La question Roms en France et en Europe : état d’urgence !
Les Roms ou Tziganes forment une communauté particulière qui alimente régulièrement les débats sur l’insécurité et l’immigration. La communauté Roms au sein de l’Union européenne compte environ 10 millions de personnes. Face à la question des Roms, les réponses des pays européens varient, allant de la fermeté à des politiques favorisant l’intégration. Malgré tout, les Roms, citoyens européens, sont encore et toujours considérés comme des citoyens de seconde zone, personae non gratae. De fait, l’exclusion sociale des Roms est un phénomène généralisé en Europe. Sommes-nous dans une impasse à leur intégration ? Certainement pas ! La question Rom, loin d’être insoluble, ne peut se résoudre qu’avec une volonté politique européenne accrue. Si l’on n’y regarde d’un peu plus près, la question « Rom » est une question de droit. Elle pose foncièrement la « question du respect de la dignité humaine » pour l’Union européenne et ses Etats membres et dès lors un impératif s’impose : l’Union européenne, doit se doter d’une politique commune sur cette question et incarner plus que jamais une Union de droit contre toute forme d’exclusion à l’égard des minorités. Tel est le message aujourd’hui qu’il faut entendre et porter dans le débat public. L’Etat français se positionne sur cette question et entend prendre un nouveau virage. Travailler avec ses partenaires européens dans le sens d’une meilleure intégration des Roms.
De qui parle-t-on quand on évoque les Roms ? Quelle est la réalité des problèmes rencontrés par les populations Roms présents en France, comme partout en Europe ?
D’un point de vu historique la grande famille des Roms, Tsiganes, Manouches, Gitans serait issue du même peuple nomade qui a quitté le nord-ouest de l’Inde au début du XIe siècle et qui s’est dispersée à travers l’Europe et le reste du monde. Présents depuis des siècles, la culture pluriséculaire des Tsiganes est néanmoins largement méconnue. Cette méconnaissance des Roms favorise les préjugés. Dans la culture romani, les individus vivent depuis toujours en groupes clos au sein d’une famille élargie et leur mode de vie reste lié à l’itinérance originelle. Dans ces conditions, en milieu européen, leurs normes culturelles se sont heurtées avec le système des normes dominantes. Ils ont ainsi développé un communautarisme et des protections identitaires forts par rapport et même par opposition aux populations autochtones qui les entourent. Rapidement, les Roms sont ainsi devenues les parias de l’Europe. Cependant, il serait illusoire de croire qu’il s’agit de la seule explication à leur rejet et marginalité au sein des sociétés européennes. Avec une diaspora de 15 millions d’individus dispersés à travers le monde, ils constituent la plus forte minorité ethnique mais n’ont jamais exigé le moindre territoire bien que les persécutions liées au nazisme ne les aient pas épargnés. Les Roms comme ensemble des populations nomades et les Roms comme populations qui vivent dans l’est européen sont bien souvent confondus. Ces derniers ont véhiculé une image négative des gens du voyage français, notamment suite à l’adhésion de pays de l’Est de l’ancien bloc communiste à l’UE, roms roumains , hongrois ou bulgares en situation de grande précarité ont émigrer en masse vers la France . L’amalgame fait entre les roms étrangers orientaux (qui étaient eux aussi majoritairement sédentarisés avant leur départ de leur pays) et les gens du voyage français favorise une politique publique homogène anti-tsigane, loin d’être judicieuse. Dans un tel contexte, un ensemble de dispositifs législatifs et de politiques discriminatoires témoigne de l’acharnement des politiques stigmatisantes à l’égard des Roms en général. Il est à déplorer que cela semble rencontrer un consensus populaire.
