Traite des Roms : Sarkozy, Besson, Lellouche et Hortefeux baissent leur froc devant Madame Reding
Il fallait s’y attendre : la France accepte d’harmoniser son droit de séjour des ressortissants de l’Union Européenne conformément à l’injonction de la Commission.
Il existe, dans notre beau pays, un code d’entrée et du séjour des étrangers (CESEDA) dont le chapitre III règle la question des ressortissants d’un état membre de l’U.E disposant d’une pièce d’identité en cours de validité.Tout étranger s’il ne constitue pas une menace pour l’ordre public ne peut-être interdit de séjour.
L’ordre public, n’étant pas une notion constitutionnelle, peut être ici interprété comme concernant la sécurité des citoyens, la salubrité, la santé et la tranquillité publique. L’article 27 de la directive européenne 2004/38/CE rappelle : « Ces raisons ne peuvent être invoquées à des fins économiques. ».
Le traité de Lisbonne en son article 46 dispose que l’U.E : « arrête par voie de directives ou de règlements les mesures nécessaires en vue de réaliser la libre circulation des travailleurs, telle qu’elle est définie à l’article 45, notamment :
b) en éliminant, celles des procédures et pratiques administratives, ainsi que les délais d’accès aux emplois disponibles découlant soit de la législation interne, soit d’accords antérieurement conclus entre les États membres, dont le maintien ferait obstacle à la libération des mouvements des travailleurs,
c) en éliminant tous les délais et autres restrictions, prévus soit par les législations internes, soit par des accords antérieurement conclus entre les États membres, qui imposent aux travailleurs des autres États membres d’autres conditions qu’aux travailleurs nationaux pour le libre choix d’un emploi, .
Le traité semble reprendre la directive de 2004 et le paragraphe 9 de l’article 1 de celle-ci préconisant que : « Les citoyens de l’Union devraient avoir le droit de séjourner dans l’État membre d’accueil pendant une période ne dépassant pas trois mois sans être soumis à aucune condition ni à aucune formalité autre que l’obligation de posséder une carte d’identité ou un passeport en cours de validité,sans préjudice d’un traitement plus favorable applicable aux demandeurs d’emploi, selon la jurisprudence de la Cour de justice. ». Un article que complète l’alinéa b du paragraphe 4 de l’article 14 de cette directive sur le maintien du droit de séjour des « citoyens de l’Union entrés sur le territoire de l’État membre d’accueil pour y chercher un emploi. Dans ce cas, les citoyens de l’Union et les membres de leur famille ne peuvent être éloignés tant que les citoyens de l’Union sont en mesure de faire la preuve qu’ils continuent à chercher un emploi et qu’ils ont des chances réelles d’être engagés. »
A ce sujet, la Cour de Justice européenne avait rappelé que l’article 45 du traité de Lisbonne s’applique aux "ressortissants d’un État membre à la recherche d’un emploi dans un autre État" et que, dans ces conditions, ceux-ci "bénéficient du droit à l’égalité de traitement prévu au paragraphe 2 de cette disposition" (15 septembre 2005, affaire n° C-258/04). De son côté notre Cour de Cassation, dans son bulletin du droit du travail 2 trimestre 2009, expose sous le n°116 l’arrêt du 4 juin 2009 rendu par la Cour de Justice Européenne dans 2 affaires opposant l’« Arge » (pôle emploi à l’allemande) de Nuremberg à deux ressortissants Grecs. Selon la Cour européenne : les demandeurs d’emploi ressortissants d’un état membre de l’Union ont droit aux prestations financières dont disposent les nationaux : « Les prestations financières de nature à faciliter l’accès à l’emploi ne peuvent être considérées comme des prestations d’assistance sociale au sens de l’article 24 de la Directive 2004/38/CE. »
Il ne s’agit donc pas dans le paragraphe 9 de l’article 1 d’imposer une limitation du séjour à 3 mois comme l’interprète le CESEDA mais de proposer un délai souhaitable avant la fin duquel l’état d’accueil soumettrait le ressortissant de l’Union à l’obligation administrative d’un enregistrement ou à une demande de séjour ou d’un document d’identité local, voire une démarche sanitaire ou tout cela à la fois.
