Le dialogue social européen
Face au développement de la construction européenne, aux transferts de compétence importants dans le domaine économique, touchant les travailleurs, les syndicats tendent à agir au niveau européen comme le prouve l’exemple de la Confédération européenne des syndicats. Nous traiterons de façon plus générale le dialogue social, dans son environnement européen, dans sa construction, ses caractéristiques et son articulation face au niveau national.
I.
La construction du dialogue social
européen
A. Une montée en puissance
Le dialogue social européen démarre dans les
années 1970. Deux organisations (UNICE et CES) se rencontrent dans deux groupes
de travail : le CEDEFOP et les conférences tripartites sur l’emploi qui
deviendront le Comité permanent de l’emploi (CPE). Le dialogue social n’est pas
encore autonome et ces instances ne sont encore que consultatives.
Jacques Delors va donner une impulsion décisive au
dialogue social européen en réunissant les présidents de l’UNICE, de la CES et
du CEEP. Ceci pose les bases d’un dialogue social communautaire. C’est surtout
l’acte unique qui reconnaît et officialise le dialogue social. Des textes
conjoints sont adoptés mais sont dénués de force obligatoire.
Après ces deux premières étapes, le dialogue
social démarre réellement à travers le protocole social annexé au traité de
Maastricht. Avant ce traité, la seule possibilité concernant le dialogue social
résidait dans l’adoption d’une directive par le Conseil, on a dorénavant quatre
cas de figure : accord entre partenaires sociaux mis en œuvre par une
directive européenne, une législation européenne mise en œuvre au niveau
national par un accord collectif, accord entre partenaires sociaux qu’ils appliqueraient
eux-mêmes au plan national et législation européenne classique, par
transposition.
B. Le dialogue social à la peine
A la fin des années 1990, le dialogue social peine à trouver un second souffle. Au niveau interprofessionnel, sur douze sujets, seules trois négociations ont fait l’objet d’accords mis en œuvre par une directive. D’autre part, ces accords sont peu ambitieux puisqu’ils ne définissent que des prescriptions minimales.
De plus, les partenaires sociaux sont divisés. La
CES est favorable à la dimension contractuelle mais l’UNICE regrette un trop
grand interventionnisme des pouvoirs publics à tous les niveaux, privilégiant
un développement d’orientations et d’objectifs communs.
II. Le modèle communautaire du dialogue social : ses instruments et son approfondissement souhaitable
A.
Les instruments du dialogue social
Les instruments les plus utilisés actuellement
sont les suivants :
Ø la méthode ouverte de coordination (MOC)
qui constitue un espace possible d’articulation des politiques nationales, du
dialogue social européen autour de références discutées en commun.
Ø la consultation des partenaires sociaux
sur la coordination des politiques, notamment dans le cadre du Sommet social
tripartite où sont examinées les orientations de politique économique, les
objectifs pour l’emploi. Pour les partenaires sociaux, c’est le lieu le plus
visible pour faire valoir leur point de vue.
Ø Les accords autonomes de la
« nouvelle génération » qui
doivent être transposés dans le cadre national.
Ø La situation est incertaine sur ce dernier
point car les partenaires sociaux sont en désaccord quant au statut et à la
portée de ces accords. La commission tente une typologie et insiste surtout sur
l’exigence de mise en œuvre.
Ø Les expériences réalisées au sein des
comités d’entreprise européens.
Ø Le dialogue social sectoriel qui produit
un nombre important de textes de natures diverses. C’est dans ce cadre que
s’observe la plus grande implication des représentants des travailleurs et
employeurs.
B. Le modèle du temps réservé en quête d’évolution et d’approfondissement
Certains observateurs considérent que le dialogue social
européen se résume à « un échange de faiblesses » » entre la
Commission européenne et la Confédération européenne des syndicats. La
Commission, dans une communication de juin 2002 souhaitait préciser son point
de vue sur « l’avenir du dialogue social » qu’elle présente comme le
moteur des réformes sociales et économiques. Elle souhaite enrichir les moyens
d’action, développer ceux cités précédemment. La déclaration des partenaires
sociaux du Conseil européen de Laeken annonçait déjà une nouvelle étape du
dialogue social, passant par une rationalisation de la concertation au sein
d’une nouvelle enceinte et par l’approfondissement du dialogue social
bipartite. La réponse des institutions passa par le sommet tripartite pour la
croissance et l’emploi. La Commission met également en avant la stratégie de
Lisbonne (atteindre le plein emploi et renforcer la cohésion sociale) comme
relevant de la responsabilité spécifique des partenaires sociaux. Ces derniers
sont donc largement légitimés. Toutefois, reste le constat de la
faiblesse du dialogue social européen ; depuis que les partenaires sociaux
européens disposent du pouvoir de signer des accords, seuls six accords interprofessionnels
ont été adoptés, dont trois transposés par voie de directives (congé parental,
travail à durée déterminée et travail à temps partiel) et deux accords mis en
oeuvre par les partenaires eux-mêmes (télétravail en 2001, stress en 2003).
