• AgoraVox sur Twitter
  • RSS
  • Agoravox TV
  • Agoravox Mobile

Accueil du site > Actualités > Europe > La présidence de l’Union européenne n’existe pas

La présidence de l’Union européenne n’existe pas

Un raccourci de langage trompeur.
La plupart des journaux, et même des politiques, parlent régulièrement d’une présidence de l’Union européenne, celle que la France devrait exercer au second semestre 2008. On débat même – en anticipant l’entrée en vigueur du Traité de Lisbonne – du nom du futur président [1]. Le problème est que la « présidence de l’Union européenne » n’existe pas.

Les questions européennes sont complexes, tout simplement parce que la construction européenne est un processus progressif, difficile, qui respecte la complexité des réalités de notre continent. Cette complexité est donc à la fois inévitable et même souhaitable. Toutefois, elle nuit à l’image du projet européen dans les opinions, elle ne permet pas d’expliquer les enjeux dans les 45 secondes que peuvent leur consacrer les journaux télévisés.

Il est ainsi compréhensible que l’on cherche à simplifier les choses lorsqu’on aborde ces questions afin de pouvoir tenir un discours qui ne soit pas réservé aux seuls initiés. Je ne vois donc pas d’inconvénient pour ma part à ce que l’on parle de « loi européenne » pour parler des règlements, ou de « loi-cadre européenne » pour désigner des directives. On procède ainsi par analogie avec des termes plus familiers aux citoyens. La substitution de vocabulaire éclaire ici sur la nature de ce sur quoi on s’exprime.

Il est en revanche bien plus problématique de parler de « présidence de l’Union européenne ».

En effet, non seulement les traités ne mentionnent pas une telle fonction, mais surtout l’expression est susceptible d’introduire une grande confusion sur la nature de cette fonction, en particulier en France où règne un régime politique présidentialiste.

La présidence du Conseil

« Le Conseil est formé par un représentant de chaque État membre au niveau ministériel, habilité à engager le gouvernement de cet État membre. La présidence est exercée à tour de rôle par chaque État membre du Conseil pour une durée de six mois selon un ordre fixé par le Conseil, statuant à l’unanimité » [2].

Ce dont on parle ce n’est donc pas en réalité de la présidence de l’Union européenne – comme il existe en France un président de la République française – mais de la présidence de l’une des institutions communautaires, le Conseil, comme il existe un président de la Commission européenne et un président du Parlement européen.

Le nouveau Traité de Lisbonne prévoit pour sa part la création de la fonction de président du Conseil européen. Il s’agira d’une personne physique élue par le Conseil européen, lequel réunit les chefs de gouvernement des États membres [3], à la majorité qualifiée pour une durée de deux ans et demi. Toutefois, le Conseil proprement dit, connu aussi sous le nom de Conseil des ministres, conservera le système de présidence tournante actuel.

Présidence du Conseil et président du Conseil européen, en effet, de présidence de l’Union européenne point. Cette confusion n’est pas seulement un raccourci de langage attribuable à des journalistes pressés ou à des secrétaires de rédaction devant faire tenir beaucoup d’informations dans un titre. L’expression erronée est présente sur certains sites officiels.

Ainsi le site d’information officiel français « Touteleurope.fr » entretient la confusion en alternant les deux expressions. Si l’intitulé exact figure dans le corps du texte, les titres retiennent la formulation erronée. Au final, l’encyclopédie décriée Wikipedia se montre plus exacte en consacrant un article à la présidence du Conseil de l’Union européenne.

Qui gouverne l’Union européenne ?

La précision sur ce point n’est pas dépourvue d’enjeux.

En effet, l’analogie erronée évoque chez les auditeurs l’idée que l’Union européenne serait effectivement dotée d’une présidence ayant un rôle politique. L’image du président de la République française et plus encore du président des Etats-Unis devient une référence. De toute évidence la présidence du Conseil de l’Union européenne ne relève pas de ce type de fonction.

Le rôle de ceux qui assurent cette responsabilité est bien plus modeste.