Un climat de violence et de xénophobie
On estime la communauté des Roms à quelque 10 millions de personnes en Europe, dont 20 000 à 30 000 en France. Force est de constater qu’il persiste une vision négative et déformée des identités des Roms. De fait, ils sont considérés comme un problème. Plutôt un problème sécuritaire pour la droite et plutôt un problème social pour la gauche ; mais un problème persistant. Se laissant entraîner par un populisme grandissant en Europe, de la droite jusqu’à la gauche au pouvoir, on use, et parfois de manière décomplexée, des éléments de langage racistes. De surcroît, les pratiques discriminatoires envers la minorité Rom en Europe ne cessent de se multiplier comme en témoigne de nombreuses études. Plus largement, il existe un racisme rampant au sein de toutes les sociétés européennes qui attise les tensions ethno-sociales, sur fond de crise économique, et explique en partie, dans ces conditions, que les Roms soient persécutés. La surveillance administrative et policière est renforcée à leur égard. Les politiques sécuritaires de la droite ont amplifiée une xénophobie apparente si bien que la société française n’a jamais été aussi clivée au moment ou justement elle a besoin de plus d’unité. Dès lors, le rêve républicain du « vivre tous ensemble » ne semble pas prêt de devenir réalité. L’intolérance des habitants envers les « gens du voyage », qui vivaient depuis des années à la périphérie de certaines grandes villes comme Marseille ou Naples, s’est faite plus violente et sans appel. Il faut bien le dire, dans certains pays européen, cette intolérance est soutenue par une propagande populiste et raciste (parti de la Ligue du Nord, parti politique en Italie). Le parti d'extrême-droite Jobbik, troisième force politique du pays, a d’ailleurs même proposé de créer une gendarmerie dévolue aux « problèmes roms ». Isolée et marginalisée, cette communauté est ainsi tiraillée entre un nomadisme revendiqué et un nomadisme infligé. Dans un tel contexte il est encore difficile de parler d’une France réconciliée avec son identité plurielle.
Un ensemble de dispositifs législatifs et de politiques discriminatoires
La Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne reconnaît le principe de non-discrimination, protège le droit des minorités et interdit les expulsions collectives. Force est de constater que le respect de cette Chartre est loin d’être acquis mais souvent bafoué. Il suffit, pour s’en convaincre de mentionner les nombreuses affirmations suivantes :
Le journal bulgare d’opposition Sega a dénoncé, avec force, la politique de « déportation » des Roms.
« Ils sont stigmatisés et privés de pans entiers de leurs droits » déplore quant à elle, Geneviève Garrigos, présidente d’Amnesty France.
« En Europe, les sentiments anti-Roms sont si profondément ancrés que la discrimination à leur encontre semble généralement tolérée et ne pas être considérée comme illégale. » La citation figure telle dans le rapport de 2006 d’Alvaro Gil-Robles, ex-commissaire européen aux Droits de l’homme.
Michèle Mézard, ancienne directrice des missions roms à Médecins du Monde, et fondatrice du collectif Romeurope, « les Roms se sont encore plus appauvris. Beaucoup n’ont même plus les moyens d’acheter une vieille caravane, ils vivent dans des cabanes au milieu de la boue, des rats et des détritus. »
En expulsant des Tsiganes de son territoire, la France ne fait guère mieux que la Roumanie et la Bulgarie, qu'elle est pourtant si prompte à critiquer, estime un hebdomadaire de Sofia.
En Italie, les Roms, (estimés à 150.000), sont régulièrement au coeur de débats sur l'immigration et la sécurité. En 2008, l'Italie avait commencé à ficher les habitants de camps de nomades, en relevant notamment leurs empreintes digitales.
L'Allemagne expulse de jeunes Roms vers le Kosovo, même s'ils sont nés sur le sol allemand. Quelque 10.000 Roms ne disposant pas d'autorisation de séjour formelle doivent ainsi être renvoyés « par étapes », a annoncé le gouvernement. Reste que selon un rapport de l'Unicef, 38% des Roms renvoyés d'Allemagne sont apatrides, ce que plusieurs conventions internationales interdisent.
Environ 250.000 Roms vivent en Grèce, la plupart dans des conditions misérables, souvent victimes d'expulsions arbitraires et de violence policière. Malgré des aides sociales provenant des programmes européens, leur intégration reste lettre morte
En République tchèque, où la minorité rom est estimée à 250.000 personnes, plusieurs attaques d'extrémistes de droite ont été enregistrées à leur encontre ces dernières années. Le pays a même été condamné par la Cour européenne des droits de l'homme pour le placement forcé d'enfants roms dans des écoles spéciales destinées aux handicapés mentaux.
Le traitement discriminatoire avéré à l’égard des Roms se pose désormais à l'échelle du continent tout entier. Cette stigmatisation expresse de citoyens européens à part entière est indigne et il est urgent de remédier à cette situation. Même si, transformer les imaginaires individuels et collectifs reste un enjeu de taille, c’est un impératif moral que de modifier les attitudes et les discours négatifs à leur égard.
