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« Notre Europe »

Le Parti socialiste prépare une importante convention nationale consacrée à l’Europe qui se tiendra à Paris le dimanche 16 juin 2013.

L’évènement est placé, dès les premières lignes de la note de présentation, sous la bannière de « la bataille contre les droites européennes » avec pour objectif de « (…) débattre de nos perspectives (…) face à la crise économique et sociale (…) » en vue des élections européennes de mai / juin 2014.

Le paradoxe dans le challenge que se donnent ainsi les socialistes avec, à leurs cotés, le Parti socialiste européen pour « (…) bâtir un nouveau rapport de force avec les conservateurs et les libéraux (…) » est que les uns et les autres ont voté les ratifications des traités européens, tous d’inspiration profondément néolibérale et d’où procèdent non seulement la politique européenne, mais aussi les politiques nationales de chacun des Etats de l’Union.

Le projet de résolution ouvre de nombreux points de conflits avec non seulement les instances européennes actuelles, mais aussi avec les pays de Etats membres de l’Union européenne.

Cette convention permettra-t-elle par ailleurs aux socialistes et sociaux-démocrates européens d’éviter la débâcle électorale collective du scrutin européen de 2009 ?

« Notre Europe » tel est l’intitulé du numéro spécial de ‘’L’hebdo des socialistes’’ contenant le projet de la résolution mise en discussion par le Parti socialiste (PS) avec les amendements émanant des divers courants qui le composent, pour la préparation d’une importante convention nationale consacrée à l’Europe, prévue pour le dimanche 16 juin prochain à Paris.

L’évènement est placé, dès les premières lignes de la note de présentation, sous la bannière de « la bataille contre les droites européennes » avec pour objectif de « (…) débattre de nos perspectives (…) face à la crise économique et sociale (…) » en vue des élections européennes de mai / juin 2014.

En se plaçant précisément dans la perspective du prochain scrutin européen dont il y a tout lieu de penser qu’il se déroulera, très probablement, dans un contexte encore très fortement marqué par la crise, il m’a semblé intéressant de revenir sur le scrutin précédent, celui de 2009. Ceci afin de disposer d’une sorte de cadre général de références puisées dans l’histoire politique de ces dernières années, permettant d’analyser la capacité des socialistes français et de la social-démocratie européenne de faire face à la situation.

  1. Retour sur le scrutin européen de 2009

2009 c’est d’abord l’année au cours de laquelle l’Europe a été, à son tour, touchée de plein fouet par les premières manifestations de la crise économique et financière internationale déclenchée un an plus tôt aux Etats-Unis, par l’éclatement de la bulle spéculative des crédits hypothécaires, plus connue du grand public sous le nom de la crise des subprimes. 

2009, c’était aussi l’année au cours de laquelle s’était tenu le dernier scrutin européen à l’issue duquel le PS avait essuyé une débâcle mémorable consécutive à une abstention jamais encore égalée de son électorat, après une piètre campagne électorale marquée de surcroit par ses sempiternelles divisions sur la question européenne.

Mais le PS n’avait pas été le seul parti de la gauche européenne à avoir subit un tel échec. Dans tous les autres pays membres de l’Union européenne (UE), les partis socialistes ou sociaux-démocrates s’étaient également retrouvés face à une défaite tout aussi cuisante.

De nombreux commentateurs et politologues y avaient alors vu la confirmation d’un phénomène de ‘’droitisation’’ de l’Europe amorcé à partir du milieu des années 1990 à laquelle seule l’Espagne avait su résister [i]

La déroute électorale des gauches européennes n’avait pas seulement été, comme avaient tenté de le faire accréditer certains, notamment pour la France, le fait d’une moindre attractivité des élections européennes par rapport aux scrutins nationaux.

Cette explication parait en effet bien légère comme éclairage pour analyser une abstention aussi massive à l’origine d’une telle déconvenue. Les électeurs français et européens ont, en réalité, une conscience bien plus forte qu’il n’y parait des relations entre les préoccupations relevant du domaine national et celles qui ont une envergure internationale ou supranationale.

La vérité est que nulle part, socialistes et sociaux-démocrates européens n’avaient été capables de tirer électoralement profit de circonstances aussi favorables que leur offrait, sur un plateau, la crise économique et financière du libéralisme, en apportant aux citoyens et électeurs européens, les réponses crédibles, claires et sans ambigüité.