Toujours, selon le nouveau Traité de Lisbonne, qui n’innove pas vraiment sur ce point :

« Le président du Conseil européen :
  • a) préside et anime les travaux du Conseil européen ;
  • b) assure la préparation et la continuité des travaux du Conseil européen en coopération avec le président de la Commission, et sur la base des travaux du Conseil des affaires générales ;
  • c) œuvre pour faciliter la cohésion et le consensus au sein du Conseil européen ;
  • d) présente au Parlement européen un rapport à la suite de chacune des réunions du Conseil européen. »

Enfin, la nouvelle fonction s’ajoute aux divers intervenants en matière de politique extérieure, le haut représentant et les commissaires européens compétents : « Le président du Conseil européen assure, à son niveau et en sa qualité, la représentation extérieure de l’Union pour les matières relevant de la politique étrangère et de sécurité commune, sans préjudice des attributions du haut représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité. »

L’Europe, quel numéro de téléphone ? La question restera longtemps sans réponse, ou en tout cas pas en lisant les traités.

Le raccourci journalistique tend ici à faire croire que l’Europe est gouvernée alors qu’elle ne l’est pas. Croire que l’Europe est gouvernée c’est d’une part constater qu’elle est mal gouvernée (et pour cause, puisqu’en réalité elle ne l’est pas) et d’autre part renoncer à revendiquer qu’elle le soit.

Au total, parmi les nombreux clichés dont souffre l’Union européenne, celui-ci ne me semble pas des plus innocents.

Valéry-Xavier Lentz



Moyenne des avis sur cet article :  3.93/5   (15 votes)




Réagissez à l'article

8 réactions à cet article    


  • bernard29 candidat 007 1er juillet 2008 16:22

    Argh !! vous faites du mal à "notre" président. 

    Enfin, ça peut le rassurer aussi, puisque comme toutes ces initiatives tournent en "eau de boudin", il pourra dire que ce n’est pas de faute. Il a déjà commencé avec Mendelson.


    • Soleil2B Soleil2B 2 juillet 2008 14:00

      Faisons déjà le compte de la mise en sommeil du Parlement pour cause de vacances d’été, et ça nous donne la durée du mandat de l’Idiot du Village (bien regarder la vidéo Off de FR3).

      - 3 mois..........

      - Ouf !


      • Vilain petit canard Vilain petit canard 2 juillet 2008 14:10

        J’ai l’impression d’avoir déjà lu cet article il y a quelques jours, et même d’y avoir fait un commentaire... Le revoici vierge et semble-til un peu écrémé (?). Que s’est-il passé ?


        • ZEN ZEN 2 juillet 2008 15:34

          Malgré sa volonté de redorer son blason bien terni, notre HP ne fera pas de miracle...


          ____"Le président en exercice ne prend aucune décision seul, contrairement à un président national (en France par exemple…), et sa voix ne pèse pas plus lourd lors des votes : comme le résume le site Toutel’Europe.fr, "le pays qui assure la présidence de l’Union européenne exerce des devoirs de représentation et d’organisation". ___

          Présidence française de l’Union européenne : des chantiers de rénovation ou de démolition ?


        • zoé 2 juillet 2008 18:54

          Merci pour cette précision essentielle.

          Il me parait stupéfiant que les journalistes utilisent inlassablement des termes techniques érronés sous prétexte de vulgarisation.
           
          La construction éuropéenne est en effet complexe et il est parfois très difficile de faire la part entre le manque d’information lié à l’incurie de nos médias et l’opacité bien réelle de certains aspects de l’union européenne. C’est un vrai casse tête !


          • Vilain petit canard Vilain petit canard 3 juillet 2008 15:46

            Excusez-moi, j’ai la tête dure, mais je répète ma question : cet article n’a-t-il-pas déjà été publié et a-t-il déjà été l’objet de commentaires ??


            • Valéry Valéry-Xavier Lentz 7 juillet 2008 13:27

              Bonjour,

              Je suis l’auteur de l’article, publié en février sur Le Taurillon. Je l’avais soumis il y a quelques jours à Agoravox pour publication, son contenu me semblant intéressant à l’approche du début de la présidence française du Conseil et il avait été publié.

              Toutefois l’équipe d’Agoravox, pour enrichir sa rubrique Europe, publie régulièrement des articles parus sur le Taurillon (ceux-ci étant sous licence Creative Commons), sans que l’équipe éditoriale du webzine eurocitoyen ne les ait proposé à la publication. J’imagine que la personne ayant publié celui-ci ne s’est pas rendu compte qu’il a déjà été publié dans ces colonnes.

Ajouter une réaction

Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page

Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.


FAIRE UN DON







Palmarès