Première conférence européenne sur les Roms, constat de discrimination
Le mardi 16 septembre, s’est tenue à Bruxelles la première conférence sur le peuple Rom [1], événement sans précédent organisé par le commissaire européen en charge de l’égalité des chances, Vladimir Spidla. Le sujet est sensible car il fait remonter à la surface quantité de douleurs, de frustrations tant il reste corrélé à l’histoire particulièrement douloureuse d’un peuple, dont on estime que 500 000 âmes auront succombé sous le régime nazi. En effet, qui peut nier qu’aujourd’hui encore cette population fait l’objet d’une mise à l’écart systématique, et cela quelle que soit la zone géographique européenne où ils résident. Pour autant, cette conférence, si elle n’apporte aucune solution concrète, aura permis de mettre en avant la problématique liée à l’intégration de cette communauté en Europe.
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En premier lieu, il est important de revenir sur les incidents qui auront émaillé le début de la conférence. En effet, les représentants de la communauté Rom qui assistaient au déroulement des débats ont fait connaître bruyamment leur position concernant la politique menée à leur endroit par le gouvernement italien, qui souhaite mettre en place le fichage génétique systématique des membres de la communauté, arguant de prétextes visiblement fallacieux.
Ainsi, Eugénia Maria Rocella, sous-secrétaire d’Etat pour l’emploi, la santé et les politiques sociales aura été vertement apostrophée, notamment lorsque celle-ci a tenté de justifier la politique mise en place. Selon la représentante du gouvernement italien, cette mesure de fichage génétique permettra "d’assurer la légalité et la sécurité, car sinon, la peur et la méfiance réciproque l’emportent".
Rajoutant aussi : "Le gouvernement italien a entrepris une collecte de données, un recensement pour avoir des idées plus claires sur la présence des Roms sur le territoire italien, les problèmes qu’ils rencontrent, la situation dans les campements légaux et illégaux, afin de mener une politique efficace d’intégration". La dernière partie de cette déclaration reste parfaitement hypocrite car, est-il vraiment besoin d’établir le fichage génétique d’une communauté ethnique à des fins d’intégration ? C’est ici une technique tout à fait novatrice en ce domaine, les travailleurs sociaux apprécieront certainement !
A ces propos, en guise de protestation, les représentants de la communauté Rom ont préféré quitter la salle tant ils se sont encore sentis humiliés par tant d’insanités tenues à leur endroit. C’est aussi faire insulte à leur intelligence que de développer de tels arguments dignes des plus mauvais sophistes. Encore une fois, c’est une politique sécuritaire qui se veut la solution à un problème historique. Chacun sait combien l’histoire [2] de ce peuple est faite d’oppressions successives et récurrentes tout au long de leur longue migration qui les aura menés du sous-continent indien jusqu’aux rives de l’océan Atlantique, et même par-delà.
En outre, la Commission européenne aura acquiescé aux dispositions dénoncées, le gouvernement italien ayant juste apporté quelques modifications minimes. En ce sens, le monde associatif s’inquiète de voir ce fichage se répandre à l’échelle européenne, pour devenir ainsi la norme sur le continent.
Dès lors, il ne reste plus qu’à attendre l’arrêt de la Cour de justice des Communautés européenne, dont on ne peut qu’espérer un positionnement courageux en rendant une décision qui obligera le gouvernement italien, et mettra fin à toute velléité de propagation de la méthode.
Mais, l’Italie n’est pas la seule nation en cause dans la discrimination de la communauté des gens du voyage. En effet, en Roumanie devons-nous rappeler qu’ils sont encore traités comme de véritables esclaves soumis au bon vouloir des dominants, la révolution de 1989 ayant même aggravé les choses ? En France, faut-il se souvenir des campements sauvages qui entourent la ville lumière, véritables zones qui n’ont rien à envier aux pires endroits que l’on puisse trouver sur notre planète ?
"Il est vrai qu’il y a de l’exclusion, de la discrimination et même parfois du racisme envers les Roms", reconnaissait José Manuel Barroso lors de sa prise de parole, actant ici une réalité bien connue de tout le monde. Ce à quoi il ajoutait, "Nous devons éviter de donner l’impression que la situation dramatique des Roms peut être résolue depuis Bruxelles". Mais encore, le président de la Commission européenne de préciser : "Une telle approche serait irresponsable". Autrement dit, la responsabilité incombe de fait aux nations et non à l’Europe, les solutions sont locales et non internationales. Pourtant, comment ignorer que les Roms sont partie prenante de la richesse ethnique de l’Europe, ils représentent une entité de 10 millions d’individus répartis au sein de l’Union européenne, est-ce là quantité négligeable ?
En outre, s’agissant des discriminations, il suffit d’appréhender quelques données pour mesurer combien être Rom en Europe représente un handicap (77 % des Européens sondés le pensent), tant les écarts avec la population européenne moyenne demeurent importants, notamment en matière d’espérance de vie de dix à quinze ans inférieure, mais encore quant à l’accès à l’éducation.
Enfin, les conférenciers de promettre que la situation des Roms sera encore évoquée lors du prochain sommet européen, et Christine Boutin de renchérir en affirmant que d’ici là plusieurs propositions françaises viendront enrichir le débat, cette dernière faisant sien l’adage selon lequel les promesses n’engagent que ceux qui y croient…
[1] "Rom" signifie "homme" en langage romani, et c’est par ce terme qu’ils se désignent eux-mêmes.
Trois grands groupes linguistiques :
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les Roms stricto sensu (ceux qui se disent Roms) vivent principalement en Europe de l’Est ; ils sont également présents en Europe occidentale (depuis la fin du XIXe siècle), au Proche-Orient, en Amérique et en Australie ;
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les Sintis ou Manouches vivent en France, en Italie, au Benelux et en Allemagne ;
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les Gitans vivent dans le sud de la France, en Espagne et au Portugal.
[2] Histoire des Roms, quelques éléments bibliographiques :
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ASSEO Henriette, Les Tsiganes, une destinée européenne, Gallimard, 1994
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AUZIAS Claire, Samudaripen, le génocide des tsiganes, L’esprit frappeur, 2000
-
FILHOL Emmanuel, La Mémoire et l’Oubli : l’internement des tsiganes en France, 1940-1946, L’Harmattan, 2004
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PASQUALINO Caterina, Femmes tsiganes, Etudes tsiganes, 1997
Iconographie :
David Delaporte, RomEurope.
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