Migrants : « l’Europe s’enferme », selon un rapport de la Cimade
La Cimade publie un rapport d’enquête et d’analyse sur la situation des personnes exilées aux frontières extérieures et intérieures de l’espace Schengen. Nourri par des observations récoltées aux frontières de la France, de la Hongrie et en Méditerranée, ce rapport appelle les responsables politiques nationaux à changer radicalement de cap face à des logiques qui excluent, enferment, précarisent et trop souvent, tuent les personnes en migration.
C’est une double clôture de grillages et de barbelés qui marque aujourd’hui la frontière serbo-hongroise. La photographie figure dans le dernier rapport d’observation publié par la Cimade. Elle illustre bien l’intention de cette étude. Le coup de projecteur porté sur quelques points névralgiques, aux frontières extérieures mais aussi intérieures de l'UE, délivre un constat accablant : du dehors comme du dedans, c’est une « Europe qui s’enferme ».
Ainsi, le nombre de migrants refusés aux frontières françaises a fortement augmenté depuis 2015, en particulier dans les Alpes. Le nombre de « non-admissions » s’est élevé l’an dernier à 85 408, soit 34 % de plus qu’en 2016 (63 845 refus d’entrées). En 2015, année du rétablissement des contrôles aux frontières, 15 849 non-admissions avaient été prononcées.
La plus grande part de ces décisions pour 2017 concerne la frontière franco-italienne, avec 44 433 non-admissions dans les Alpes-Maritimes (+ 42 % en un an) où les migrants tentent de rejoindre la France via Vintimille. Dans les Hautes-Alpes, elles ont bondi de 700 % à 1 899 au total l’an dernier. Un phénomène comparable est observable en Savoie (6 036) et en Haute-Savoie (2 074), mais aussi à la frontière franco-espagnole : dans les Pyrénées-Orientales, les refus d’entrée sont passés de 26 en 2015 à 4 411 en 2017.
La France a réintroduit les contrôles à ses frontières intérieures après les attentats jihadistes du 13 novembre 2015, et les a depuis reconduits par période de six mois. Dans son rapport, La Cimade dénonce un « détournement de la lutte antiterroriste », dans la mesure où « le rétablissement des contrôles aux frontières a principalement permis une augmentation de pratiques existantes liées aux contrôles migratoires bien plus que l’identification ou l’interdiction d’entrée de personnes suspectées de terrorisme ».
Les plus concernés par les non-admissions en 2017 ont été les Soudanais (11 000) suivis des Guinéens (5 900), des Marocains (5 372) et des Ivoiriens (5 205). La Cimade s’inquiète également de voir que, parmi les personnes à qui la France a refusé l’accès l'an dernier, se trouvaient 17 036 mineurs.
Le rapport, publié à la veille d’un sommet sur les questions migratoires qui divisent l’UE, s’inquiète de la « politique du pire » et de la « compétition entre Etats » où chacun veut « dissuader les personnes migrantes d’entrer sur son territoire national ».
« Nous avons voulu déconstruire le discours selon lequel il faudrait renforcer les frontières pour sauver Schengen, explique Marine De Haas, coordinatrice du rapport. On est plutôt en train de renier ce qui faisait la nature de Schengen, à savoir un espace de libre circulation et de respect des droits fondamentaux ».
Les 12 recommandations qui concluent ce rapport reprennent quelques préoccupations actuelles de La Cimade face à ces dérives :
- respecter de façon inconditionnelle le droit international et enjoindre les États à respecter les décisions de justice,
- mettre fin à l’enfermement des personnes mineures et aux contrôles systématiques à l’intérieur de l’espace Schengen,
- fermer l’agence Frontex « dont les missions et les actions ne sont pas compatibles avec le respect des droits fondamentaux ».
« Ce rapport constitue une illustration de notre démarche, explique Marine De Haas. C’est un plaidoyer à destination des responsables politiques mais aussi un outil pour la formation de celles et ceux qui suivent ces questions ».
La Cimade, rappelons-le, est une association loi de 1901 de solidarité active et de soutien politique aux migrants, aux réfugiés et aux déplacés, aux demandeurs d'asile et à tous les individus en situation irrégulière. Elle fut fondée par des mouvements protestants dont certains liés au scoutisme. Elle est membre de la Fédération protestante de France. Cependant, elle est aujourd'hui une association œcuménique et une partie de ses bénévoles se définissent comme laïcs. Dans l'entre-deux-tours de l'élection présidentielle de 2017, la Cimade a appelé implicitement dans une tribune avec soixante autres associations à faire barrage à la candidate du FN, Marine Le Pen, face à Emmanuel Macron.
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