La Grèce et l’avenir de l’Union européenne
Pas une journée sans les annonces continues d’une Grèce au bord de la cessation de paiement. La réussite des émissions à court terme ne masque pas les problèmes structurels que l’économie grecque a accumulés depuis plusieurs années. Le fautif à cette situation est tout trouvé, c’est l’euro. Son niveau trop élevé ne permet pas un réajustement économique puisque toute dévaluation est impossible. De là à parler d’ajustement par les salaires, il n’y a qu’un pas que la Grèce entreprend timidement. Et c’est par une soit disant sortie de l’euro que seul le salut de la Grèce est évoqué. Les medias anglo-saxons continuent de relayer cette information alors qu’elle a été démentie à plusieurs reprises par le gouvernement grec. Que doit faire la Grèce ? Répondre à cette question sans être taxe d’idéologie est devenu un défi. Peser le pour et le contre d’une sortie de la Grèce parait une approche plus neutre.
La dévaluation monétaire ou la désinflation compétitive ?
C’est un problème évident qu’une monnaie forte pour des économies qui ne peuvent en jouir, comme la Grèce. Cela pénalise ses exportations hors de l’Union européenne puisque sa compétitivité-prix dépend largement du taux de change entre les zones partenaires. La Grèce n’a jamais profité de l’afflux de capitaux pour faire basculer son économie vers la production de biens et services à plus haute valeur ajoutée. C’est une économie qui repose fortement sur quelques secteurs clefs comme le tourisme, qui subit les aléas saisonniers, le fret maritime, qui subit la concurrence des tankers chinois, de l’agriculture et de l’immobilier, qui comme dans toutes les économies occidentales a pris une place disproportionnée ces dernières années.
La perte de part de marché à l’exportation aurait conduit de nombreux pays à effectuer des dévaluations compétitives pour améliorer leur positionnement vis-à-vis de leurs concurrents. Mais l’euro ne le permet pas puisque la Banque Centrale Européenne (BCE) ne mène pas une politique économique à la place des Etats, mais une politique de stabilité des prix, principal objectif de la BCE. Une baisse des salaires est une solution que le gouvernement grec a entrepris d’imposer. Mais l’un des principaux moteurs de la croissance qu’est la consommation des ménages est bridé. La croissance des exportations devra compenser ce facteur interne, mais les politiques d’austérité mises en place en Europe n’aident pas la Grèce à se relancer. Il faudra trouver d’autres relais de croissance hors de la zone européenne.
Sortie de l’euro et indépendance économique
La sortie de la zone économique et monétaire signifierait un retour à une monnaie nationale qui immédiatement se déprécierait indiquant ainsi la véritable valeur de l’économie grecque. Cette dépréciation signifierait dans un premier temps, une érosion du pouvoir d’achat des grecs qui ne pourraient plus importer les produits intermédiaires pour relancer leurs exportations (renchérissement des importations).
Cette situation sera cruciale, car en manque de liquidités avec un « drachme sans valeur », il s’agira de convaincre les investisseurs internationaux que la Grèce est un pays attractif capable de créer de la croissance économique. Il faudra une politique volontariste grecque pour ramener les liquidités internationales et cela avec de nouvelles conditions. Il faudra à ce niveau que la Grèce réussisse à faire valoir des atouts supérieurs à d’autres pays (émergents ou en transitions par exemple) se trouvant alors dans la même position.
La sortie de la Grèce devient un problème européen puisque rien n’empêchera alors d’autres pays de sortir de l’UEM et de relancer leurs économies de la même manière que la Grèce (Portugal, Irlande et même d’autres). Au-delà de tout article juridique européen, c’est bien la volonté de gouvernements qui peut faire basculer l’avenir de chaque pays. Cela correspondrait à un retour à un système de change multiple entre les Etats européens (type serpent monétaire européen) qu’il faudra rapidement réguler sous peine de se retrouver lancé vers une nouvelle ère de guerre monétaire. Cette situation risque de modifier en profondeur le fonctionnement des institutions européennes.
La fin de l’Union européenne ?
L’environnement n’est aujourd’hui plus ce qu’il était il y a 25 ans lors du lancement de l’Acte Unique. Malgré des relations économiques et diplomatiques intra-européennes très fortes, la montée d’un monde multipolaire a redéfini les alliances entre les blocs économiques et à l’intérieur de ces blocs. Le déclin relatif de certains pays « anciennement industrialisés » et la montée des pays comme la Chine, le Brésil, la Turquie ou encore l’Afrique du Sud modifie la construction des partenariats stratégiques des Etats entre eux.
La solidarité européenne en prendrait un coup au dépend des opportunités existantes dans le reste du monde ? La question est légitime. Néanmoins, comme le note Franck Biancheri avec son terme de « dislocation géopolitique » ouverte avec la crise des surprimes en 2007, les BRIC deviendront pour les années à venir l'eldorado de la prochaine phase de croissance internationale.
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