En France, le traumatisme provoqué par cet échec avait été suffisamment profond pour que le PS s’engage de nouveau dans l’un de ces fameux exercices d’introspection qui ont pour noms ‘’refondation’’ ‘’rénovation’’ ‘’nouvelles pratiques’’ ou encore ‘’révolution culturelle’’, ‘’big-bang’’ et autres…, comme c’est chaque fois le cas quand les socialistes sombrent dans les affres des crises identitaires et qui n’ont, hélas ! Trois fois hélas !!! Jamais abouti à une renaissance idéologique du parti.

C’est au sein même des partis qui se réclament du socialisme, notamment sur le plan idéologique, qu’il faut chercher les raisons profondes d’une telle déconvenue électorale. En cause ici, la perte de toute référence au socialisme dans le discours des socialistes et sociaux-démocrates et leurs errances idéologiques imputables à leur reconnaissance du libéralisme économique et des règles du marché.

La reconversion des socialistes et sociaux-démocrates au libéralisme et à l’économie de marché est ancienne, profonde et parait, à bien des égards irréversible. Dans un document [ii] qui a le mérite d’en exposer sans détours les raisons, l’actuel Premier secrétaire du PS, alors député européen, s’en explique longuement, avec, à l’appui de son argumentaire, le bilan positif de la présence au pouvoir des gauches européennes dans les années 1980 et le début de la décennie suivante.

Il y est écrit que les socialistes -dont le gouvernement Jospin en France- et les sociaux-démocrates européens, qui ont accepté d’agir dans le cadre de l’économie de marché, ont souvent obtenu de meilleurs résultats que les gouvernements libéraux ou conservateurs en matière de croissance, de création d’emploi et de réduction des déficits.

Il faut donc comprendre que ceux-là mêmes dont la vocation est de forger une alternative socialiste à l’économie de marché, n’hésitent paradoxalement pas à se targuer d’être de bien meilleurs gestionnaires du libéralisme économique que les gouvernements de droite.

Le document n’explique cependant pas pourquoi, forte d’un tel bilan, la gauche européenne a néanmoins partout été évincée du pouvoir à partir du milieu des années 1990, ni pourquoi, en ce qui concerne le PS, ce parti a, par la suite, et pendant plus d’une douzaine d’années, vécu une situation politique cauchemardesque en raison de ses déboires électoraux répétés.

Y a-t-il eu depuis, malgré le regard rétrospectif de certains dirigeants du PS[iii], reconsidérant la reconversion des socialistes au libéralisme économique et aux règles du marché, une remise en cause d’une telle orientation idéologique ?

La réponse est négative et la promesse d’une « bataille contre les droites européennes » « la confrontation entre progressistes et conservateurs » à l’occasion des prochaines élections européennes de 2014 ne revêtira sans doute pas l’ampleur annoncée, étant donné que les références idéologiques des uns et des autres présentent de très fortes similitudes.

Libéralisme économique et règles du marché se trouvent être précisément les fondements sur lesquels s’est édifiée « l’Europe » et les moules dans lesquels ont été coulés les piliers de l’UE. Socialistes et sociaux-démocrates européens s’y reconnaissent toujours. 

2 - Les pays du sud de l’Europe dans la tourmente de la crise et les gauches européennes

L’attitude globale à laquelle se sont tenus socialistes et sociaux-démocrates, face aux situations dans lesquelles s’étaient retrouvés les pays d’Europe du Sud ces dernières années est également révélatrice de ce positionnement idéologique.

Entre 2009 et 2012, le Portugal, l’Italie, la Grèce et l’Espagne ont été, plus que d’autres, pris au cœur de la tourmente économique et financière. Les gouvernements de ces pays, tous socialistes à l’exception de l’Italie, avaient dû s’en remettre, pieds et poings liés, aux solutions préconisées, mais en fait imposées, de concert par le Fond monétaire international (FMI), la Banque centrale européenne (BCE) et l’Europe « des conservateurs et des libéraux » de la Commission Barosso. Ils ont tous payé de leur maintien au pouvoir l’application des politiques orchestrées par ces trois institutions.

