La volonté du président Lukashenko d'abandonner ses efforts, jusqu'ici remplis avec succès, de faire la balance entre l'Est et l'Ouest, doivent attirer l'attention de la Russie :
- Le système politique bélarusse basé sur la personnalité de son président est vulnérable à la flatterie et la diplomatie directe
- Le pays est utilisé par l'UE pour contourner la loi d'interdiction sur les importations des produits agricoles européens sur le marché russe (Union Douanière)
- Lukashenko est tellement impatient d'accueillir Washington à Minsk qu'il est prêt à normaliser ses relations avec les Etats-Unis à tout prix
- Il veut que son pays prospère, mais il veut également devenir internationalement reconnu et l'UE sait bien comment jouer avec son ego
La Biélorussie va-t-elle tout perdre en cherchant des gains à court-terme, laissant derrière elle son partenariat avec la Russie ?
Andrew Korybko
(The Vineyard of the Saker)
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Hmm, des décisions, des décisions
La Biélorussie fait marche arrière dans son engagement à l'intégration eurasiatique, depuis que le Président Lukashenko est engagé dans un inutile tentative de re-balancement à haut risque afin de légitimer son gouvernement aux yeux de l'Occident. La structure gouvernante dans le pays est particulière dans le sens où elle est largement dépendante des caprices de l'homme en charge, rendant de ce fait le système proche du culte de la personnalité, vulnérable à la flatterie et la diplomatie directe. Le rôle diplomatique central de la Biélorussie dans l'accueil des "Discussions de Minsk"
semble avoir
tourné la tête de Lukashenko dans le sens qu'il pense que
de-facto, il a été accepté lui et son pays par l'Allemagne et la France (mis en avant par la visite de Hollande et Merkel dans la capitale) dans le fameux "club de l'élite" et en est devenu éventuellement un membre prestigieux.
Lukashenko a toujours mené un exercice d'équilibriste entre l'Occident et la Russie, préférant rester proche Moscou de part la souveraineté que Moscou lui autorise à garder dans ses affaires internes, mais il est possible qu'il se mêle désormais de choses qui le dépassent et qui sont donc hors de son contrôle. Il est impossible de dire s'il peut continuer à faire la balance dans sa politique dans le cadre d'une extrême pression provenant d'une nouvelle guerre froide, cela risque de le mener à ses vieux "tours d'équilibriste" (des disputes sur le lait et l'énergie avec Moscou, une crise des douanes, un ton politique très indépendant, etc) qui s'ajoute chacun l'un à l'autre pour créer des situations où il ne peut plus s'extraire lui-même de la situation sans s'imposer des dommages irréparables avec la Russie.
Voici donc les derniers mouvements de la Biélorussie et les derniers propos de Lukashenko, il laisse entendre qu'il aurait déjà fait son choix, vers l'Occident.
Complicité dans le contournement des contre-sanctions
La Biélorussie a été la
base que les pays de l'UE
ont utilisée afin de contourner les contre-sanctions imposées, afin d'éviter la loi imposée par Moscou sur les exportations de produits alimentaires, pour vendre illégalement les biens européens sur le marché russe. Cette cassure dans la confiance entre partenaires proches, souligne la nature égoïste du dirigeant bélarusse, en mettant au premier plan son intérêt propre au dépend de ses alliés, par là même, posant des questions à propos de son réel engagement dans d'autres matières.
Si l'Occident offrait un "meilleur deal" économique à la Biélorussie que celui qu'elle a déjà signé avec la Russie, est-ce que Lukaschenko abandonnerait son allier et signerait, ou bien resterait-il aussi loyal envers la Russie que le président syrien Bashar Al-Assad a été envers l'Iran quand les états du Golfe lui offrirent la possibilité d'avoir
son propre pipeline ? Après tout, le président bélarusse parlait, il y a de cela quelques semaines, de
la possibilité future de quitter l'Union Eurasienne, nouvellement fondée, démontrant qu'il soupèse déjà différentes options, plus en phase avec ses goûts, si elles devaient un jour se présenter.
Le retournement de situation papal
Le pape Francis joua un rôle primordial dans
la négociation Raul Castro-Obama, avec l
a capitulation de Cuba, et s'il réussit à faire office de médiateur entre la Biélorussie et l'UE, comme le Vatican l'a récemment offert, alors une capitulation similaire serait possible.
