L’Europe selon Bronislaw Geremek
Regardez cette interview, prise lors du rendez-vous des Européens à Lille. Vous comprendrez qu’on puisse avoir un élan d’affection et de respect réel pour cet homme-là.
Je suis entièrement d’accord avec lui. Sur les priorités concernant des politiques de solidarité, entre les Etats et entre les hommes. Sur la nécessité d’un espace public. Il nous parle de jeunesse européenne, de la génération comme la mienne née dans l’Europe, qui a grandi dans une ambition d’Europe politique.
Je crois en revanche qu’il se fourvoie sur Erasmus. J’ai énormément appris à Prague pendant un an. Hors de l’université surtout. Il est indéniable que les 52 000 étudiants français qui partent en Erasmus chaque année en reçoivent quelque chose, qui s’exprime sur court, moyen ou long terme. C’est une bonne chose : cela ne fait pas d’eux des suppôts de l’Union européenne, mais cela fait d’eux des pro-Européens, qui cherchent à comprendre leurs voisins, et qui réfléchissent de manière décloisonnée.
J’ai tendance à penser que cette façon de penser mène à un soutien indéfectible, qui n’empêche cependant pas la critique, de l’Union européenne et des institutions communautaires.
Mais il manque quand même quelque chose à Erasmus : c’est le travail. J’ai passé deux ans au cycle Est-européen de Sciences Po à Dijon, où nous étions exactement 50 % de Français et 50 % d’étudiants étrangers, qui travaillions ensemble, écrivions des exposés, des mémoires, des examens ensemble. Et c’était vraiment du travail.
Cela nous a sans doute plus rapproché qu’une expérience Erasmus à faire la fête et à découvrir la gastronomie du pays d’accueil. Même si cela ne l’excluait pas, heureusement. Mais c’est ce qu’il manque à Erasmus : le travail. Ainsi, ce n’est pas seulement de l’extension du nombre d’étudiants qui partent dont il faut s’occuper, mais aussi de la qualité des universités d’accueil et des cours proposés.
Je vous rassure, tous les étudiants étrangers passés par Dijon sont effectivement incollables en décommunisation de la Bulgarie... mais ils le sont aussi sur La Cité de la peur ou sur La Grande Vadrouille.
Il faudra aussi admettre un jour que la population qui peut partir en Erasmus représente une minorité que l’on peut qualifier d’élite, et que construire un espace public européen, c’est aussi élargir le public qui peut s’approprier le sujet européen. Il faut penser à des échanges professionnels, à des échanges techniques, éventuellement, comme le proposait Nouvelle Europe, à des échanges entre journalistes, entre professeurs...
C’est comme ça que la "solidarité" dont parle Geremek au début (je boucle la boucle) saura le mieux s’exprimer.
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