Chacun peut aujourd’hui contempler les résultats des politiques d’austérité drastique auxquelles ces pays ont été contraints, au vu de la situation véritablement chaotique qui y règne à présent : récession, taux de chômage record, précarisation et paupérisation accélérées et généralisées des populations[iv]. Perte de souveraineté nationale (Italie), à seule fin de rassurer et de satisfaire les exigences des marchés financiers, sans pour autant parvenir à réduire sensiblement les montants de la dette publique et des déficits qui pour certains (Grèce) continuent d’augmenter. 

Pourrait-on alors faire un rappel de ce que les socialistes français, à l’époque dans l’opposition, avaient tenté pour arrêter le déferlement implacable de ces politiques pilotées d’une main de fer par les trois institutions précitées ?

Socialistes et sociaux-démocrates européens ont-ils manifesté publiquement un quelconque soutien aux populations grecques, espagnoles ou portugaises de toute catégorie, qui manifestaient quasi quotidiennement contre les plans d’austérité, n’hésitant pas à mettre le feu au drapeau européen et à brandir d’immenses banderoles réclamant l’expulsion des envoyés de Bruxelles ?

Alors, qu’ils stigmatisent aujourd’hui les droites européennes, seules coupables à leurs yeux d’être les maîtres d’œuvre de ces politiques qui font « passer les marchés avant les peuples » avaient-ils à ce moment-là, seulement dénoncé cette stratégie ou élevé une protestation quelconque ?

Le paradoxe dans le challenge que se donnent les socialistes français en tenant cette convention avec, à leurs cotés, le PSE et les ‘’progressistes européens’’ pour « (…) bâtir un nouveau rapport de force avec les conservateurs et les libéraux (…) » est que les uns et les autres ont voté pour les ratifications successives des traités européens. Tous sont d’inspiration profondément néolibérale et c’est d’eux que procèdent non seulement la politique européenne, mais aussi les politiques nationales qui sont incriminées dans le projet de résolution de la convention et les amendements proposés.

3 - La toute puissance des traités européens et l’autorité de la Commission européenne

La vérité est que gouvernements de droite comme de gauche, droites conservatrices et socialistes progressistes puisent aux mêmes sources politiques néolibérales européennes que sont ces traités et avec lesquels le président F. Hollande se doit également de composer inévitablement.

En témoigne, le zèle avec lequel le gouvernement Ayrault prépare la deuxième conférence sociale dont la tenue a d’ailleurs été avancée, non pas en regard d’une urgence nationale mais selon l’agenda fixé par la Commission européenne (CE)

Celle-ci en attend, de pied ferme, la mise en œuvre d’une série de ‘’réformes audacieuses’’, en contrepartie des nouveaux délais accordés à la France pour ramener le déficit des comptes publics à 3% du PIB. Le président Hollande en déplacement à Bruxelles à la veille de sa conférence de presse du 16 mai tentera de répondre à ce qu’il faut bien qualifier d’injonctions de la CE.

Le Figaro que l’on ne peut soupçonner de nourrir des affinités avec le socialisme évoque cette dernière prestation du président de la République en écrivant dans son édition du 17 mai : « Le discours du chef de l’Etat est bien éloigné des canons socialistes. Compétitivité, investissement, réformes des retraites, allègement du coût du travail … (…) choisissant ainsi, selon ce journal « de parler d’avantage aux entreprises qu’aux classes populaires »  

Par les traités, les Etats signataires se donnent le cadre de leurs politiques nationales dans la perspective de la construction européenne et se doivent de s’y conformer. Dans la pratique, les suivis assurés par la CE confère à cette institution le caractère, sinon le statut d’un organe politique de gouvernance supranationale d’une grande autorité.

Socialistes et sociaux-démocrates européens ont très fortement contribué à cet état de chose en prenant une part active et déterminante dans la ratification des traités européens. Parmi ceux qui ont été récemment ratifiés par la France, il y en a deux dont il faut faire une brève évocation dans le cadre cet article. Il s’agit du traité de Lisbonne et du traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance (TSCG).

Le premier, le traité de Lisbonne, copie quasi identique du traité constitutionnel européen qui avait été rejeté par plus de 55% des Français lors du référendum de 2005, a été ratifié en 2008 grâce au concours d’une très forte majorité de députés et sénateurs du PS. Une personnalité emblématique du PS comme Ségolène Royal, n’avait pas hésité à plaider, dès octobre 2007, à sa ratification ‘’même imparfait’’.