Les polonais catholiques, qui représentent une très petite partie de la population, mais
une minorité agitée politiquement en Biélorussie, ont des
ambitions afin de restaurer une hégémonie sur les anciens pays de son Commonwealth, et ils tentent d'utiliser l'arme identitaire et cherchent le support du Vatican pour y parvenir.
Washington à Minsk
Certains observateurs, comme Daniel McAdams au
Ron Paul Insitute pour la Paix et la Prospérité pensent que la clé qui caractérise les Discussions de Minsk est que les USA "n'étaient pas" impliqués dans ce format, raison pourquoi elles sont toujours appliquées [même si pas complément et de moins en moins]. Il a récemment
parlé positiviement de l'idée d'impliquer les USA dans ce format, ce qui aurait pour effet de déséquilibrer la balance diplomatique établie jusqu'à présent.
En effet, Lukaschenko est tellement dans l'attente que Washington vienne négocier à Minsk, qu'il veut même
normaliser ses relations avec les USA, ce qui amènerait à un afflux de diplomates étasuniens accompagnés de leurs NGOs, qui tenteraient de refaire le coup qu'ils ont déjà réussi en Ukraine, si la Biélorussie cherche plus tard à sortir de la ligne établie par ces derniers.
Tout cela créerait une étrange situation d'inconfort si la Biélorussie, un membre de l'OSCS et un partenaire de l'Union Douanière et de l'Union Eurasienne, recevait le bon-dieu sans confession de la part des USA, alors qu'au même moment Moscou et Washington battent les tambours de la Guerre Froide version 2.0. Un tel événement conduirait à se poser des questions quant à la loyauté de la Biélorussie en qualité d'allié dans les corridors de la Duma.
Repenser les relations entre la Biélorussie et l'UE
Le Ministre bélarusse des Affraires Etrangères
aurait dit au début du mois, au sujet de la normalisation de ses relations avec l'UE, considérant les avancées réalisées par les deux partenaires depuis une année, qu'un tel mouvement ne devait pas être mis de côté.
Ajouter au criticisme de la suggestion faite par Lukashenko envers les USA, il serait inapproprié pour la Biélorussie de normaliser ses relations avec l'UE pendant que l'allié russe (si on peut encore l'appeler comme cela à ce moment) est engagé dans une nouvelle guerre froide avec Bruxelles, ci-inclus des sanctions pour lesquelles Minsk a tout fait dans le but de les contourner afin de les utiliser à son propre profit.
L'initiative de Lukashenko de se rapprocher simultanément de l'UE et des USA au moment ou les actions asymétriques atteignent un sommet contre la Russie, laisse présager une issue négative pour l'intégration dans l'UEE de Moscou.
Win-Win ou bien Win-Lose ?
Minsk a la fausse impression que prendre parti pour l'Occident dans la nouvelle guerre froide, contre la Russie, présente un scénario gagnant-gagnant, considérant les avantages qu'on lui fait miroiter, toutefois, c'est une mésinterprétation forgée avec soin afin de d'allécher et tromper le gouvernement bélarusse pour le pousser à la faute.
Pendant que des bénéfices à court-terme pourraient effectivement être partagés, sur le long-terme, seul l'Occident en profiterait, gagnant un avantage géostratégique de l'involontaire bienfaiteur bélarusse.
La Biélorussie possède une économie stable, (surtout comparé aux autres pays en Europe), la rendant idéale pour un partenariat économique, raison de l'intérêt de l'UE. Mais Lukashenko ne veut pas uniquement que son pays prospère, il veut aussi devenir internationalement populaire, et vu que Bruxelles travaille sur son ego depuis quelques temps, il devient plus malléable à leur influence.
Une autre chose sur la liste des souhaits européens sur la liste de Lukashenko, recevoir un renforcement de son régime, (à l'opposé du changement de régime), afin que son gouvernement
soit finalement reconnu dans tout le continent comme démocratique et légitime (ce qu'il est) et non plus comme
la dernière dictature d'Europe, laissant derrière elle, le listing de critiques politiques étasuniennes qui traversa telle une flèche, son ego surgonflé.
Il jouit d'un haut niveau de support dans la population, raison pour laquelle, le stéréotype de la Révolution de Couleur (un soulèvement populaire) est impossible. Mais il n'est pas à l'abri d'une Révolution de Couleur 2.0, utilisant les tactiques vues en Ukraine.
S'il ne se jette pas dans les bras de l'Occident, il a peur de voir apparaître des batailles de rue (dont les combattants seraient infiltrés par la Pologne et l'Ukraine) dans le centre de Minsk lors des prochaines élections afin que Minsk ressemble enfin à Kiev.
