L’atom’cratie toujours vivace en France, rêve d’Europe
A lire la presse française, n’importe quel quidam pourrait penser que l’Europe est en faveur de l’énergie nucléaire. Or, les députés européens (la voix de la démocratie européenne) recommandent de fixer des objectifs contraignants pour la réduction des émissions de gaz à effet de serre et pour l’efficacité énergétique. S’ils soutiennent l’objectif d’accroître l’utilisation de sources d’énergie renouvelable, ils laissent aux Etats membres le choix d’utiliser ou non l’énergie nucléaire. Une lecture bien différente de l’Europe énergétique...
Ce matin, 8 janvier, Le Figaro titrait L’Europe sensible aux vertus du nucléaire, et de continuer et d’écrire : Jusqu’ici prudente sur le sujet, la Commission liste les vertus de cette ressource. Championne d’Europe en la matière, la France voit ses choix énergétiques stratégiques confortés par Bruxelles... Le Monde du 28 décembre 2006 titrait de même : L’Europe invite ses membres à privilégier le nucléaire civil et continuait : Bruxelles veut encourager les Etats de l’UE à développer des filières moins polluantes. De l’Europe à la Chine et de l’Australie à l’Argentine, il n’y a désormais plus une zone de la planète qui échappe au débat sur la relance de l’énergie nucléaire, que certains croyaient en voie d’extinction...
A lire la presse française, n’importe quel quidam pourrait penser que l’Europe est en faveur de l’énergie nucléaire, que tout va pour le mieux dans le monde de l’atom’cratie franchouillarde, qui fait des émules au niveau européen, et que la France exemplaire pour la stratégie énergétique va devenir le modèle à suivre à vingt-sept.
Je m’étonne que notre vénérable presse ramène l’Europe à la Commission et prenne ses désirs pour des réalités (ah, le biberon de l’atome et les nuages qui s’arrêtent à la frontière ...). Pour commencer, si la Commission relance la piste de l’atome comme énergie décarbonée, c’est du bout des lèvres et avec grande prudence (ne serait-ce que pour ne pas fâcher la présidence du Conseil européen, Angela Merkel et le gouvernement allemand en faveur de l’abandon de l’énergie nucléaire). Pour continuer, l’Europe ne se résume pas à la Commission, et il serait intéressant de s’intéresser à l’avis du Parlement européen qui a adopté, le 14 décembre, un Livre vert intitulé Une stratégie européenne pour une énergie sûre, compétitive et durable.
Les députés européens recommandent de fixer des objectifs contraignants pour la réduction des émissions de gaz à effet de serre et l’efficacité énergétique. Ils ont également soutenu l’objectif d’accroître l’utilisation de sources d’énergie renouvelable, mais ont laissé aux Etats membres le choix d’utiliser ou non l’énergie nucléaire.
La résolution du Parlement prévoit les objectifs concrets suivants :
- réduction des émissions de CO2 de 30% d’ici 2020, et entre 60 et 80% d’ici 2050
- 25% de la production d’énergie primaire à partir des énergies renouvelables d’ici 2020 (la Commission propose 20 %, ndlr) et une feuille de route pour parvenir à 50% d’ici 2040
- augmentation de l’efficacité énergétique de 20% d’ici 2020.
Si le Parlement reconnaît le rôle que l’énergie nucléaire peut jouer dans le bouquet énergétique de certains Etats membres, il laisse les Etats membres décider de l’avenir de cette source d’énergie.
Ainsi donc, on apprend que la démocratie européenne est en faveur des énergies renouvelables (pas un seul titre dans la presse hexagonale), et que le nucléaire relève d’un choix national ! On peut s’interroger sur l’information énergétique très partielle en France. Si vous lisez Newsweek, je vous conseille le dernier trimestriel qui consacre son édition spéciale à l’énergie. On y lira, outre une synthèse globale sur la problématique énergétique mondiale, un article intéressant sur le nucléaire version Ikéa made in Russia (VVER1000, réacteur à eau froide à partir de 750 $ / kW, à comparer au 1900 à 2300 $/kW d’un réacteur français). Bientôt on lira en France « stop au low-cost nucléaire russe » dans les défilés de la CGT énergie ;-) ! L’idée des Russes est simple : vendre des réacteurs petits et peu coûteux aux Etats qui voudraient se lancer dans l’énergie atomique. Premier client, l’Iran, mais l’Indonésie, le Pakistan, l’Afrique du Sud, la Turquie... sont intéressés. Bel avenir énergétique planétaire que de vendre des petits Tchernobyl à des pays très stables...
Alors, un constat en forme de proposition : le nucléaire fait débat, et doit faire débat dans nos démocratie occidentales, ne serait-ce que pour apporter une réponse crédible et viable pour les déchets, et une autre sur la prolifération (considérant la sécurité de production acquise...). En attendant, nous pourrions engager tous nos efforts sur ce qui fait consensus : production, rapidement et massivement, de plus d’énergie renouvelable, et augmenter l’efficacité énergétique.
Car pendant que nos journalistes prennent leur rêve atomique pour une réalité européenne, l’administration fiscale fait une lecture bien partiale du crédit d’impôt en faveur des énergies renouvelables (50%) pour évincer l’électricité solaire de son bénéfice (pour qui veut vendre la totalité de sa production). J’y reviendrai dans un prochain article.
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