Le recours au référendum qui avait été réclamé par certaines formations politiques comme le Parti Communiste (PC) et les Verts par exemple, certaines associations et syndicats, ainsi qu’un certain nombre d’élus du PS a été éludé par le président Sarkozy qui, craignant un nouveau rejet, avait préféré enterrer sa promesse de campagne d’un référendum sur ce sujet.

Le PS qui nourrit aujourd’hui, dans le cadre de sa convention sur l’Europe, l’ambition de « démocratiser l’Europe avec les peuples » n’avait pas jugé opportun, en 2008, de se joindre à cet appel en faveur d’un référendum.

Quant au traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance (TSCG) dont la Chancelière allemande A. Merkel et l’ex-président N. Sarkozy avaient été les principaux artisans, et dont-on sait qu’il fait résolument de l’austérité et des réformes structurelles, les axes incontournables des politiques pour la réduction des déficits, sa ratification, en octobre 2012, sous la houlette du président Hollande, est l’œuvre de l’écrasante majorité des élus socialistes à l’Assemblée nationale et au Sénat, auxquels s’était jointe la droite française.

4 - La convention nationale « Notre Europe » un coup d’épée dans l’eau ?

Dans ces conditions, quels crédits peuvent avoir les dénonciations de la « réduction systématique du périmètre des services publics » ou la mise en cause du « dogme de la concurrence libre et non faussée » quand on sait qu’il s’agit-là de dispositions centrales contenues, sous des formes diverses, dans pratiquement tous les traités européens, en particulier les deux derniers susmentionnés, mais aussi celui de Maastricht.

Les socialistes ne peuvent aujourd’hui se dresser contre la disparition des services publics quand les politiques prescrivant impérativement la réduction des dépenses publiques qui y conduisent inéluctablement, figurent précisément en bonne place dans des traités qu’on a librement ratifiés.

La réforme ferroviaire actuellement en cours d’étude dans un récent rapport élaboré par J-L Bianco à la demande du gouvernement propose de scinder la SNCF en trois établissements publics à caractère industriel (EPIC). Cet ensemble devrait être mis en œuvre sous l’égide d’un Gestionnaire Unifié d’Infrastructures (GUI) selon un modèle intégré lui-même placé sous la tutelle de l’Etat, lequel ne fera pas pour autant obstacle à l’ouverture à la concurrence.

Les syndicats (CGT et FO) notamment, y voient la préparation d’une liquidation de ce fleuron de l’entreprise publique française au profit d’intérêts privés conformément à la politique libérale d’ouverture totale à la concurrence du transport ferroviaire de l’UE.

Les politiques de désengagement progressif de la puissance publique au profit d’intérêts privés sont à l’œuvre. Elles sont appelées à toucher tous les domaines (Santé, protection sociale, éducation nationale, retraites, etc…) ainsi que la CE l’a planifié par voie de traités et de directives. C’est un travail de longue haleine qui est repris, en alternance, par la droite et la gauche en France, derrière les affrontements à fleuret moucheté. On ne peut le nier.

Socialistes et sociaux-démocrates européens doivent cesser de se payer de mots. On peut lire en page 13 du texte reproduit dans ‘’l’Hebdo des socialistes’’ : « Notre vision du redressement économique et social de l’Europe passe par le retour de la croissance et la fin de l’austérité » Ou encore : « Le rétablissement des comptes à l’échelle nationale (…) mène à l’impasse. Au final, les déficits se creusent, la dette s’accroît, la croissance s’éteint, le chômage augmente, la protection sociale se délite (…) » Ou encore page 14 : « Les politiques néolibérales conduisent à l’affaiblissement du projet européen »

Il y a ici largement de quoi entrer en conflit ouvert avec non seulement les instances européennes actuelles, mais aussi avec les Etats membres de l’Union, car la logique de telles prises de position devrait déboucher sur des campagnes de dénonciation en règle de tous les traités européens.

Mais d’une part, toute la question est de savoir quel degré de crédibilité, socialistes et sociaux-démocrates accordent eux-mêmes à de telles propositions. Ce qui n’a pas été possible depuis 2009 pourrait-il l’être en 2014 ? On peut en douter.