Quant à la question de la représentativité, elle est insuffisamment traitée, voire éludée. En 1993, la Commission a établi trois critères pour les partenaires sociaux : interprofessionnels, sectoriels et organisés au niveau européen ; composés d’organisations reconnues ; disposer de structures adéquates permettant de manière efficace à la consultation. Depuis, la situation n’a pas évolué.
« Le dialogue social
européen n’a certes pas encore fait ses preuves, mais il s’est organisé pour
permettre une concertation et une négociation sur les avant-projets de textes,
préalablement au débat interétatique puis parlementaire ».
III.
Articulations entre dialogue
social européen et dialogue social national
A. Négociation collective et intégration dans les droits internes
Lorsque la Commission fait des propositions dans
le domaine social, elle doit consulter en premier lieu les partenaires sociaux.
Si elle souhaite agir, elle doit les consulter de nouveau et deux solutions
s’ouvrent alors à elle : les partenaires sociaux remettent un avis ou une
recommandation à la Commission ou bien ils informent la Commission de leur
volonté d’engager une négociation sur le sujet pour lesquels ils ont été
sollicités. En cas d’accord, là encore, deux voies sont possibles :
Ø Une décision du Conseil est recherchée sur
proposition de la Commission. L’entrée en vigueur dans les Etats dépendra de
l’instrument juridique choisi. C’est la voie privilégiée par la commission.
Ø Les procédures et pratiques des acteurs
sociaux sont utilisées. Toutefois, les conditions d’application diffèrent d’un
Etat à l’autre.
Quant à l’intégration dans les droits internes,
elle est loin d’être facile en raison d’obstacles à transposer et d’obstacles à
la transposition du contenu. Dans le premier cas, les divers problèmes sont les
suivants :
Ø obligation d’engager la négociation dans
le cadre des procédures de conciliation, de médiation ;
Ø donner sa pleine mesure à une obligation
de faire adressée par les acteurs européens aux acteurs nationaux (des actions
judiciaires doivent pouvoir être engagées) ;
Ø élaborer des règles qui permettront de
matérialiser objectivement la situation ;
Ø le choix de l’instrument juridique est
également délicat dans la mesure où les systèmes juridiques des Etats sont
différents ; à charge donc aux partenaires sociaux, à la Commission,... de
trouver d’autres sources d’intégration garantissant l’application effective des
accords.
Dans le second cas, la transposition du contenu en
lui-même, on note deux obstacles :
Ø l’absence d’homogénéité concernant le concept
de « négociation collective »
Ø le poids et l’autorité de la loi suivant
les Etats. Un accord n’aura pas la même portée suivant l’importance du droit
légal selon les Etats.
La transposition des accords dans les droits
internes est plutôt sophistiquée ; les différents interlocuteurs devant
« créer » des solutions « astucieuses » pour rendre le
dialogue social plus fluide.
B. Articulations entre les différents acteurs et les différents niveaux
L’une des principales préoccupations concerne
l’articulation entre acteurs sociaux nationaux et acteurs nationaux européens.
Le principe de subsidiarité y joue un rôle important. Par exemple, les
employeurs ont des difficultés à déléguer des compétences de négociation au
plan européen. Quant aux syndicats, les tâches sont plutôt bien définies :
la CES n’agit qu’au niveau européen tandis que les confédérations syndicales
nationales ne se préoccupent que d’une action au niveau national. Toutefois,
cette situation est amenée à évoluer, en témoigne la présence accrue des partenaires
nationaux aux négociations européennes. De plus, l’articulation n’est pas
parfaite, imperfection qui pourrait s’aggraver quand on sait que les questions
sociales et économiques sont de plus en plus interdépendantes.
Deuxièmement, il n’y a pas d’articulation entre
les institutions européennes et nationales du dialogue social. A court terme,
toute évolution semble impossible. A moyen terme, il n’y a guère plus de
chances d’assister à la mise en place d’une articulation institutionnelle.
Cependant, des liens dynamiques existent et des pistes sont à rechercher dans
ces domaines. Par exemple, le Conseil supérieur de prévention des risques
professionnels (CSPRP) est saisi de l’application nationale des directives
communautaires dans les domaines de la santé et de la sécurité. D’un point de
vue plus général, les questions européennes devraient prendre plus de place
parmi les agendas nationaux et dans les instances nationales. Les comités
d’entreprise européens sont une articulation concrète de relations sociales se
déroulant au plan européen pour des entreprises, des travailleurs localisés sur
des territoires nationaux.
Le
dialogue social européen est loin d’être au point. Les accords sont peu
nombreux ou peu contraignants, il n’y a pas d’institutionnalisation des
relations entre institutions européennes et nationales du dialogue social. Si
certains prétendent qu’il ne s’agit que d’ "un échange de
faiblesses", les faits montrent que le dialogue progresse toutefois. C’est ainsi qu’est apparue une forme de
dialogue social plus pragmatique et plus souple, et aussi plus « informel ». Avec
l’appui de la Commission, se sont mis en place au cours des années 80 les
groupes de travail informels (GTI). Ces comités avaient pour objectif de
créer des liens de compréhension réciproque et de confiance entre les acteurs
sociaux. Cet exemple montre que le dialogue social européen fait appel au
pragmatisme et à une évolution réfléchie.
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