L’UE tentée de fournir des données personnelles de ses citoyens aux autorités américaines
L’UE s’apprêterait à livrer aux Etats-Unis un volume très conséquent de données personnelles sur ses citoyens. L’information a été délivrée par le New York Times du 28 juin, puis reprise par son confrère britannique The Guardian. Dans un entrefilet, lemonde.fr confirme en précisant que la France, qui vient de prendre la présidence de l’UE, soutient ce projet. Ces données ne sont pas anodines. Transactions par cartes bancaires, voyages à l’étranger ou encore les habitudes de navigation sur internet sont au cours de cet accord.
Si le diable se cache dans le détail, il se dissimule aussi dans des accords entre autorités auxquels on se garde bien de donner la moindre publicité. Et pour cause. Il y a bien un avant et un après 11-Septembre 2001. En termes de libertés publiques au moins.
Depuis cette journée noire, la guerre contre le terrorisme permet de justifier des atteintes plus que conséquentes aux droits fondamentaux qui constituent le cœur de nos démocraties. Si l’on passe sur les dérives les plus criantes, du type de Guantanamo, qui touchent les individus suspectés « d’intelligence avec l’ennemi », force est de constater que l’emprise sécuritaire tend à s’étendre au brave citoyen ordinaire.
Dans une paranoïa institutionnalisée, l’appareil d’Etat américain, en s’appuyant sur les nouvelles technologies, entend bien tout recenser, tout ficher, communications téléphoniques comprises. Sur ses ressortissants, mais pas seulement. Les autres Etats sont fortement invités à coopérer s’ils ne veulent pas être victimes de représailles économiques. Dans un manichéisme primaire, ceux qui ne sont pas avec les Etats-Unis, sont, obligatoirement contre eux.
Dans cette dérive liberticide, les institutions européennes toujours frileuses lorsque des relations commerciales sont en jeu auraient fait le choix de l’allégeance à la superpuissance américaine.
Un accord portant sur l’échange de données personnelles concernant les ressortissants de l’Union serait en cours de finalisation dans l’objectif d’être entériné avant la fin du mandat de G. W. Bush, en janvier 2009.
Le glissement irrésistible vers une surveillance généralisée des citoyens, considérés de facto comme des ”terroristes en puissance”, est indéniable. La concession la plus importante pour les négociateurs de l’UE porterait sur le fait de reconnaître que le système de contrôle interne de l’Etat américain avec ses multiples agences offre des garanties suffisantes sur l’utilisation des données personnelles des citoyens européens.
La Commission européenne l’a très discrètement rendu public le 11 juin dans un communiqué commun uniquement diffusé en anglais avec la présidence américaine. Il aura fallu attendre que le NYT reprenne l’information pour que celle-ci commence à circuler… en Europe.
Le tournant est important pour l’UE qui jusqu’à présent était sur une ligne beaucoup plus stricte sur l’accès aux données privées de ses citoyens. Malgré tout, la question du recours juridique que pourraient engagés les citoyens européens victimes de ce qu’ils considéreraient comme une atteinte à leur vie privée ou contre des mesures négatives prises à leur encontre (liste noire pour les déplacements aériens, refus de visa, par exemple) n’est pas réglée et reste un point d’achoppement avec les négociateurs américains.
La question est suffisamment sensible pour que les autorités européennes pressentant le caractère explosif de ce type de coopération s’il venait à être largement connu préfère attendre une réforme des institutions de l’UE. Dans ce cadre en effet afin que ce serait le Parlement européen qui serait amené à avaliser l’accord. Le blocage actuel du processus de ratification du Traité de Lisbonne qui suspend la réforme institutionnelle complique les choses d’autant que le terme du mandat de George Bush se rapproche.
Dans ce contexte, les Américains pourraient jouer la carte française. Nicolas Sarkozy, ami affiché des Etats-Unis, avait déjà comme ministre de l’Intérieur joué le jeu des exigences américaines en termes de communication d’informations aux lendemains du 11-Septembre. Désormais à la présidence de l’Union pour six mois, le président français constitue le nouveau cheval de Troie des Etats-Unis dans l’espace européen. Il est vraisemblable que tout autant par amitié que par conviction il mette tout son poids à débloquer la situation. Fusse au détriment des libertés publiques. Il est vrai qu’en la matière, il détient en son ami George un professeur émérite.
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