Et d’autre part, en quoi une majorité d’élus et de fonctionnaires socialistes et sociaux-démocrates au Conseil, à la Commission et au Parlement européens, transformera-t-elle la gouvernance de l’UE dans la mesure où tous sont de fervents partisans des politiques néolibérales actuelles ?

« Coopération et solidarité » idéaux certes indispensables pour un monde meilleur, maintes fois mentionnés dans le projet de résolution ne sauraient suffirent à une ‘’réorientation’’ de l’Europe et encore moins à en constituer les fondements idéologiques. Conservateurs et libéraux disposent, eux, d’éléments autrement plus solides comme le profit autour duquel toutes les politiques néolibérales sont agencées.

D’autres voies existent pour ‘’une autre Europe’’ que socialistes et sociaux-démocrates appellent de leurs vœux. C’est la voie qui donne, pour commencer au plan national et à travers les hauts et les bas inhérents à toute activité politique, une traduction politique cohérente à la volonté des peuples d’aller de l’avant.

5 - L’exemple de la ‘’Syriza Front Unioniste Social’’ en Grèce

L’expérience de la Syriza Front Unioniste Social issu de diverses formations politiques de gauche en Grèce est un exemple intéressant à méditer par rapport aux réponses politiques qu’il faut développer face au poids dont a pesé et continue de peser la crise.

Lors des élections législatives de mai / juin 2012 consécutives à la crise politique ouverte par la démission du gouvernement socialiste de G. Papandréou, favorable aux ‘’plans de sauvetage’’ de l’UE, de la BCE et du FMI, Syriza a émergé, à la surprise générale, comme la première force politique du pays. Pourquoi ? En combattant de façon cohérente et résolue toutes les politiques mises en œuvre pour faire payer aux populations les faillites du libéralisme et la crise, à coups de ‘’mémorandums’’ meurtriers qui plongeaient le pays dans une misère insupportable. 

Ironie de l’histoire, c’est grâce à une alliance entre le Parti socialiste grec (Pasok) et la droite conservatrice que s’était constituée une coalition pour faire barrage à la Syriza et permettre la constitution d’un nouveau gouvernement favorable à la poursuite des politiques imposées par Bruxelles, le FMI et la BCE.  

L’expérience de la Syriza prouve qu’il est possible aujourd’hui de donner une traduction politique à la résistance des peuples face à l’Europe libérale. C’est cette voie que devraient commencer par emprunter socialistes et sociaux-démocrates européens dans leur espace national respectif. C’est en désignant clairement l’adversaire, en l’occurrence ici l’UE, comme l’a fait la Syriza, et non en faisant de la droite conservatrice et libérale européenne des exutoires à leurs propres malaises et renoncements idéologiques que socialistes et sociaux-démocrates recouvriront leur crédibilité.

Enfin, dans le contexte de la crise économique et sociale actuelle qui perdure, il faut, pour un panorama complet de la situation à l’échelle de toute l’Europe, y ajouter un aspect capital qui fait malencontreusement défaut dans le projet de résolution. Cet aspect, c’est celui de la crise politique engendrée par la crise économique, sociale et financière que traversent nombre de pays membres l’Union européenne (UE) à commencer par la France… Mais est-ce un hasard de la part de sommités politiques de ce niveau ?

Le PS est en effet aujourd’hui en proie à de très fortes turbulences internes. C’est l’expression de la crise idéologique récurrente qui continue d’exister en son sein et qui trouve, dans la période de récession qui s’ouvre et qui s’annonce durable, un nouvel espace de développement. Cette situation peut, dans la mesure où les socialistes sont aux commandes, revêtir des allures d’une crise politique majeure pour le régime.

Avec un exécutif dont le chef dit qu’il n’y aura pas de changement de cap, et qui se trouve dans l’obligation de poursuivre, avec son gouvernement, les politiques d’austérité et de redressement des comptes issues des traités, de tenter d’imposer la réduction du coût du travail et les autres réformes structurelles pour raison de compétitivité, c’est vers une situation de conflit larvé entre cet exécutif et une frange importante du PS que la France se dirige.

