L’Agence fédérale pour l’emploi (Bundesagentur für Arbeit – BA) et les caisses familiales(1) ont réussi un nouveau pas en direction du citoyen transparent en s’attaquant d’abord, comme souvent, aux privés d’emploi. Les deux administrations introduiront le dossier électronique au niveau national en menant un projet pilote dans les Länder Saxe-Anhalt et Thuringe. La Deutsche Post AG ouvrira toute lettre adressée à une des deux administrations pour numériser tout son contenu. Ensuite, les dossiers ainsi transformés en fichiers seront acheminés vers les destinataires. Pour réaliser le projet pilote, de nouveaux codes postaux ont été introduits. Le Erwerbslosenforum(2) nous informe sur cette nouvelle attaque contre la protection des données en titrant joyeusement “Cinq bons chiffres dans la loterie de vos lettres”. Eva Schmidt de Radio Lora Munich a parlé avec le porte-parole du Erwerbslosenforum Martin Behrsing.
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Eva Schmidt : Monsieur Behrsing, de quoi s’agit-il dans ce projet ?
Martin Behrsing : A l’avenir il n’y aura plus de papier dans les Agences pour l’emploi (Arbeitsagenturen - AA). Cela signifie que les documents doivent être transformés dans une
forme numérique. La BA et la Deutsche Post ont décidé une coopération dans laquelle la poste ouvrira les lettres et numérisera leur contenu pour ensuite le transférer aux administrations destinataires.
E.S. : De quels genre de données s’agit-il ?
M.B. : Il s’agit de toutes les données. Tout document adressé à l’AA sera numérisé et envoyé en tant que photo numérique à la BA. Cela signifie entre autre que la poste ouvre aussi des documents médicaux pour les scanner.
E.S. : Comment peut-on réécrire le secret de la correspondance de façon à ce que la poste allemande ait le droit d’ouvrir des lettres et scanner leur contenu ?
M.B. : Je n’ai aucune idée comment la BA peut se permettre cela, notamment quand elle fait appel à un prestataire de service privé. Les personnes concernées ne peuvent même pas faire opposition, ce sera tout simplement fait. Normalement, toute information qui sera enregistrée en forme électronique a besoin d’un accord préalable de la personne concernée.
E.S. : Quelle est la raison pour ce projet ? Quelles sont les économies que l’AA espère faire ? S’agit-il des coursiers internes ?
M.B. : C’est ça. Elle économise déjà les coursiers internes. Cela on pourrait encore le comprendre. L’AA fait aussi économie de ses espaces de dépôt dont elle a besoin pour les documents en papier. D’un autre côté nous connaissons l’intention de créer le bureau sans papier, cela fait longtemps qu’en on parle. Ce que nous savons aussi c’est que la consommation de papier s’est multipliée par neuf au niveau mondial depuis l’introduction de l’informatique.
E.S. : Ce serait un point de vue écologique. Parlons pour l’instant des aspects de sécurité. Quelles sont vos craintes, de quelles données la BA ou la poste pourraient-elles faire un mauvais usage ?
M.B. : Le problème est que la poste est une entreprise privée. Il s’agit là d’une protection de données vraiment sensibles. Nous n’avons pas envie de les voir dans les mains de l’économie privée. C’est aux institutions étatiques de protéger de telles données et pas à un quelconque prestataire de service privé. Au demeurant il n’est pas certain que les documents soient correctement acheminés et que quelques collaborateurs ne fassent pas un peu n’importe quoi avec les documents. Déjà maintenant nous constatons qu’il y a parfois des problèmes avec le courrier. Le projet actuel élargie les possibilités d’abus de données pour quelques indélicats. De plus une conséquence est qu’une personne qui perd son emploi devient encore davantage transparente, car des données peuvent facilement être transférées ailleurs comme nous avons fait l’expérience.
E.S. : Que diriez-vous aux gens qui n’ont pas encore fait l’expérience du chômage – quelles données le chômeur doit-il révéler ?
