L’Allemagne, modèle ou passager clandestin de l’Europe ? Alantico s’interroge
Le site internet Atlantico a fait paraître récemment plusieurs articles en rapport avec l'Allemagne, qui se caractérisent par leur tonalité critique. Celle qui se présente comme un modèle se voit contester ce titre. Ce n'est pas un modèle dans la marche vers l'intégration européenne : sa politique tend au contraire à une Europe allemande. Ce n'est pas non plus un modèle dans le domaine économique : malgré la déflation salariale qu'elle impose à son peuple, sa balance commerciale n'est compétitive que vis à vis des autres pays européens, et encore en trichant, puisqu'elle leur impose une monnaie dont le niveau ne leur convient pas et leur empêche toute dévaluation compétitive.
Voyons dans le détail quelques uns de ces articles :
L'Allemagne va-t-elle euthanasier l'Europe ? par Jean-Luc Schaffhauser.
La tonalité critique de l'article est d'autant plus remarquable que l'auteur se présente comme ancien membre de plusieurs cercles européistes, et insiste sur son identité germanique : "Je suis Alsacien, Germain et Français."
Il écrit sans détour :
"Nous sommes, en effet, en train d’aller vers une Europe allemande, c’est-à-dire vers plus d’Europe du tout !
Le refus de tout achat direct de la dette ou le refus statutaire de la monétisation par la BCE, voulu par l’Allemagne, est suicidaire pour l’Europe, car ils ne tient pas compte du contexte mondial de guerre monétaire et de la pratique des autres Banques centrales.
L’Europe ne peut enfin aboutir à une dictature au nom de l’impératif économique, lui-même résultat de la guerre économique imposée par un libéralisme libertaire devenu fou. L’Europe, c’est la main tendue d’une famille, ça ne peut être le bras tendu d’une Nation sur les autres."
Il se montre sceptique vis à vis des succès économiques de l'Allemagne :
"Le modèle économique allemand n’est pas viable pour l’Europe, car il est un modèle de passager clandestin à l’export : les excédents allemands dans les pays européens font les déficits européens. "
"L’Allemagne fait deux fois moins d’excédents commerciaux aux États-Unis qu'en France (près de 14 milliards pour les États-Unis pour un peu plus de 27 milliards en France), ce qui est quand même étrange pour un compétiteur qui se prétend global. Enfin, l'Allemagne enregistre 19 milliards de déficit commercial avec la Chine en 2009, soit un niveau proche du déficit français avec les Chinois, plafonnant à 22 milliards."
"Enfin, l’Euro empêche les dévaluations compétitives, et sans la monnaie unique, le pseudo-compétiteur global n’aurait pu faire ses excédents en Europe pour combler ses déficits vers les pays émergents. Les pays du Sud auraient dévalué, et l’expansion allemande aurait été contenue par sa monnaie forte."
Une Europe allemande est née, par Dominique Trenet
Pour l'auteur, une Europe allemande est née. Il ne s'agit pas de défaire l'Europe, mais de la reconstruire aux conditions allemandes.
Et si c'était l'Allemagne qui sortait de l'euro, par Simone Wapler
Début novembre, une rumeur courait les salles de marché : l'Allemagne préparerait la sortie de l'euro, et aurait fait imprimer des marks par une imprimerie dont le nom était précisé.
Info ou intox ? L'article souligne que l'Allemagne aime l'Europe mais pas l'euro, et qu'elle n'a accepté la monnaie unique que sur l'insistance de ses partenaires, inquiets de sa réunification. Elle ne reste qu'à ses conditions, c'est à dire en interdisant à la BCE le recours à la création monétaire, et en étouffant les pays qui auraient besoin de plus de monnaie.
Même si la décision de rester ou de sortir sera politique et non économique, les marchés font les comptes. Est-ce plus cher pour l'Allemagne de rester ou de sortir ? UBS compare le prix de la sortie telle qu'elle l'estime au prix des renflouements et recapitalisations auxquels l'Allemagne s'expose en restant.
Chevénementiste, l'auteur décortique la politique allemande et montre qu'elle est aux antipodes du fédéraliste. Européenne, oui, tant que l'Europe est au service de l'Allemagne. C'est sur un tel patriotisme que Nicolet voudrait que la France prenne modèle, et non sur un modèle économique de déflation salariale.
L'article montre comme l'Allemagne a poursuivi ses propres intérêts, sa réunification, la reconquête progressive de sa complète souveraineté, son succès économique au détriment de ses partenaires.
"La décision du tribunal constitutionnel de Karlsruhe du 30 juin 2009 fut historique. En affirmant "qu'il n'y avait pas de peuple européen", donc qu'il n'y avait pas de souveraineté et de démocratie européenne, les juges allemands ont déchiré l'écran de fumée et apporté de la clarté au débat. Aujourd'hui, Angela Merkel doit attendre que le Bundestag lui donne mandat de poursuivre les négociations à Bruxelles pour "sauver l'euro".
Il ajoute :
"L'Allemagne affiche donc avec bonheur que le lieu de la démocratie reste la nation et l'État qui est à son service. "
Par comparaison, il raille le projet de Sarkosy de convergence avec l'Allemagne :
"A la limite : pour qu'il n'y ait plus de problème en France, supprimons la France !"
Loin d'en vouloir à l'Allemagne pour sa politique de souveraineté nationale camouflée sous des dehors européistes, il propose de la prendre pour modèle, mais sur ce point seulement.
Nucléaire : aurons-nous froid à Noël à cause de nos voisins allemands ? par Jacques Foos
La notalité critique à l'égard de l'Allemagne, déjà perceptible dans les articles précédents, prend une dimension supplémentaire avec l'article de Jacques Foos, puisque nos voisins sont accusés, rien de moins, de nous préparer un Noël glacial.
En effet, ils ont pris la décision unilatérale de fermer des centrales nucléaires.
Or, la production d'électricité est interconnecée en Europe, si bien que c'est nous qui pourrions manquer de cette électricité que l'Allemagne, autrement, nous aurait vendue.
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