décidé de ne rien entendre et sont restées sur leur décision initiale.
Il est à noter également que l’ambassade du Brésil en Espagne a été notoirement absente et incompétente dans cette affaire. Interrogé à ce sujet, l’ambassadeur s’est défendu en affirmant que "dans ces cas-là, il n’y a pas grand-chose à faire. On ne peut que confirmer à la police les données fournies par les immigrants (dans ce cas les 2 étudiants), mais s’ils n’ont pas tous les pré-requis nécessaires, cela ne sert à rien d’affirmer que ce sera le cas à leur arrivée au Portugal". Néanmoins, certains touristes, autorisés à téléphoner à l’ambassade, n’ont obtenu aucune réponse : celle-ci était fermée !
Le ministère brésilien des Affaires étrangères a fait savoir sa "profonde insatisfaction" (adorables termes diplomatiques) au gouvernement espagnol. Devant le peu de réponse probante de celui-ci, les mêmes mesures ont commencé à être appliquées au Brésil pour les immigrants espagnols, appliquant le principe diplomatique de réciprocité. En particulier, un groupe de touristes en voyage accompagné a vu son guide bloqué à l’aéroport et renvoyé en Espagne, car il n’avait pas pris la peine de se munir des documents de voyage pour lui-même, alors que tout son groupe était parfaitement en règle.
Cette attitude bizarre des autorités espagnoles peut s’expliquer de différentes manières. En premier, l’absence de nécessité d’un visa pour les Brésiliens entrant en Europe amène à renforcer les contrôles sur ceux-ci à leur arrivée dans le pays. Ensuite, en une période politique tumultueuse d’élection, le gouvernement socialiste a peut-être voulu montrer qu’il contrôlait l’immigration, pour faire taire les critiques de la droite à ce sujet. Enfin, il existe une grande population d’immigrés clandestins brésiliens en Espagne et au Portugal, mal vus par les Espagnols, suivant en cela la vague xénophobe qui agite de plus en plus toute l’Europe.
En revanche, le traitement donné par les policiers aux immigrés bloqués est totalement inexcusable.
Les autorités espagnoles nient que les Brésiliens soient particulièrement visés. Elles allèguent que les contrôles sont les mêmes pour tout le monde, que "les règles sont les règles " et doivent être appliquées. Néanmoins, les chiffres de la propre ambassade et les nombreux témoignages des "rejetés" disent clairement le contraire.
Le président Lula a déclaré qu’il comptait personnellement demander des comptes à ce sujet au prochain chef de gouvernement espagnol, dès sa nomination après les élections du 9 mars.
Source espagnole : l’affaire traitée par El Mundo
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