La politique du virage permanent
Nouvelle volte-face de Nicolas Sarkozy à Boulogne-sur-Mer, devant 300 marins-pêcheurs. Le chef de l’Etat souhaite abandonner les quotas européens validés par la France et ses partenaires en décembre dernier.
Les dernières directives de la politique de la pêche, approuvées par la France en même temps que ses partenaires de l’Union européenne, il y a tout juste un mois, viennent d’être balayées par Nicolas Sarkozy. Voici des extraits du discours de Sarkozy, devant plusieurs centaines de marins-pêcheurs, à Boulogne-sur-Mer, ce samedi 19 janvier : "la France va présider l’Union européenne, du 1er juillet au 31 décembre, c’est une opportunité pour sortir de l’affaire des quotas (...) Il faut un dialogue très approfondi et très fort avec la Commission européenne sur la question des quotas (...) d’ici à la fin du mois (...) Il faut apporter une réponse beaucoup plus souple aux problèmes de la pêche que celle des quotas et cela quelles que soient les espèces et les lieux de pêche. On ne peut plus avoir d’un côté les scientifiques, de l’autre les pêcheurs, ce n’est pas possible. La pêche est globale et les premiers à défendre la ressource sont les pêcheurs".
La politique européenne de la pêche s’appuie sur des expertises transparentes, et validées au niveau mondial, qui disent, en substance, ceci : trop pêcher aujourd’hui, c’est mettre en danger l’économie de la pêche très vite et déstabiliser demain l’ensemble de l’écosystème marin connu et exploité par l’homme. L’accord européen du 19 décembre visait notamment les quotas de cabillaud. Les scientifiques estiment depuis des années que la surpêche du cabillaud est telle que cette espèce est menacée de disparition. Cette politique européenne de la pêche fait donc partie des préoccupations écologiques et économiques globales, et la France en est la première visée, en raison d’un littoral qui borde les trois quarts de son territoire national. La politique de la pêche est démocratique, au sens où les représentants des Etats, dans le cadre des compétences de l’Union européenne, ont choisi une voie représentative, sur la base de données raisonnables et concertées. Voilà pour le rappel de quelques bases.
Que fait Sarkozy ? Il détruit ce qu’il a lui-même validé au niveau européen, au nom de la France, par la voix de son ministre Michel Barnier.
Lorsque le président souhaite "sortir de l’affaire des quotas", il balaie d’un revers de main toute la vision européenne et la construction d’une méthode, de façon unilatérale. Nicolas Sarkozy se moque clairement de ce que la France - avec pourtant son mandat de chef d’Etat - a validé dans le cadre de l’Union. Sarkozy n’avait-il pas annoncé, pourtant, il y a quelques mois, qu’il voulait sauver l’Europe ? Ensuite, prétendre que les pêcheurs sont les « premiers à défendre la ressource » est totalement faux. Les entreprises du secteur maritime pêchent pour tirer un revenu suffisant apte à assurer leur avenir. Elles ne pêchent pas pour défendre la ressource halieutique. Les entreprises de pêche, dans leur majorité aujourd’hui, ne sont plus celles du passé, familiales et coopératives. Pour être compétitifs et vendre du poisson, y compris à des milliers de kilomètres de la mer tous les jours (non-sens écologique), il faut être gros et puissant. Il faut pêcher beaucoup, avec peu de personnel. Que les petites sociétés de pêcherie soient dans l’impasse est indéniable. Mais, même dans la difficulté, la politique européenne les préserve en instaurant des mécanismes d’aide à l’activité et à la reconversion. Et la vérité, c’est que moins il y a de quotas européens, plus ces petites entreprises risquent de souffrir. Car elles ne suivront pas la concurrence des gros.
Enfin, notons une anecdote révélatrice. A Boulogne, ce samedi 19 janvier, le ministre français de la Pêche, Michel Barnier, était présent. Le mois dernier, il avait annoncé que l’accord européen sur la pêche serait appliqué avec une "totale intransigeance". Aux côtés de Sarkozy, le ministre a dû ravaler sa salive en direct. Une fois de plus, le président de la République vient de prouver qu’il aime casser en public et en solo ce qui est élaboré par ses « collaborateurs ».
Les déclarations de Sarkozy sur la pêche, comme sur d’autres sujets, n’ont malheureusement rien d’étonnant. Il s’agit d’un nouvel exemple de la méthode et de la communication à la manière de Nicolas Sarkozy. Une communication du virage permanent et du mensonge pour flatter le dernier qui écoute ou le dernier qui parle, et surtout conforter une posture personnelle de l’instant. Souhaitons que les minorités silencieuses de ce pays, qui n’en peuvent plus de ce gouvernement du mensonge organisé, se lèvent et fassent grossir leurs rangs pour redresser la barre. Car seule l’intelligence collective, fondée sur une réelle vision politique, peut donner espoir en l’avenir. Les credo virevoltants de Sarkozy ne répondent pas à cet espoir démocratique.
16 réactions à cet article
Ajouter une réaction
Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page
Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.
FAIRE UN DON