A son insu, l'Occident appliquera quand même sa tactique, que Lukaschenko soit amical ou non, il n'est rien d'autre qu'un outil afin de mettre la pression devenant mener à un leader de second rang, prêt à accepter les conditions dictées, s'il essaie de joindre leur bloc.
Un autre facteur doit être pris en compte ici, la nature psychologique de Lukaschenko, vu que le système politique bélarusse est très centré sur une personne, celle-ci est la variable la plus importante, considérant un pivot anti-russe. Le président bélarusse avait un complexe de supériorité vis-à-vis de la Russie au début des années 90, alors que son pays souffrait moins du désarroi social et économique dans les premières années post-communistes, ceci du à des politiques propres au pays.
En négociant l'Etat de l'Union entre le Russie et la Biélorussie, Lukaschenko avait, durant les années Yeltsin, pensé qu'il pourrait déborder par le côté cette arrangement et ainsi passer de l'état de leader de la Biélorussie à de facto leader de toute la Russie. L'arrivée de Poutine sur la scène a changé tout cela, et Lukashenko a acquis un sentiment d'infériorité envers la Russie et son chef.
Simultanément, il a aussi développé un sentiment d'infériorité envers l'UE, qu'il possède dans ce cas depuis ses tous débuts à la tête de l'Etat bélarusse, la combinaison de ces deux syndromes envers ses deux grands voisins explique parfois ces actes qui semblent manquer de jugement, voir même injustifiés et parfois presque schizophréniques.
Vu son état psychologique instable, il est prêt à se laisser caresser dans le sens du poil par n'importe qui lui laisse l'impression d'être d'accord avec lui, le respecte, lui laisse penser qu'il est le plus fort, et c'est exactement ce que l'UE est actuellement occupée à faire avec lui, augmentant la possibilité qu'il pivote totalement vers eux et contre la Russie.
Commentaire : Un peu surpris de la position prise par Korybko, d'habitude plus léger dans ses avis, ici, il semble prendre une position très tranchée contre Lukashenko. Il faudra attendre peut-être 3-5 ans pour voir s'il avait raison, peut-être même moins.
Reste que nous verrons si comme Poutine aime le dire, l’accession à l'UEE, l'Union Douanière et l'OSCS est en effet une entrée libre pour des alliés qui se respectent, et si la porte de sortie est aussi libre qu'on le laisse sous-entendre (probablement pas). Toujours est-il qu'il semble plus probable que les 3 blocs de taille et structure différente (UEE, UD, OSCS, voir même les BRICS) useront de leur influence (économique et politique) pour que le tout tienne bon et que la Biélorussie reste intégrée comme elle l'est actuellement, si un coup d'état doit avoir lieu, il viendra plus de l'Ouest que de l'Est, cela est clair, dans la tête de Lukaschenko aussi, je pense.
Il s'agit effectivement d'une méthode de négociations très Lukashenko, qui se pense indispensable envers la Russie et qui négocie un peu systématiquement comme cela, quand il veut quelque chose de Moscou (ici, que veut-il ??). Avec la situation grecque, j'espère qu'il se rend compte que l'UE et sa générosité a des limites, la richesse de la Biélorussie viendra de ses citoyens, de l'intelligence de son dirigeant et de son intelligentsia politique, probablement pas de l'UE et un coup d'état, version hardcore, ou de la vente du pays aux grandes entreprises, avec le dépouillement de l'Etat social bélarusse, pour la version soft version soft.
Une possibilité dont l'auteur ne parle pas, reste que la Biélorussie discute à la place de la Russie, dans le dossier ukrainien et que Lukashenko prend la balle au bond pour en faire plus que demander, et se mettre en avant comme partenaire des négociations en terrain plus ou moins neutre par rapport à la Russie. Logique donc manier la langue de bois, avec des discours attendus dehors et peu de changements, au dedans. Le pays remplirait donc le rôle de "Suisse de l'Europe de l'Est" entre l'UE et la Russie. Difficile à dire. A vous de voir.
traduit et publié par TJ, cet article peut être repris à condition d'en donner les URL d'origine
http://vodkaetpelmini.blogspot.com/2015/06/les-etats-unis-tentent-de-faire-sortir.html
article source : http://russia-insider.com/en/politics/us-trying-pry-belarus-out-russias-orbit/ri7605