Petite histoire de l’Europe pour les plus ou moins nuls (2)
Le Massacre de Teutoburger Wald (suite)
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Autour du 20 Septembre de l’an neuf : les trois légions de Varus avancent en colonne dans un pays considéré comme pacifié, Varus est confiant en la supériorité de ses armes, malgré la mise en garde de Ségeste -oncle d’Arminius- mais resté fidèle à Rome, en raison d’une rancune familiale – son neveu ayant enlevé de force sa fille Thusnelda , promise à un autre, pour l’épouser.
Revenons au théâtre des opérations : la tempête s’est levée, les collines et forêts environnantes, hier riantes sous le soleil, offrent maintenant un aspect menaçant : les cimes des arbres plient et craquent, la pluie redouble, le sol devient fangeux, les équipements s’alourdissent … et soudain c’est l’attaque : de derrière un talus camouflé de branches et de tourbe surgissent les fameux fantassins Chattes à demi nus, les cris d’effroi des femmes et enfants se mêlent à la clameur guerrière, la cavalerie auxiliaire Chérusque , Arminius en tête, change soudain de camp et charge la colonne, là- même où Varus entouré de sa garde d’élite, se pensait en sécurité, enfin les Bructères et les Marses attaquent : désordre et panique dans les rangs, les légionnaires sont empêtrés dans leurs équipements alourdis par la pluie, à cause de cette même pluie les archers ne peuvent ajuster leurs tir… soudain un calme relatif revient, les assaillants semblent s’être retirés… pour mieux attaquer en un autre endroit quelques minutes plus tard… et cela va durer trois jours…trois jours de corps à corps, trois jours au cours desquels d’autres tribus, sentant le vent de la victoire, vont se rallier aux assaillants. ..trois jours aussi où les légionnaires tenteront en vain de construire à la hâte un camp retranché- en vain !le moral n’y est plus, trop de morts, trop de boue, trop de sang, les dieux ont changé de camp : Thor l’emporte sur Mercure …seule une partie de la cavalerie , jouant du cor et du buccin pour faire croire à l’arrivée de renforts réussira à regagner, au sud-est, une citadelle fortifiée (probablement Aliso, future place forte des limes).
Coté assaillants c’est une victoire totale, Arminius félicite ses guerriers et donne le signal de la curée : Varus et ses principaux officiers ayant préféré se suicider en se précipitant sur la pointe acérée de leurs glaives, on fera avec les restes : beaucoup de romains seront sacrifiés sur les autels dédiés aux divinités barbares et ce dans les pires conditions qu’on puisse imaginer : la tête de Varus sera envoyée par l’intermédiaire de Marbod, -chef des Marcomans, resté neutre mais qu’Arminius voulait ainsi convaincre- à Auguste, qui aura ce célèbre cri de désespoir : « Varus, Varus, rends-moi mes légions ! »
Ce désespoir le poussera bizarrement à se laisser pousser barbe et cheveux, le faisant ainsi ressembler, comme pour conjurer le sort, aux barbares vainqueurs ( par contre les Chattes avaient le devoir de se raser après avoir vaincu*) mais aussi – plus sagement- à éloigner d’urgence toutes les troupes d’auxiliaires « en stage », germains et gaulois, cela afin de prévenir un éventuel soulèvement -d’autant que la plupart des légions étaient éloignées de Rome.
Ainsi en trois jours trois légions de l’empire romain, pourtant au fait de sa puissance, furent anéanties dans une embuscade tendue par quelques tribus barbares qui continrent ainsi définitivement les prétentions d’Auguste aux frontières du Rhin. Les XVII, XVIII et XIXème légions ne furent jamais reconstituées.
Six ans après les faits, Germanicus, général romain, à la tête d’une puissante armée punitive, retrouva ce qui restait des légions perdues, les soldats, non sans une réelle émotion, procédèrent à l’inhumation des restes de leurs anciens compagnons d’armes. Deux des trois aigles-enseigne furent retrouvés. Par la suite Germanicus affronta Arminius en plusieurs combats à l’issue douteuse : son plus grand fait d’armes ayant consisté en la capture de Thusnelda, épouse du chef Chérusque, alors enceinte. Ce qui lui permit de donner un peu de lustre au Triomphe organisé à son retour à Rome. Quelques années plus tard Arminius fut tué par un de ses proches et à la fin du premier siècle les Chérusques durent se soumettre aux Chattes, bientôt Clovis, fier Sicambre( une tribu voisine)allait courber la tête à Reims devant St Remy et devenir Roi des Francs, mais ceci est une autre histoire…
Par contre Arminius continuera longtemps à occuper les chroniques et sagas à travers les siècles : le nombre de récupérations dont il va être l’objet est impressionnant cela mérite bien un dernier chapitre, donc… à suivre...
*cela ressemble à une grivoiserie douteuse, c’est réellement cité par Tacite ( pas dans ses « Annales », dans « Germania » )
Sources :
-« The Quest for the Lost Roman Legions ». Tony Clunn- Spellmount, Oxford 2005
-Ritter-Schaumburg :“ Hermann der Cherusker- Die Schlacht im Teutoburger Wald und ihre Folgen für die Weltgeschichte“ VMA-Verlag Wiesbaden 2008(Réédition)
-„Alte Geschichte Projekte“ de l’Université d’Osnabrück
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