Sarkozy, atout ou handicap pour la France en Europe ?
On nous présente parfois Sarkozy comme capable de mieux faire face aux difficultés que rencontre la France au sein de l’Europe. Certains dans son entourage voudraient brusquement nous faire croire en un président protecteur fort de son expérience et de sa bonne influence.
Il est malheureusement mal placé pour se mettre soudainement à jouer au président au dessus de la mêlée, lui qui a toujours préféré s’affirmer dans la rupture et la transgression sur la scène nationale comme sur la scène internationale.
• Rupture avec le modèle social français dans le projet politique brandi en 2007 et pratiqué dans un premier temps (lois TEPA Défiscalisation des heures supplémentaires, bouclier fiscal, exonérations). C'était l'époque du Sarkozy "américain" fasciné par le modèle américain et invité de la famille Bush.
• Puis discours de rupture avec les responsables financiers de la crise, dénoncés bruyamment dans les tribunes et plus influents que jamais dans les décisions.
• Rupture avec la conception traditionnelle de la fonction présidentielle, au risque de voir s’éloigner les électorats conservateurs et âgés.
De même en Europe, ce président est mal placé pour jouer le partenaire efficace capable de patientes négociations et d’un nouveau dessein Européen. La presse étrangère s’était étonnée, quand elle ne s’était pas effrayée, devant sa pratique du pouvoir. Les dossiers répétés de Courrier International montraient le décalage dans les perceptions des Européens de cet histrion de la politique qui rejoue le vieux rôle français de « l’homme providentiel ». Mais ce « césarisme » à la française fait à l’extérieur plus figure d’archaïsme que de dynamisme éclairé.
L’émission de décembre 2011 sur Arte « Sarkozy vu par la presse étrangère » montrait qu’au regard des pratiques démocratiques, du népotisme, de l’utilisation des thèmes populistes, ce président apparaissait plus comme un aventurier amateurs de coups (de force) que comme un dirigeant responsable et capable de continuité. L’émission a été retirée de You tube.
Arrogance et irresponsabilité fiscale au début du quinquennat
Il faut se souvenir des déclarations de N. Sarkozy arrivant à l'Elysée en 2007 et se méfiant de toute idée de rigueur budgétaire.
Le ministre allemand de l’économie Peter Steinbrück s’était étonné des cadeaux fiscaux de la loi TEPA alors même que le budget français accusait un déficit et que la dette atteignait déjà 1200 Milliards d’€. Cette politique signifiait en effet le non-respect des engagements Européens de la France. C'est cette politique qui explique la perte ultérieure en 2012 du AAA de la France par l'une des trois agences de notation.
Les désaccords entre la France et l’Allemagne se sont multipliés dans la politique étrangère (Union pour la Méditerranée), la politique énergétique (essor des énergies renouvelables et sortie programmée du nucléaire en Allemagne), les interventions militaires (Afghanistan, Libye), l’abandon du programme d’aide alimentaire aux associations.
Le bilan de Sarkozy en Europe, plus la paralysie que la résolution des problèmes Son parti pris est l’entente entre quelques dirigeants (tantôt Blair ou Cameron, tantôt Merkel ou Berlusconi) plutôt que la recherche construite d’une majorité. Le parlement Européen à l’image du parlement français est relégué à un rôle subalterne. Il a favorisé la nomination de dirigeants des instances européennes sans envergure (Barroso et Van Rompuy).
Face au besoin de répondre au déficit démocratique d’une Europe en panne, la réponse se limite désormais à une approche intergouvernementale confinée à des rendez-vous médiatisés des dirigeants. Cette approche ne crée ni pouvoir ni identité.
Depuis deux ans Sarkozy en difficulté du fait de sa gestion conjuguée à la crise financière court derrière la chancelière qui impose son point de vue de conservatrice allemande. Il n’a pas le choix, enfermé qu’il est dans ce tête à tête.
Le dernier exemple est le pacte budgétaire tout concentré sur une politique de rigueur « Une usine à gaz. » du « directoire Merkozy », qui domine le Conseil européen depuis deux ans ? « Si l'on continue comme cela, on tue l'Europe » dénonce Jacques Delors au parlement Européen le 28 mars.
Cette politique récessionniste accule les pays en difficulté en les laissant seuls face aux spéculateurs. Ainsi la Grèce n’a-t-elle été aidée que quand est apparu l’effet d’entrainement de sa crise sur l’Euro. Les budgets grecs pour l’armement restent disproportionnés. Il faut dire qu’il s’agit d’armes vendues par la France et l'Allemagne. La droite grecque championne de l’évasion fiscale est absoute.