Les prémices d’une nouvelle impasse politique qui va s’étendre à l’ensemble de la gauche socialiste et social-démocrate européenne sont entrain de se préciser dans la perspective de la convention sur l’Europe en préparation.

Cette grand-messe européenne sera-t-elle l’occasion d’un début de redressement idéologique du socialisme européen ? Tout laisse penser qu’il s’agira d’un coup d’épée dans l’eau. 

Paris, le 23 mai 2013

Jean-Marie TOKO, sociologue-démographe.



 [i] Voir par exemple Courrier International n° 867, juin 2007 et Le Monde daté du 04 mai 2008.

 [ii] Harlem Désir, « Pour une économie de marché écologique et sociale » Rapport final de la commission « Les socialistes et le marché » Quels modèles de croissance et de redistribution juste et durable aujourd’hui ? Forum de la rénovation, Cité des sciences et de l’industrie de la Villette. 15 décembre 2007.

[iii] Voir A. Montebourg : « (…) Elle aussi [La gauche] s’est laissée étourdir par les mirages et les promesses de croissance que promettaient les libéraux (…) » dans un article signé de lui dans Le Monde du 21 octobre 2008 intitulé : ‘’ Le mur de Berlin du capitalisme : Avec la crise financière, c’est une idéologie aveugle qui s’écroule. A la gauche de répondre’’. Et aussi, Martine Aubry, à propos de la social-démocratie européenne au lendemain des élections européennes du 7 juin 2009, dans une interview accordée au même quotidien : « (…) Elle [La social-démocratie] s’est laissée imprégner par un certain libéralisme qui était soi-disant le signe de la modernité (…) » Le Monde daté des 5 et 6 juillet 2009.

[iv] La PIB est en net recul dans tous ces pays où selon les sources concordantes, le chômage touche plus de 27% de la population active en Grèce, près de 27% en Espagne, plus de 17% au Portugal. Plus de 40% des jeunes sont frappés par le chômage en Italie et on compte plus de 57% de chômeurs chez les 16 - 24 ans en Espagne. 

 


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8 réactions à cet article    


  • Mr Dupont 25 mai 2013 12:39

    Madame l ’ auteur

    N’ayez crainte et ayez confiance dans le Président qui dans sa grande sagesse sait s’inspirer des bonnes politiques d’un passé encore récent

    http://www.liberation.fr/politiques/2013/05/23/hollande-en-allemagne-pour-l-anniversaire-du-spd_905006

    Comme vous pouvez le constater notre Président trace son sillon


    • tektek93 tektek93 25 mai 2013 15:49

      Bonjour

      « De nombreux commentateurs et politologues y avaient alors vu la confirmation d’un phénomène de ‘’droitisation’’ de l’Europe amorcé à partir du milieu des années 1990 à laquelle seule l’Espagne avait su résister »

      je ne suis ni commentateur ni politologue mais j’y vois plutôt une droitisation des « partis de gauche »


      • soi même 26 mai 2013 00:25
        Charles de Gaulle « Cabri, l’Europe ! l’Europe ! »

        http://www.ina.fr/video/I00012536


        • bigglop bigglop 26 mai 2013 02:08

          @ JM TOKO, pourquoi vous ’’acharnez-vous’’ à utiliser les termes de ’’socialistes’’, de ’’social-démocratie’’ à propos du PS ? Ce parti s’est depuis longtemps converti au capitalisme libéral et financier avec la dérégulation des marchés financiers, la création du modèle de banque universelle de Jacques Delors (1983, 1984).
          Anecdotiquement, F. Hollande lors des législatives grecques n’a pas soutenu Syrizan, bien au contraire.
          Vous trouverez des liens sur le rapport confidentiel du Cabinet Cheuvreux/Crédit Agricole Corporate et la vidéo de Nicolas Doisy, l’un des rédacteurs de ce rapport.
          Le projet de Grand Marché Transatlantique USA/UE avance à grands pas depuis la déclaration d’Obama :
          - le site de Contrelacour (Magali Pernin) donne des informations essentielles sur ce ’’traité’’ qui devrait échapper au contrôle des citoyens pour être négocié par le Président de la Commission Européenne, Barosso.
          Il s’agit de mettre en place une gouvernance transatlantique, de lever toutes les barrières à une ’’concurrence libre et non faussée’’, à la ’’libre circulation des capitaux,...’’ et surtout supprimer les barrières non tarifaires comme :
          - le principe de précaution.
          - les restrictions sur les OGM, les OVM (organismes vivants modifiés, boeuf, porc, etc)
          - interdiction de l’utilisation des semences anciennes, issues de l’agriculture biologique ou non (proposition de la Commission).

