Le populisme italien s’écrase sur le mur de la réalité
« Il n'y a rien de plus sale que la pureté », disait Bernard-Henri Lévy dans les années quatre-vingt-dix parlant de l’intégrisme religieux et politique. Car la pureté est avant tout le produit de toute position politique extrême. Personne n’en est exclu.
En Italie, on assiste ces derniers jours à la perte de cette « pureté » du populisme représentée par le Mouvement cinq étoiles au pouvoir, allié au parti d’extrême droite La Ligue de Matteo Salvini.
Les députés et militants du parti sont stupéfaits par la prise de décision de Giuseppe Conte, président du Conseil et proche du mouvement, d'avoir accepté le lancement des travaux d’infrastructures du TGV Turin-Lyon. “Ne pas le faire coûterait beaucoup plus cher” a-t-il déclaré sur Facebook, en ajoutant “Je pense à notre intérêt national qui est le seul à guider l’action de notre gouvernement”.
La décision arrive après des mois de polémique entre les deux partis de la majorité parlementaire et représente une étape importante dans la “normalisation” du Mouvement cinq étoiles. La protection de l’environnement était l'un des objectifs principaux du parti. Son fondateur, le comédien Beppe Grillo, a même été condamné en 2010 à quatre mois de prison pour ne pas avoir respecter les règles en brisant les scellés du chantier TGV.
Pour les militants du parti, qui se présentaient comme la seule expression de la volonté générale et des intérêts citoyens, c’est une attaque franche envers un symbole de leur lutte politique.
Elle n’est toutefois pas la seule. Depuis son arrivée au pouvoir, le Mouvement cinq étoiles a changé, à de nombreuses reprises, ses prises de position politiques qu'il prétendait pourtant inflexibles. Au Nord comme au Sud.
En Sicile, le parti avait soutenu les manifestations des habitants contre le Muos, le système devant relier toutes les unités combattantes des Etats-Unis et de l’OTAN. Au pouvoir, Elisabetta Trenta, la ministre de la Défense du Mouvement cinq étoiles change de position.
Dans les Pouilles, quand il n’était pas au pouvoir, le Mouvement s’opposait au Tap, projet de gazoduc entre la Grèce, l’Albanie et l’Italie. Il affichait son soutien au mécontentement des habitants. “Deux semaines” auraient suffit pour bloquer le projet, selon Alessandro Di Battista, un des chefs de file du parti. Une fois au pouvoir le parti déclare “avoir les mains liées” : le projet ne peut pas être arrêté.
Encore dans les Pouilles, à Tarente. Le chef de file du parti, Luigi Di Maio, promettait la fermeture du site d’Ilva, la plus importante usine européenne d’acier, à l’origine d’un désastre environnemental. Une fois ministre du Développement économique, il change lui aussi de position.
À Gênes, dernier épisode en date. Après l’effondrement du viaduc Morandi, le ministre des Infrastructures Danilo Toninelli (Mouvement cinq étoiles) accuse la famille Benetton, actionnaire à trente pour cent du groupe Atlantia, maison-mère de la société Autostrade per l’Italia assurant la gestion des autoroutes italiennes, d’être responsable de l’accident. Il menace ensuite de révoquer la concession autoroutière. Le gouvernement ne leur en a finalement pas retiré la concession. Mais Luigi Di Maio a autorisé l’accord entre la société nationale italienne des chemins de fer, Ferrovie dello Stato italiane (FS), Atlantia de Benetton et Delta Airlines pour sauver la compagnie aérienne italienne en quasi faillite.
La « pureté » idéale, l’absence de tout compromis “dépravé” et la supériorité morale étaient les critères sur lesquelles le Mouvement cinq étoiles avait défini son action politique. C'est sur cette base qu’il discréditait tout adversaire politique et écrasait tout débat d’idées. Cette position affirmée lui a permis de remporter les élections en 2018.
Aujourd’hui cette supériorité morale, qu’il défendait, lui impose des problématiques nouvelles. Pour preuve, la récente humiliation infligée aux élections européennes à l’avantage du parti de Matteo Salvini, son allié au pouvoir qui revendique dans les réseaux sociaux la faillibilité de l’être humain et son imperfection.
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