Après sa prestation de vendredi soir aux côtés de Jacques Sapir et Emmanuel Todd, voici la seconde partie de mon compte-rendu du très bon livre de Coralie Delaume « Europe : les états désunis », qui étudie les mécanismes qui ont mené l’UE à devenir un Frankenstein politique et social.

La grande divergence européenne
Comme elle le note, à l’origine, le projet européen devait faire converger ses membres vers le haut. Mais elle constate que «
de grandes divergences se font jour désormais entre ceux qui obtenpèrent parce qu’ils croient n’avoir pas le choix, et ceux qui s’accomodent de la situation parce qu’ils considèrent qu’elle leur est utile, ou, du moins, qu’elle le fut longtemps ». La divergence se lit aussi dans l’évolution du chômage ou de la dette depuis 2007. Les pays du sud de l’eurozone sont les «
damnés de l’intégration européenne » car les «
plans d’aide » sont des exercices de «
répression économique »
qui ont mené à une « tiermondialisation de la Grèce ». En même temps, elle note le paradoxe qu’il y a eu à prêter de l’argent à l’Irlande tout en lui laissant conserver son statut de parasite fiscal.
L’Allemagne, hégémon réticent
L’auteur fait un long développement sur l’Allemagne, évoquant un problème de relation entre pays débiteurs et pays créditeurs. Elle ne croit pas à un dessein prédateur de Berlin, mais à un problème de structures. Berlin refuse logiquement de payer et, en l’absence de monétisation, les marchés imposent leur agenda. Enfin, l’Allemagne est immunisée contre l’euro cher par sa modération salariale, l’ouverture à l’Est, à la main d’œuvre à bas coût, et ses choix industriels. Et avec 75% d’excédents commerciaux hors UE (contre 35% en 2007), elle est moins dépendante de ses partenaires. Mais l’Allemagne reste un « hégémon réticent » qui mène seulement une politique conforme à ses intérêts et dont la cour de Karlsruhe continue de défendre sa souveraineté, au contraire de notre conseil constitutionnel.
Il y a deus issues. La première, c’est le rejet de la nation et de la démocratie. Jean-Luc Sauron sur le blog de Quatremer dit « ce n’est pas Lisbonne que refusent les tenants du référendum, c’est une plaisanterie. Ils refusent l’UE comme elle est, le monde comme il est, le marché comme il fonctionne ». L’auteur réplique, ironique : « refuser le marché comme il fonctionne, ça, vraiment, c’est impardonnable ». En fait, elle préfère Jaurès qui disait « un peu d’internationalisme éloigne de la patrie, beaucoup y ramène ». Elle cite Laurent Bouvet qui distingue trois représentations du peuple : le peuple démocratique, le peuple social et le peuple national pour noter que l’Europe parvient réalise l’exploit d’affaiblir les trois.
Coralie Delaume conclut en notant que le fait que le PS et l’UMP aient constamment soutenu de concert cette mauvaise europe (
y compris le TSCG) pose un gros problème démocratique dont le paroxysme a été atteint avec
la ratification du traité de Lisbonne, où l’Assemblée Nationale, supposée être le lieu de l’expression de la volonté populaire pour devenir le lieu de son invalidation.