Le souverainisme au service de qui ?
Le terme souverainisme apparaît en France au début des années 1990. « Au delà des partis »... il semble l'apanage de l'extrème-droite même si un Jean-Pierre Chevènement lui donne une vague caution « de gauche ».
Qui est réellement souverain dans notre société ? Le Peuple qui a le droit de voter comme on le lui demmande ? Ou les puissances d'argent qui, de fait, dirigent, orientent les politiques au gré de leurs intérêts ?
Pour les souverainistes le Peuple ne fait qu'un. Ou pour le moins c'est dans sa destinée naturel d'être uni.
Ils ne peuvent concevoir que la société n'est pas une « Nation » mais une organisation de classes où les intérêts de chacune d'elle sont souvent antagonistes. Ainsi un pays est « riche » avec un PIB important. Mais le revenu des populations reste sans commune mesure avec celui des nantis, de nombre d'actionnaires des grandes sociétés capitalistes. Certes on argumentera, on tentera de démontrer, qu'une augmentation général des revenus, un « ruissellement », surviendra de par cette solution miracle d'un contrôle des échanges et des personnes aux frontières.
A l'extrème-droite, dont les racines plongent directement dans les fascismes d'entre deux guerres, comme le Rassemblement national, ex-Front national, ou le MSI italien et ses avatars, se sont ajoutés, en France des groupuscules issus de la droite parlementaire, Philippe de Villiers et Charles Pasqua, Dupont-Aignan, Asselineau... les 4 ou 5 nains, ont été candidats à la récupération politique d'un courant populiste s'enracinant, contestant l'ensemble de la classe politique, conscient de son inefficacité et de sa tromperie.
Un mot sur certains groupuscules comme Génération Identitaire, radicaux, violents, dans la ligne des ligues d'avant-guerre, voué à l'échec malgré ou à cause de ses provocations, retrouvant systématiquement face à lui, les antifas.
Malgré le peu de succès d'un Chevènement, ce populisme allant jusqu'à mettre en question le système capitaliste, semble trouver une issue à gauche avec Jean-Luc Mélenchon.
Car il est évident que la gauche traditionnelle, sociale-démocrate, est morte. La crise du capitalisme ne laisse comme chance de survie au système, qu'un libéralisme sans concession au keynésianisme (1).
Mais peut-on affirmer alors que la lutte de classes, a disparu ? Ne ressurgit-elle pas sous diverses formes dans l'Egypte affamée d'abord, en Afrique du Nord et au Proche-Orient ensuite, notamment au Kurdistan ? Les peuples refusent souvent les « opposants » parainés par les Occidentaux. Tout en s'opposant à la barbarie des djihadistes, les révoltés montrent alors, dans des combats inachevés, que soumission et passivité ne sont plus inéluctables.
Qui soutenir au Proche-Orient ? Le Rassemblement national a depuis longtemps choisi Israël malgré l'antisémitisme notoire du fondateur Jean-Marie Le Pen.
Et en Europe, quelle place pour le « souverainisme » des peuples et des régions, c'est-à-dire leur droit à l'autodétermination ? Catalogne, Ecosse, Lombardie, Flandre... n'ont-ils pas droit à leur autonomie voire leur indépendance ? Et la Corse ? Aïe aïe... Jacobinisme, unité nationale à tout prix que doit faire cette extrème-droite ? ... Maux de tête !
Une question reste difficile à résoudre pour les souverainistes : celui des échanges économiques. Fermer les frontières, limiter, taxer les échanges, entrainent finalement une réciprocité mortelle. L'entrepreneur français qui voudrait vendre ses produits à l'étranger, se retrouverait naturellement limité. C'est bien ce genre de situation mortifère qu'ont refusé les entreprises allemandes, grandes ou petites. Produire une marchandise, et ne pas pouvoir la vendre à l'étranger à cause de taxes issues d'une politique nationaliste autarcique de l'Etat, rendrait fou de rage plus d'un patron allemand. Le suicide économique provoqué par le patriotisme !
Nos souverainistes nous diront qu'« il suffit » de baisser les prix, d'« être concurrentiel-et-dynamique ». Ce qui veut dire, pour les salariés, être toujours moins payés.
Quand les producteurs d'oranges espagnols ont décidé d'investir en Afrique du Sud, ruinant la production nationale de l'Espagne, où étaient les souverainistes ? (2)
Face à cela les libéraux qui conduisent l'Union européenne parlent de « souveraineté européenne », ayant beau jeu de montrer que l'Europe unie est plus forte, profitable à tous malgré difficultés et obstacles. C'est faux bien sûr. L'Union européenne, remarquable par sa faiblesse insitutionnelle, n'a jamais eu pour but le bonheur des peuples mais l'accroissement des richesses au profit d'une minorité capitaliste. Ruissellement. Cela a marché vaille que vaille tant que la crise du système ne se faisait pas sentir. Ainsi l'Espagne des années 1970 a pu bénéficier d'une véritable manne qui a changé en mieux la vie de la majorité de la population. Mais avec le pic de crise de 2008, l'UE est devenue bien moins attrayante au point que certains pays, comme le Royaume Uni, s'en écartent (3).
Souverainistes et libéraux ont pour point commun la défense du capitalisme, la recherche d'un réformisme pour tenter de lui assurer une survie validant la continuité de l'exploitation de l'homme par l'homme. Ainsi en est-il du philosophe Michel Onfray ayant fait du souverainisme sa nouvelle marotte. Sa méconnaissance du système qui nous dirige l'amène à évoquer des absurdités comme un fantasmatique « capitalisme libertaire ».
Leur quête est vaine. La seule issue passe par la fin dudit système capitaliste, déjà en crise, par la Révolution Sociale, la Démocratie Directe et l'Autogestion..
(1) Pourquoi le keynésianisme n'avait plus d'avenir ? Voir « Krachs, spasmes et crise finale » https://lachayotenoire.jimdo.com/nemo/ site libertaire qui publie tous mes articles...
(2) « Espagne : la bataille européenne de l'orange », Journal France 2 du 01/05/2019.
(3) Le Brexit qui mettra des années à se réaliser, ne change rien pour ce qui est des intérêts et exigences des capitalistes. Les échanges économiques continueront...
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