La question Roms en France
En France, de juillet à août 2012, près de 2300 Roms ont été évacués de 22 camps. Sans solution de relogement. Les conséquences sont dramatiques en termes de médiation sanitaire, de prévention, de scolarisation des enfants et de suivi médical. Dans ces conditions, ils vivent dans une situation de grande précarité. La pauvreté, le manque d’accès aux soins et d’éducation sont flagrants. Face aux multiples démantèlements de camps illégaux, aucune offre de logement alternatif, de préavis ou un accès aux recours juridiques, comme le prévoit les traités internationaux ne sont envisagés. Certes, une aide au retour est prévue pour ces populations ayant un passeport roumain et désirant rentrer chez eux soit 300 € par personne, 100 € par enfant, plus les billets d'avion versée, par l'Office français de l'immigration et de l'intégration aux Roms. Mais il est à déploré qu’aucune « approche d’insertion » concrète ne voit le jour pour inclure les Roms dans des programmes de formation, et d’accès à l’emploi. Cette situation dure depuis 20 ans. Le droit européen interdit l’expulsion de citoyens communautaires. Or des moyens de contournement sont légions tel que le trouble à l’ordre public pour justifier ces pratiques. Mais est-ce que la France expulse ses propres citoyens lorsqu'ils ont commis un délit ? La France a toujours défendu une tradition humaniste depuis la Révolution mais on ne peut pas à la fois prôner l'intégration républicaine, c'est-à-dire l'assimilation et en même temps opérer une distinction entre citoyens Français et qui plus est européen, en fonction de leur origine. Rappelons-nous que le Comité de l’ONU pour l’élimination de la discrimination raciale avait rappelé la France à l’ordre, l’exhortant à "éviter" les renvois collectifs de Roms et les "discours politiques discriminatoires". En mettant l’Etat de droit non plus au service de l’égalité et de la justice, mais de calculs électoralistes à court terme, les Chefs de gouvernement portent une lourde responsabilité dans cette dérive, sur fond d’immobilisme des instances européennes.
Vers une meilleure politique à l’égard des Roms
Il est urgent d'apporter des solutions concrètes en facilitant notamment la réinsertion sociale des Roms. La France doit contribuer de manière audacieuse à ce processus. En France, l’alternance politique a fait naître de grands espoirs chez les associations, après la politique du « tout répressif » menée pas Nicolas Sarkosy avec inlassablement une politique de reconduction vers leur pays d’origine de citoyens roumains et bulgares. C’est dans cette perspective que les choses sont en train de bouger. En annonçant des mesures pour faciliter l'accès au travail des Roms en France, l'exécutif opère un changement radical. Ainsi de nouvelles mesures sont apparues ; les décisions prises pour les Roms : « supprimer la taxe » due par les employeurs et leur rendre plus de métiers accessibles. Cela va dans le bon sens. Dans ce contexte, le président bulgare Rossen Plevneliev qui rencontrait François Hollande lundi 28 janvier 2013 à Paris s’est exprimé en ce sens.
« Il s'agit de trouver une perspective économique pour ces populations au niveau européen, grâce notamment aux fonds structurels. Et la Bulgarie travaille très sérieusement à ce sujet. Nous avons une stratégie admirée par nos partenaires européens. Nous sommes en train de débuter les premiers projets de travail pour donner des possibilités de formations aux Roms afin de leur donner une perspective économique ».
A l’image de la Bulgarie, une coopération réelle entre Paris, Bucarest et l’Union européenne doit apporter des solutions concrètes pour trouver des réponses durables aux questions qui se posent ?
L’Espagne : l’exemple à suivre
Certains pays ont choisi une politique d’intégration, à l’image de l’Espagne, pays qui accueille la plus forte communauté rom, ou gitane (800.000, selon l'estimation haute). Ces Roms sont inclus dans un programme d’aide destinés aux gens du voyage nationaux et qui vise à offrir des chances réelles d’intégration. Le gouvernement a ainsi adopté un « plan d'action pour le développement de la population gitane 2010-2012 en terme d’éducation, de logement et d’emploi. Le Bilan semble positif car toutes les conditions ont été remplies pour favoriser une intégration réussie et lutter efficacement contre toute forme de discrimination.
Plus que jamais il est urgent d’agir. Une véritable équité doit passer par plus d’égalité à l’égard de la communauté Rom. Il faut créer les conditions permettant aux Roms d’intégrer de vrais parcours d’insertion professionnel. Les dirigeants politiques, membres d’associations humanitaires ainsi que les représentants des communautés roms en Europe doivent travailler ensemble sous l’égide de l’UE. Les gouvernements doivent agir sur deux leviers soit travailler à l’intégration des Roms, et aider à ce que la situation s’améliore assez en Roumanie et Bulgarie pour qu’ils restent là-bas. Enfin, l’Union européenne, de manière déterminante, doit s’affirmer comme une « Union de droit » garantissant la protection des droits fondamentaux des individus, notamment les minorités.
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