Les euro-démocrates, clé de l’avenir européen
Les euro-enthousiastes ne reposent pas sur une assise populaire suffisamment large pour faire progresser le projet européen. C’est pourtant sur eux que les dirigeants européens ont cru pouvoir s’appuyer. Comment, dès lors, faire progresser l’Union ? En intégrant dans le processus de décision les euro-démocrates.
S’agissant de faire progresser l’Europe sur le chemin de l’unité, l’opinion publique se partage en deux groupes qui n’ont rien à voir avec le traditionnel clivage gauche-droite. Ces deux groupes, qui ont à peu près le même poids démographique, recueillent chacun entre 40 et 45% des suffrages. Ce sont, d’une part, les euro-sceptiques, qui s’opposent par principe aux avancées européennes, et qui rassemblent une coalition hétéroclite d’extrémistes de gauche et de droite, de nationalistes et de souverainistes. Ce sont, d’autre part, les euro-enthousiastes, qui s’expriment toujours en faveur des propositions qui semblent pouvoir faire progresser l’Europe, et qui rassemblent des sensibilités et des ambitions très diverses.
Aucun de ces deux blocs ne pourra jamais constituer une majorité durablement stable.
Les euro-enthousiastes, qui veulent l’Europe quel qu’en soit le prix, considèrent qu’un vaste ensemble politique leur permettra de mieux défendre leurs ambitions particulières. Certains imaginent qu’une Europe unie leur permettra de garantir beaucoup plus efficacement les avancées sociales, en dépit de la mondialisation ; d’autres voudraient faire contre-poids aux Etats-Unis, à la Chine ou à l’Inde et imagine que l’Europe pourrait donner de l’autorité à leurs ambitions planétaires ; d’autres voudraient une Union forte afin de promouvoir une politique écologique plus efficace, etc. C’est sur cet ensemble de sensibilités et de volontés disparates que les dirigeants européens se sont toujours appuyés. Mais les ambitions des euro-enthousiastes masquent l’essentiel : puisque leur principal souci est de faire progresser leurs idéaux politiques, il leur est indifférent de savoir si l’Europe qui se construit est une démocratie ou une mascarade.
Pour toutes sortes de raisons, l’opinion publique se montre de plus en plus clairement anti-européenne. Notamment parce qu’un jeu pervers a souvent voulu rendre responsables les institutions européennes des difficultés que traversaient les peuples de l’Union.
Les dirigeants européens savent aujourd’hui que l’euro-enthousiasme constitue une base trop étroite pour faire avancer le projet européen. L’euro-enthousiasme leur a permis, jusqu’à ce jour, de gérer l’Europe en dehors des peuples. Mais ils ont compris qu’il leur est désormais impossible d’avancer contre une opinion qui est de moins en moins favorable à l’ambition européenne.
Puisque les politiciens professionnels savent qu’il est suicidaire d’aller contre les désirs clairement exprimés de l’opinion, on peut craindre que le projet européen soit en train de sombrer.
Pourtant, il serait possible de sortir de l’opposition frontale entre les euro-sceptiques et les euro-enthousiastes car il existe un troisième groupe au sein de l’opinion publique européenne. Un ensemble plus petit mais d’une importance décisive parce que c’est avec lui qu’une majorité stable pourrait finalement s’imposer : les euro-démocrates, qui constituent approximativement 10% du corps électoral. Ce sont eux qui ont fait basculer, en France et en Hollande, le traité constitutionnel, ce sont eux qui ont fait triompher le camp du "Non" au traité de Lisbonne, en Irlande.
On leur a d’ailleurs amèrement reproché de faire le jeu des extrémistes de gauche et de droite, et des nationalistes, alors qu’ils se disent en faveur de projet européen. Mais ils n’ont aucune raison d’accepter de jouer le jeu des euro-enthousiastes et de se laisser aveugler par de faux arguments. Ils n’entérineront jamais ce mensonge qui consiste à faire croire que les institutions européennes sont démocratiques, alors qu’elles ne le sont pas.
Veut-on obtenir une majorité qui permettra de faire progresser, sur le long terme, le projet européen ? C’est les euro-démocrates qu’il faudra convaincre. Ils veulent l’Europe, mais pas n’importe quelle Europe. Il ne suffira pas de leur jeter quelques carottes pour les convaincre, comme le droit d’initiative populaire. Ils veulent une Europe intelligente, une Europe où la liberté et la responsabilité de chacun seraient reconnues, où la protection de la sphère privée ne serait pas qu’un vain mot, une Europe qui pourrait devenir un facteur incontournable de paix et de stabilité dans le monde. Une Europe qui ayant reconnu que le progrès des sciences est la clé de son avenir, serait capable de retenir ses meilleurs cerveaux. Une Europe qui saurait offrir à ses enfants des moyens de rêver leur futur et de réaliser leurs rêves. Une Europe, enfin, qui aurait compris que son succès se mesurera à la prospérité du plus faible des ses citoyens, mais qui saura aussi éviter le piège de la démagogie.
Un traité constitutionnel qui aurait convaincu les euro-démocrates français et hollandais, aurait certainement pu recueillir 55% des suffrages. Mais le projet Giscard, qu’on leur avait proposé, n’avait rien pour les séduire.
Une désinformation insidieuse tente de faire croire à l’opinion que le traité de Lisbonne est l’ultime chance de l’Europe, alors que, à l’évidence, il existe d’autres voies, et qu’il suffit de se donner du temps pour les laisser mûrir. Or du temps, on en dispose. Contrairement à ce qu’on nous dit, il est préférable de perdre une ou deux années plutôt que de se livrer avec une précipitation désordonnée à des solutions sans avenir.
Veut-on vraiment relancer l’Europe ? C’est la voix euro-démocrates qu’il faudra écouter.
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