M.B. : Supposons qu’une personne perd son travail. Elle doit alors envoyer une demande d’allocation de chômage à la BA. Ces informations ne sont peut-être pas hypersensibles, mais il y a ensuite des documents sur la santé comme un congé de maladie, des lettres de candidatures et des CV. S’il s’agit d’un chômeur dans le système Hartz, donc d’un allocataire d’Alg2 cela devient « intéressant » car ces personnes doivent envoyer des extraits de leur compte bancaire et d’autres informations très personnelles. La poste va ouvrir toutes ces lettres pour les scanner et les envoyer ensuite par voie électronique. Les possibilités de traitement de données électroniques sont immenses, on peut créer des profils très pointus, ces données sont très demandées.
E.S. : Quelles actions avez-vous prévues pour empêcher ce projet ?
M.B. : Nous avons tout de suite publié un communiqué de presse. Dans les prochains jours nous allons expliquer sur notre site internet comment s’opposer à cette collecte de données. Nous allons également examiner les possibilités pour savoir si nous pouvons interdire cela aux agences de la Saxe-Anhalt et de Thuringe. Pour cela nous allons contacter le délégué de la protection des données.
E.S. : Que pensez-vous de la possibilité d’utiliser les anciens codes postaux ?
M.B. : C’est aussi une idée. Sinon nous conseillons d’apporter personnellement les documents aux agences.
- - - - - - - - Fin de l’interview - - - - - - - - -
Les années noires du non-respect de la protection des données
(Stephan M..)
Il faut savoir que les allocataires d’Alg2 sont obligés de révéler des données intimes sur leur situation familiale, sociale, médicale et financière aux Jobcenters. La nouvelle sur la négligence du secret de la correspondance pour les chômeurs à eu un effet de bombe dans la presse allemande. C’est assez étonnant car la presse n’a pas l’habitude de s’intéresser beaucoup aux chômeurs et aux travailleurs pauvres.
Pendant que nombre de journaux écrivent plus ou moins la même chose, « Der Spiegel » va un peu plus loin. Il nous rappelle que la BA n’est s’est pas vraiment couverte de gloire dans le passé en ce qui concerne la protection des données. D’abord il parle de l’existence d’une note interne dans laquelle était précisée que les chômeurs pouvaient être surveillés par des détectives privés. Après une vagues de protestations la BA avait fait marche arrière. (
BA renoce à la filature des allocataires Hartz4 – spiegel.de). Une autre fois, cette administration avait installé un système informatique qui permettait à 100.000 personnes l’accès à des données comme des maladies de dépendance, des problème de surendettement et des problèmes familiaux des allocataires Hartz4. (
Des dizaines de milliers de conseillers des AA ont accès aux données les plus intimes – spiegel.de).
Der Spiegel conseille de rester sur ses gardes dans le cas actuel tout en précisant que la BA semble avoir pris des précautions dans leur projet de numérisation.
La BA prend position par rapport à l’article du journal BILD « Scandale de données : La Poste doit ouvrir des lettres de chômeurs » et constate : Les données des chômeurs et des allocataires des caisses familiales sont sûres !
Dans la suite la BA nous explique que la sécurité des données serait extrêmement élevée et elle promet de prendre très au sérieux les inquiétudes des uns et des autres. Il s’agirait de 35 millions données existantes et de 400.000 nouveaux documents qui arrive chaque jour.
Nous voilà rassuré.
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(1)
Les caisses familiales en Allemagne s’occupent de la péréquation fiscale des familles.
(2) L’Erwebslosenforum est une association militante et une plateforme internet qui organise l’information, le soutien, la résistance contre les conditions dures de Hartz4 et des “journées de paie pour et avec des chômeurs. (occupation d’une agence de l’emploi pour exiger un paiement ponctuel - il y a beaucoup de retard dans les payements avec toutes les conséquences qui en découlent pour les chômeurs et travailleurs pauvres)
(3) Alg2 = Arbeitslosengeld 2 – l’allocation de fin de droit en Allemagne