          Dès à présent, il faut faire vivre le débat sur ce projet de traité pour les prochaines élections européennes.


          • epicure 26 mai 2013 23:27

            il faut saluer les députés européens français du PS et du centre pour avoir voté contre les consignes officielles, et ne pas avoir apporté leurs voix au grand marché transatlantique , soit en s’abstenant, soit en ne votant pas et pour les plus courageux en votant contre. La gauche française ( FdG et verts, oui même le libéral européiste danny le rouge ) ayant apporté une grande part des votes contre sur l’ensemble des votes. 47 députés français sur 73 n’ont pas voté pour le grand marché transatlantique, aucun autre pays européen ne présente un tel front du refus de ce grand marché de dupes.
            Les soit disant sociaux-démocrates européens , contre el social et contre la démocratie ont voté pour , sauf les français.
            Même harlem désir secrétaire national du PS s’en est sorti en ne votant pas.

            Seuls les députés UMP ont voté pour.

            Donc ceux qui reprochent à la gauche d’avoir voté contre sarkozy devraient se faire modestes, car l’UMP est le pire ennemi de la france, sacrifiant la souveraineté de la france étape par étape pour le grand bénéfice des multinationales.
            Même si hollande est un traitre à ses promesses, et que le PS est un parti de carriéristes, il y a quand même des résistances qui sont absentes à l’UMP.


          • bigglop bigglop 27 mai 2013 10:48

            @Epicure,

            Il est toujours intéressant de lire le contenu des amendements de la Commission du Commerce International du 09/04/2013, de Yannick Jadot.
            La dernière proposition de résolution du 15/05/2013 (adoptée)

            Pour le vote que vous mentionnez, il doit s’agir d’une résolution sur l’exception culturelle cinématographique que l’on retrouve dans cette proposition (articles 10 à 12)


          • baldis30 16 juin 2013 22:05

            et que penser maintenant de la déclaration de Jacques Delors qui ne se retrouve plus dans l’Europe d’aujourd’hui ?

            Y aurait-il de l’eau dans le gaz ? De toute façon cette Europe disparaîtra lors des deux ou trois premières sorties de pays exsangues par les oukases bruxellois !

            Delors a eu le mérite de regarder les réalités en face , ce qui n’est pas le cas d e l’immense majorité des socilaistes étouffés par la chancelière allemande avec la complicité de bien des gouvernants actuels et passés 


            • gaspadyn gaspadyn 21 août 2013 18:51

              Merci à l’auteur pour cet article intéressant.

              -------------------------------------------------------------

              EPICURE : ceux du Parti Snobiste que vous saluez sont pourtant les mêmes traitres et menteurs-manipulateurs qu’ils étaient et que leurs prestigieux camarades. ( par « mêmes » je veux dire les membres d’un groupe).

              Il ne s’agit pas de choisir la teinte de la nouvelle berline présidentielle, mais d’engager le pays vers un processus irréversible, dommageable à la majorité de la société.

              Quand on est honnête, sincère, digne, résolu, cohérent, quand on se considère responsable de ses choix, alors on tape sur la table et on démissionne avec fracas.

              -------------------------------------------------------------------------------

              BALDIS : j’ai le même avis que ci-dessus pour Delors. Il s’est vautré ds la privilégiature eurokraturiste sans rien en renier. Il a toujours tout fait pour que l’irréversible soit accompli. Ses prétendues réserves sonnent faux, ; ce n’est qu’une posture.

              -----------------------------------------------------------------------------------

              Pour sortir de ce piège il n’y-a que l’explosion ou l’implosion, ou la révolte suivie d’une guerre civile.

              Sauf, si par une espèce de miracle miraculeux et aussi incroyable qu’improbable, une coalition politique crédible, cohérente et forte arrivait au pouvoir avec un large soutient populaire, et amorçait la sortie par l’article 50.

               

               

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