Londres, le nouvel eldorado ?
Carnet de voyages et réflexions sur l’immigration de jeunes Français appartenant aux minorités visibles vers Londres. Rélexion sur le modèle anglais.
Entre 200 000 et 300 000 Français vivent en
Angleterre, selon les dernières estimations ; parmi eux, de plus en plus de
jeunes issus de l’immigration - diplômés ou non - tentent leur chance de l’autre
côté de la Manche, excédés par l’immobilisme de leur pays. Au premier regard, on
comprend aisément pourquoi : une économie dynamique, des boulots et des jobs pour
tous, l’opportunité de réussir. Le rêve anglais est en marche.
De passage à
Londres pendant quelques jours, FWIyapin a pu
se rendre compte ce qui pouvait faire l’attrait de l’Angleterre, mais aussi ce
qui pouvait faire que l’aventure vire au violacé...
Cahiers de voyage et
impressions.
Londres, la ville du travail
C’est un fait, les
indicateurs économique de l’Angleterre sont au vert, et c’est la principale
fierté de Tony Blair, qui a su synthétiser le libéralisme et les valeurs du
parti travailliste. Les chiffres parlent pour lui, pusique que le taux de
chômage est d’environ 4 %, les golden boys y font fortune (on
raconte que les quelque 300 000 golden boys auraient empoché
13,2 milliards d’euros de primes l’année dernière), le secteur
de la banque s’est considérablement développé. Bref, il n’y a jamais eu autant
d’argent disponible et de richesse brassée (sauf peut-être lorque Londres était
la première puissance mondiale et maritime au XVIIIe siècle).
De quoi
faire rêver et attirer du beau monde. J’ai rencontré pas mal de Français et
d’étrangers ; à la question : pourquoi ? la réponse, implacable : le travail ! J’ai
croisé des Africains, des Antillais, des Maghrébins, et leur témoignage est
souvent le même. Des diplômes décrochés en France, puis la galère pour trouver
un emploi, et le même refrain qui revient tel un ressac : pas assez d’expérience,
trop jeune, dans le meilleur des cas. Ou pas de réponses pour la majorité.
Du
coup, plusieurs ont franchi le pas et tenté leur chance, avec plus ou moins de
succès. Dominique, consultante Freelance, par exemple, ne se voit pas revenir en
France. Agathe, qui est commerciale pour une compagnie aérienne, ne s’y voit pas
non plus. Pour moi, ce sera Londres, puis la Guadeloupe, plus tard, me
dit-elle. La France ne leur convient définitivement plus...
Oui, j’aime Londres
Dans la moiteur d’un pub, à
Sheperd’s Bush. Devant une pinte, j’écoute trois musiciens
jouer des classiques pop-rock-reggea. L’ambiance est chaleureuse, et je discute
avec Axelle, qui a fait le voyage directement de Guadeloupe, il y a quelques
jours, avec une maîtrise de biologie en poche. La France, elle connaît, et
préférait découvrir autre chose. Aussi a-t-elle tenté l’aventure avec trois
copines. Son but, trouver un premier job pour payer les factures et parfaire sa
connaissance de l’anglais, puis se lancer directement dans sa branche. Oui,
si je trouve un job de serveuse, je prends, me confie-t-elle, après, je
vais chercher dans ma branche. Mais Londres, j’aime déjà. Fascinant pouvoir
d’attraction !
L’histoire de Salomon, Ivoirien de 30 ans, est encore plus
dingue. Je le rencontre un soir près de Holland Park, et il
m’entend parler français. Naturellement, il m’aborde. J’ai un bac +5 en
droit des affaires. J’ai étudié en France, à Paris, sauf que je suis resté au
chômage pendant un an. Que veux-tu, personne ne voulait de moi, personne ne me
faisait confiance ! Alors je suis parti. En deux mois, j’ai décroché un emploi dans
un cabinet d’affaires. Il rit aux éclats. Ils m’ont appelé, et m’ont
dit : we want you ! Personne ne m’avait jamais dit ça ! Ce témoignage est
confirmé par beaucoup d’autres, diplômés ou non. Ici, la couleur de peau importe
peu, et ce quel que soit le poste occupé, journalistes, maîtres d’hôtel,
commerciaux, vendeurs. On peut mettre un Noir ou un Maghrebin à la réception,
poste hautement visible sans problème.
