La visibilité des « minorités visibles » augmente parmi nos eurodéputés élus
Huit députés européens issus de la diversité ont été élus dimanche 7 juin en France. Une forte progression puisqu’il y en avait seulement trois aux élections européennes de 2004. Concernant la représentation politique des français issus de la diversité, les choses avancent donc dans le bon sens en France, même si cela n’est pas encore suffisant.
Le 7 juin dernier, 72 eurodéputés ont été élus par les français pour siéger au Parlement Européen de Strasbourg. Même si le pouvoir du Parlement est encore insuffisant, ils pourront légiférer en codécision, être consultés sur les grandes décisions, et voteront le budget de l’UE en matière de dépense.
La question de la représentativité des « minorités visibles » parmi les candidats à ces élections a une nouvelle fois été abordée en France, premier pays d’immigration où, plus qu’ailleurs, la promotion des minorités ethniques est un sujet récurrent du débat politique. En effet, les citoyens venus des anciennes colonies de la France sont toujours sous-représentés en politique.
Mais le 7 juin 2009 a marqué un net progrès dans ce secteur. Parmi nos 72 nouveaux représentants, 11 sont issus de la diversité. Si l’on enlève les 3 députés représentant l’Outre-Mer, nous en avons donc huit, sur 69 élus en France métropolitaine.
Aux élections de 1989, il y avait eu 2 députés issus de la diversité, 0 en 1994, et 8 aussi en 1999 (mais sur 87 eurodéputés), et seulement 3 (sur 78) en 2004.
Sur la dernière mandature, la France était donc largement déficitaire en matière de diversité. Seuls Tokia Saïfi (UMP), Kader Arif (PS) et Harlem Désir (PS) en étaient issus. Trois eurodéputés symbolisant la diversité, cela représentait alors 4,1 % du total des eurodéputés élus en France hexagonale.
Depuis le 7 juin, les 8 eurodéputés issus de la diversité représentent 11,5 % de l’ensemble de nos parlementaires européens, soit une hausse de notre représentation de la diversité au Parlement de Strasbourg de 280 % par rapport à 2004 !
Le 7 juin, les trois députés cités ci-dessus ont eu l’honneur d’être réélu. Ils seront accompagnés pour la première session du nouveau Parlement le 14 juillet de cinq nouveaux collègues. Tout d’abord, la benjamine Karima Delli (photo), 29 ans, députée surprise pour Europe écologie en Ile-de-France, Malika Benarab-Attou, aussi pour Europe écologie dans le Sud-Est, Nora Berra pour l’UMP toujours dans le Sud-Est, Rachida Dati, dont on a beaucoup parlé pendant la campagne, représentant l’Ile de France pour l’UMP. Enfin, pour le PS, Liêm Hoang-Ngoc est le petit nouveau, élu dans la circonscription Est. Né en 1964 à Saïgon (Vietnam), économiste et maître de conférences à l’Université de Paris-I Panthéon-Sorbonne, il faut signaler que ce dernier est le seul député français, national ou européen, symbolisant l’immigration asiatique. On parle toujours de l’immigration venue d’Afrique, mais l’immigration en France vient du monde entier. Et notamment de l’Asie, où la France a aussi une histoire coloniale avec l’Indochine française entre 1893 et 1954.
Par rapport à 1999, il n’y a donc qu’une légère amélioration, mais par rapport à 2004, il y a un net progrès encourageant. Cette information a très peu été reprise par les médias traditionnels, il est important donc de le signaler. Dans un article paru le 22 mai dernier dans le quotidien Suisse "Le Matin", Fadila Mehal, présidente de l’association féminine Les Marianne de la diversité et candidate en 3ème position dans la région parisienne pour le MoDem, constatait déjà avec enthousiasme qu’un nombre important de français issu de la diversité était présent sur les listes. "C’est la première fois que sur les listes européennes, il y a beaucoup de personnes issues de la diversité. C’est une banalisation et à l’avenir, on ne regardera plus l’origine de ces personnes mais ce qu’elles proposeront", disait-elle.
Pourtant le président du Conseil représentatif des associations noires (CRAN), Patrick Lozès, ne partage pas cet enthousiasme. Il qualifie même l’élection de « nouveau RDV manqué pour la diversité ». Il explique que « ce nombre ne pouvait pas stagner tellement il était faible. […] Il y a une évolution par rapport aux dernières élections mais elle est trop faible pour être significative", observe t-il. Est-ce légitime ?
Nous pouvons contester ces propos quand le nombre de députés issus de l’immigration est presque trois plus important en 2009 qu’en 2004.
Néanmoins, par rapport à 1999, il est vrai que l’amélioration est moins nette, d’où ce sentiment de stagnation.
Faire apparaître notre diversité dans nos institutions est un long processus. Et malheureusement, on a pris beaucoup de retard, mais il y a une vraie prise de conscience ces dernières années, boostée par l’élection de Barack Obama aux Etats-Unis, et on voit clairement que les choses bougent et évoluent dans le bon sens, à l’image de cette élection européenne. La tendance positive devrait continuer aux prochaines élections européennes et, espérons-le dès les prochaines élections régionales de 2010.
Si l’on prend ces données, parti par parti, le meilleur élève est le Parti Socialiste, qui pourrait reprendre un rôle moteur dans le débat sur la promotion de la diversité. Avec trois élus sur treize en France hexagonale, cela représente 23% de députés issus de la diversité. Le parti de la rue de Solférino fait mieux que celui de la rue de la Boétie (UMP) qui a aussi 3 eurodéputés de la diversité mais sur un total de vingt-huit, ce qui représente seulement 11%. Avec deux élus sur quatorze, Europe Écologie a 14% de diversité. Le mauvais élève est le MoDem ; il est vrai qu’il n’a que six élus, mais cela montre qu’aucun candidat de la diversité n’avait été placé en tête des listes.
Le nombre d’eurodéputés français symbolisant la diversité a donc évolué positivement, puisqu’il y a cinq eurodéputés supplémentaires par rapport la mandature précédente. Ceci dit il reste encore beaucoup à faire dans ce domaine. Avec la prise de conscience quasi générale, les choses ne pourront qu’évoluer dans le bon sens dans les années à venir. Petit à petit, les obstacles qui empêchent l’émergence de "certains" candidats se lèvent. Mais pour ça, la pression sur les différents partis politiques ne doit pas être relachée. Nous ne dirons pas encore que tous les signaux de la représentation politique de la diversité en France sont au vert après cette élection européenne, mais ils ne sont plus au rouge.
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