Santé en danger
La santé, une nouvelle "valeur refuge" pour les financiers ?
Ils ont raison, la solvabilité est intéressante...
Cette grave problématique fait suite à une plainte déposée devant l’UE par un groupe financier désireux de posséder plus de 25 % du capital des laboratoires d’analyse comme le prévoyait la loi jusqu’à présent, garantissant l’indépendance des professionnels de santé y exerçant.
Au nom de la liberté de circulation des capitaux et de la libre concurrence au sein de l’Europe, la France doit aujourd’hui choisir entre défendre son système de santé selon le principe de subsidiarité ou démanteler ses structures, à la fois en ouvrant à 100 % son capital à des financiers, mais surtout en déréglementant complètement la profession, laissant le champ libre à toutes les dérives.
La biologie médicale est en France une spécialité médicale ayant un rôle majeur et croissant dans le bon déroulement de la prise en charge médicale, réalisant à elle seule plus de 70 % des diagnostics médicaux pour 2 % des dépenses totales de santé. La qualité est depuis longtemps au centre des préoccupations quotidiennes des biologistes et l’offre sur le territoire est également répartie. La réforme ne peut se justifier sur un unique plan sanitaire.
Cette spécialité est exercée par des professionnels de santé qualifiés (médecins et pharmaciens diplômés) et organisée en Sociétés d’exercice libéral leur permettant d’exercer leur spécialité dans une logique de service de santé publique déontologique et indépendante de toute pression financière.
La baisse régulière de la nomenclature des analyses les plus automatisées a montré la bonne volonté de la profession de participer à la bonne efficience du financement de la Sécurité sociale.
Derrière cette libéralisation, se profile la tentative de mainmise de groupes financiers sur l’ensemble des professions libérales, et plus particulièrement sur les professions de santé, qui me semble en être la dérive la plus dangereuse.
De par la loi de 1990, l’objet social des SEL est en effet d’organiser l’exercice de la profession de médecin, de biologiste, de radiologue, de pharmacien, de chirurgien-dentiste ou de sage-femme ; et qui sont apparemment aujourd’hui perçues à Bruxelles comme de simples sociétés de service.
C’est à très court terme la remise en cause de l’organisation des soins et de l’indépendance des praticiens qui comporte les dangers les plus graves pour la santé publique avec :
- la création de groupes dominants, au poids démesuré face aux autorités de santé et de protection sociale ;
- le détournement d’une partie des ressources de l’assurance maladie au profit d’investisseurs extérieurs (fonds de pensions étrangers ou internationaux, fonds souverains…), soucieux uniquement de maximiser leurs dividendes ;
- l’ingérence inévitable de ces propriétaires dans l’organisation et la dispensation des soins, en vue de réaliser leurs objectifs de rentabilité financière, sans logique de service publique ni de qualité et encore moins d’efficience en matière de dépenses de santé ;
- l’aggravation des inégalités d’accès aux soins dans les zones peu attractives, par élimination des structures ou de service de soins les moins profitables ;
- la disparition progressive de l’exercice libéral des professions de santé, en faveur d’un exercice uniquement salarié dont l’indépendance d’exercice et la déontologie ne pourront plus être garanties, tout en conservant tous les risques inhérents à l’exercice médical ;
- le risque d’utilisation des données individuelles de santé par des assureurs ou des banques appartenant aux mêmes groupes investisseurs.
Retenons qu’au-delà du présumé corporatisme d’une profession la déréglementation associé à une ouverture sans limitation du capital à des investisseurs dont l’objectif est de créer des sociétés cotées en bourse menace à court terme la pérennité du système de santé solidaire en France.
Car, lorsque la plus grande partie du fruit des activités de soin sera captée par la logique financière, l’organisation solidaire du financement des dépenses de santé n’aura en effet plus aucune raison d’être.
De plus, la vulnérabilité et l’instabilité d’un financement exclusivement lié au capital et aux lois du marché fait prendre un risque inconsidéré et inacceptable dans un domaine tel que la Santé, l’actualité récente parle d’elle-même.
A contrario, les professionnels voient en la possession de leur outil de travail un moyen de répondre à des obligations diverses (qualité, proximité, éthique…) et se font les garants d’un investissement durable dans leurs entreprises de santé.
L’ensemble de la profession s’inquiète donc de la décision gouvernementale de légiférer par ordonnance, privant ainsi députés et citoyens d’une réflexion collective sur le bien-fondé et l’opportunité de cette réforme.
Cela va de surcroît complètement à l’encontre de la réforme constitutionnelle intervenue avec la loi de modernisation des institutions de la République du 23 juillet 2008 replaçant les chambres parlementaires au cœur des décisions politiques.
Cette disposition ne peut se justifier par l’urgence de légiférer et apparaît comme l’aveu d’un gouvernement qui peine à trouver les justifications d’une telle réforme.
L’article 43 portant sur le concept de libre concurrence sur lequel tout prétend reposer est précisément mis à mal pour la jeune génération de professionnels. L’arrivée de groupes financiers remet en effet en question la possibilité d’exercer en libéral pour les jeunes diplômés, le salariat devenant à terme la seule option au regard des spéculations de rachat, introduisant une concurrence déloyale pour toute une génération de jeunes médecins et pharmaciens, désireux de pouvoir se regrouper et mutualiser leurs efforts pour offrir les meilleurs soins de proximité, de qualité et économiquement efficient à la population.
D’autres Etats européens (Italie, Espagne…) sont à l’heure actuelle engagés dans des actions similaires devant la CJCE. La France n’est donc aucunement isolée et ne peut se voir opposer la critique d’un combat d’arrière-garde.
A la date du 22 septembre 2008, plus de 120 députés européens se sont engagés par écrit dans le soutien des professions libérales en Europe. Parallèlement, une centaine de députés français se sont inquiétés des risques inhérents à l’ouverture sans limitation du capital des Sociétés d’exercice libérale au travers de questions écrites au gouvernement, restées à ce jour sans réponse.
Aujourd’hui, de grands groupes, à la faveur de montages financiers illégaux, ont réussi à infiltrer le paysage de la biologie et engage massivement analystes financiers, opérateurs marketing, visiteurs médicaux, proposent des salaires mirobolants à des biologistes, souvent non responsables directement des analyses rendues et ayant perdu tout contact avec leurs patients.
Pour plus de détails :
Biologie médicale européenne : Labco participe aux grandes manœuvres dans le secteur et revendique la place de leader européen http://www.focusinfo.eu/article.php?id=1662&r=e
Il me semble crucial qu’une réflexion civique ait lieu très rapidement pour tenter d’empêcher que la santé ne devienne une simple marchandise.
D’après un sondage BVA d’octobre 2008, 85 % des Français interrogés (échantillon représentatif de 1 013 personnes) sont défavorables à ce que des Laboratoires d’analyse médicale puissent être détenus par des investisseurs qui ne sont pas des professionnels de santé comme des groupes financiers.
(http://www.lasanteauxencheres.fr/Rapport-ensemble.pdf)
Pour que nous puissions continuer à exercer notre métier avec fierté, professionnalisme et passion, aidez-nous à empêcher cette réforme de voir le jour.
Bien au-delà de l’unique défense de mon outil de travail, je suis certaine que c’est bien le patient français qui a le plus à y perdre si cette réforme voit le jour.
N’hésitez pas à venir signer notre pétition (www.lasanteauxencheres.fr) et à participer aux forums de discussion sur ce sujet qui nous concerne tous.
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