Par contre les conservateurs espagnols qui viennent de gagner les législatives (en fait ce sont plutôt les socialistes qui les ont perdues du fait de l’abstention de leur électorat) sont montrés du doigt comme des mauvais élèves de le rigueur. Sarkozy peu solidaire déconsidère les efforts budgétaires du gouvernement Rajoy. Le Monde s’interroge sur un Sarkozy pompier pyromane de la zone euro ?
Récemment pour les besoins de sa campagne, ce président français s’est mis aussi à dénoncer les accords de Shengen en prétendant remettre en cause la politique Européenne alors même que M. Guéant n’en disait pas un mot dans les réunions des ministres de l’intérieur du mois de février. Il faut dire qu’il ne savait pas sur quel pied danser, tout comme la porte parole de la campagne. NKM avait pourtant très justement attaqué le Front National dans son livre sur cette suggestion de sortir de Shengen. On comprend son embarras aujourd’hui.
Le vent mauvais inspiré par Buisson qui amalgame thèmes de droites et thèmes d'extrême droite légitimise les droites populistes européennes cependant il heurte même les partis de droite conservateurs ou démocrates-chrétiens. Le hongrois Viktor Orban, la ligue du Nord en Lombardie, la droite populiste UDC suisse se trouvent confortés par la ligne Buisson-Guéant-Sarkozy : "Que Nicolas Sarkozy cherche à récupérer une partie de l’électorat du Front national, c’est un élément de la campagne française. Mais on voit bien, avec le seul exemple suisse, dans l’actuelle macération identitaire, que son initiative risque de faire céder les dernières digues contre le populisme en Europe. Dont les victimes pour ce qui nous touche, de Saint-Gingolph à Bâle, seront les salariés frontaliers."
Le fiasco de l’Union Pour la Méditerranée
L’UPM démarrait en 2007 avec pour principaux parrains Moubarak, Assad et Ali tout en réussissant l’exploit de braquer la Turquie et surtout l’Allemagne. Là aussi priorité au casting, les relations avec les personnalités priment sur une logique de développement des relations entre sociétés civiles (oppositions comprises). Sans parler des amitiés encore plus compromettantes avec Assad et Khadafi tous deux traités comme des hôtes privilégié à Paris.
L'UPM qui s’ébauchait était déjà fragilisé par l’absence de moyen et de résultat. Cette idée au principe prometteur a été balayée quand le printemps des peuples arabes a initié les changements démocratiques et a arrêté les tyrans. Face à cette évolution salutaire, on a vu le gouvernement français commencer par fournir des armes et proposer ses services pour la répression, puis ensuite de jouer sur la peur en agitant le spectre d’une invasion massive des populations maghrébines. La France est devenue inaudible vis à vis de ces peuples dans leur chemin d’émancipation.
Confusion entre le casting TV et l'action durable
Sur tous ces terrains, les principes mis en avant sont parfois défendables, mais ce qui explique l’échec de son action politique relève toujours des mêmes constantes :
• L’action est envisagée comme une affirmation spectaculaire et exacerbée d’une volonté d’un ou d’un nombre limité d’individus (UPM, crise de l’Euro, « sauvetage » de la Grèce),
• La priorité est mise sur le copinage, les gestes symboliques devant les caméras,
• Le travail de concertation, la recherche d’alliance ne sont pas compris comme des éléments fondamentaux, conditions de la réussite,
• La dramatisation et l’agitation des peurs veulent faire croire à un peuple infantilisé que son dirigeant affronte la tempête avec compétence,
• Sarkozy navigue en réalité à vue au gré des sondages et de la politique intérieure française, il ne construit pas de projet Européen ni méditerranéen. Les discours de Gueno enrobent ses tactiques en zig zag d’un lyrisme grandiloquent.
Expérimenté, oui comme bête médiatique. Fiable ou compétent, non.
Il faudra réinventer une politique européenne, réorientée sur la relance et la justice sociale. Plutôt que des gesticulations qui ridiculisent la France avec un Sarkozy démonétisé, la capacité de négociation de Hollande, Vedrine et Moscovici en relation aux socio-démocrates européens -et même avec certains conservateurs subissant l’orthodoxie de Merkel- semble un bien meilleur atout qui ouvre à nouveau la possibilité de progression tant de la France que de l’Europe.
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