Le lancement de son blog, « L’arène nue », il y a trois ans environ avait rapidement connu un grand succès. Gageons que son premier livre « Europe : les états désunis », devrait rapidement connaître le même destin, en s’appuyant sur une grande qualité d’écriture, tant sur le fond que la forme.

Un livre très recommandable
Le livre de Coralie Delaume est extrêmenent recommandable,
comme l’a longuement expliqué Jacques Sapir sur son blog dans une note spécifique sur le livre, pour de nombreuses raisons. D’un point de vue de la forme, on retrouve sa plume alerte, mordante, drôle et dynamique. L’autre intérêt majeur de ce livre vient de son positionnement politique original. Si on sent une personne plutôt engagée à gauche étant données ses références, Coralie Delaume n’est pas une partisane sectaire qui aurait coupé le monde en bons et méchants. Elle abreuve ses réflexions à toutes les sources, ce qui donne un aspect moins subjectif à sa réflexion. En outre, même ce livre la range parmi ceux que l’on appelle bien improprement les eurosceptiques, il est écrit d’une manière assez neutre et factuelle.
C’est le livre d’une citoyenne qui semble croire à l’idée d’une coopération entre les nations européennes, qui pourrait mener à de belles choses, mais qui constate, en prenant du recul que ce qui aurait pu être un beau projet est devenu un monstre. Ce livre est le moyen de se demander pourquoi nous en sommes arrivés là et de décrire tous les travers de cette Europe, qui a fini par désunir les Etats. Ce livre nous épargne donc les envolées lyriques déconnectées de la réalité et de moins en moins audibles des missionnaires de cette construction européenne. Mais il épargne également la critique un peu rancie, donneuse de leçon ou parfois délirantes de certains critiques du projet européen.
Il s’agit en fait d’un récit des dernières années s’appuyant sur les déclarations des uns et des autres, ainsi que sur de nombreuses études, visant à comparer concrètement les promesses de ce projet européen avec la réalité de ce qui s’est passé depuis des années. Et cette enquête se révèle, assez logiquement, impitoyable pour le projet européen, soulignant ses immenses et répétées carences démocratiques et sociales,
dans un constat partagé par de nombreux analystes alternatifs. La qualité de ce livre a valu à l’auteur une invitation dans l’émission de Frédéric Taddéï hier soir.
Regarder la vérité en face
L’auteur montre que l’UE a été réalisée au forceps, avec la volonté de l’imposer aux peuples, qu’elle dépasserait, afin de faire leur bonheur malgré eux. Mais au final, on a une « construction imprégnée de juridisme (où) la multiplication des outils tient lieu de projet », où « les instruments et les procédures se superposent les uns aux autres. De plus en plus, ils s’autogénèrent et s’autojustifient. Leur existence précède le sens (…) les pays se trouvent chaque jour plus encombrés d’un corset procédural et juridique qui, après les avoir fait avancer ensemble vers un but imprécis, tend aujourd’hui à les dissocier ». Pour Pierre Manent, on a construit un kratos sans démos (un pouvoir sans peuple).
Et outre l’escamotage de la démocratie et la génération d’impuissance, l’UE, c’est aussi le chômage de masse et la précarisation des travailleurs. L’auteur dénonce un «
tropisme atlantiste et néolibéral », illustré par
l’accord transtlantique, que même Jean Quatremer critique. L’UE, c’est l’austérité, la tutelle des budgets, et la baisse du coût du travail comme seule politique possible. Cette Europe a aggravé la crise économique : en lieu et place de solidarités, on construit un filet aux mailles de plus en plus étroites. Depuis le début, même en remontant à l’arrêt Costa contre Enel de 1964 de la Cour de Justice, on construit « l’
Europe des consommateurs et des marchands et non des citoyens ».
Ce livre court et bien argumenté est à conseiller pour ceux qui se posent des questions sur le sens de ce projet européen. Il s’agit sans doute d’un des meilleurs outils pour leur montrer qu’il n’y a rien à espérer de ce monstre… Demain, je reviendrai sur le mécanisme qui conduit l’UE à détruire l’Europe.
Source : « Europe : les états désunis », Coralie Delaume, éditions Michalon