Près de moi, un jeune, pas plus de 25
ans, passe en Porsche. Salomon me regarde et sourit. Dans pas longtemps,
moi aussi j’en aurai une. Et personne ne viendra me contrôler, me
souffle-t-il. Ici, quand on bosse bien, on est reconnu à sa juste valeur, et on
gagne de l’argent. Londres fait tourner les têtes...
L’envers du décor
Si l’on gratte un peu la peinture, par
endroit, le rêve brille moins fort, et la désillusion peut faucher tel du blé
mûr. Londres est la deuxième ville la plus chère du monde derrière Moscou, et un
ticket de métro simple s’achète 4 £ (près de 6 euros !). Mieux
vaut ne pas être un galérien, ou pas trop longtemps. Le système Blair a
évidemment ses détracteurs. Pour arriver à ce taux de chômage aussi bas, les
chômeurs sont très encadrés : rencontres hebdomadaires, aide à la rédaction de CV
dans les job centers. Pour continuer à bénéficier de l’aide aux chômeurs, on ne
peut pas refuser un emploi plus d’un certain nombre de fois, si bien qu’un
informaticien peut tout à fait être contraint à faire la plonge. Sans aucunement
vouloir dévaloriser le métier de plongeur, on conviendra que c’est assez
différent de l’informatique...
Le rêve de tout Anglais est de posséder un
appartement. Douce utopie, pusique l’arrivée des nouveaux riches
(essentiellement venus des pays de l’Est) a fait flamber les prix, si bien que
même la bourgeoisie moyenne anglaise ne peut plus se permettre d’habiter le
centre de Londres. Je comprends parfaitement : le nombre de
Porsche, de Jaguar, de Rolls
Royce et de Mercedes coupées, scintillantes, qui
sillonnent silencieusement le centre de Londres est hallucinant.
Alors
imaginez les classes moyennes... La seconde solution pour acheter est de s’endetter
pour pour cinquante ans. Sans rire, l’Angleterre est le pays où l’endettement personnel
est le plus élevé en Europe. Et puis comme dans les pays anglo-saxons, se
soigner (bien) coûte chère, alors mieux vaut être en bonne santé et avoir toutes
ses dents.
La dernière épine dans le pied du gouvernement est évidemment
l’intégration sociale des communautés et le communautarisme qui
ont conduit aux attentats de 2005 et aux tentatives avortées de juillet dernier.
Malgré tout, je n’ai pas eu la sensation d’évoluer dans une villes partitionnée
entre races ou communautés. Au contraire, tout le monde semble fréquenter tout
le monde sans problèmes...
Eldorado ?
Tony Blair n’aurait alors fait qu’accentuer le
fossé entre les riches et les pauvres, à coup de libéralisme forcené. Peut-être,
mais Londres et l’Angleterre attirent plus que jamais. Qu’importe les
difficultés, beaucoup de jeunes préfèrent affronter un monde plus dur voire
impitoyable, mais qui donne sa chance à tous, plutôt qu’un cocon (la France)
dans lequel persiste une série d’illusions sur le travail, l’intégration, le
racisme. Salomon me dira : On dit que l’Angleterre, c’est bien si tu es
jeune, en bonne santé, et que tu bosses. La France, c’est bien que si tu es
diplômé, que tu as la peau blanche et que tu t’appelles Pierre... Alors j’ai fait
mon choix.
Le départ
Un pincement étreint mon coeur à l’heure du
départ. J’ai été fasciné par ce pouvoir d’attraction, ce multiculturalisme et
cette joie d’entreprendre, de réussir, de vivre des Londoniens. Bien conscient
des difficultés inhérentes à ce genre de modèle social, je ne peux m’empêcher de
regretter mon séjour, jusqu’à mon départ à l’aéroport. D’ailleurs, il pleut sur
le tarmac.
Après un peu plus d’une heure de vol, j’arrive à Paris et prends le métro : le choc ! On me bouscule, les gens font la gueule, et le vendeur de ticket ne me dit même pas bonjour...
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