Ce Code d’Entrée et de Séjour (CESEDA) qui semble, a priori, conforme au traité de Lisbonne et admet que le ressortissant d’un état membre est " présumé séjourner depuis moins de trois mois" lors d’un contrôle, est une barrière pour celui-ci s’il n’est pas enregistré pour y séjourner plus longtemps auprès de la mairie de son lieu de résidence. Une opération pour laquelle il doit justifier de ressources pour vivre et d’une couverture maladie, privée ou publique de son état d’origine, pour ne pas être à la charge sociale de l’état.
Une condition que, les Roms et les ressortissants d’un état membre ne peuvent satisfaire sans ressources et assurance maladie. L’accès aux services et prestations du Pôle Emploi, réservé aux personnes dont le séjour est « régulier » c’est-à-dire ayant fait l’objet d’un enregistrement administratif, leur est donc interdit. De tels ressortissants de l’Union ne peuvent alors recourir aux prestations financières de nature à faciliter l’accès à l’emploi accordées aux ressortissants nationaux ni à une aide au logement. Le cercle vicieux est bouclé ! Voici qui autorise Brice à virer du Rom à tout va au mépris de tous les droits et engagements pris.
Quelle erreur ! Ou il ne fallait pas admettre la Roumanie et la Bulgarie dans l’Union ni signer les traités qui conduisirent à celui de Lisbonne de Monsieur Sarkozy ou il convient d’en assumer sans broncher toutes les conséquences ! Le Président est pris à son propre piège et de nouveau la France paie ses âneries.
L’article L-121-1 du CESEDA, s’il autorise le séjour d’un ressortissant de l’U.E. en France ne prend :
-ni en compte l’alinéa c du paragraphe 3 de l’article 45 du traité qui permet à tout ressortissant d’un état membre : « de séjourner dans un des États membres afin d’y exercer un emploi conformément aux dispositions législatives, réglementaires et administratives régissant l’emploi des travailleurs nationaux, »
-ni l’alinéa 2 de l’article 15 de la Charte des droits fondamentaux, partie de ce dernier : « Tout citoyen de l’Union a la liberté de chercher un emploi, de travailler, de s’établir ou de fournir des services dans tout État membre. »
- et encore moins l’article 1 alinéa 9 de la directive 2004/38/CE rappelant : « sans préjudice d’un traitement plus favorable applicable aux demandeurs d’emploi, selon la jurisprudence de la Cour de justice.
Ce qui signifie que tout ressortissant de l’Union est libre de se rendre où il veut pour y chercher un emploi et s’établir. Il n’est pas contraint d’avoir trouvé un emploi dans un pays pour y séjourner.
L’article L-121-1 du CESEDA bloque ainsi toute recherche d’emploi sur le terrain par l’intermédiaire du « Pôle Emploi » bien que cet organisme ne fasse aucune objection à inscrire un demandeur d’emploi étranger en situation régulière. Celui-ci ne peut, administrativement, atteindre la régularité.
Ceci est contraire aux engagements pris par la France, et au principe de l’égalité de l’Union que rappelle notamment l’article 20 de la Charte : « Toutes les personnes sont égales en droit ».
Une charte qui rappelle à l’alinéa 3 de l’article 34 : « Afin de lutter contre l’exclusion sociale et la pauvreté, l’Union reconnaît et respecte le droit à une aide sociale et à une aide au logement destinées à assurer une existence digne à tous ceux qui ne disposent pas de ressources suffisantes, selon les règles établies par le droit de l’Union et les législations et pratiques nationales. » confirmant les articles 9 et 10 du traité de Lisbonne.
Une charte qui dispose en son article 45, alinéa 1 : « Tout citoyen de l’Union a le droit de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres. » sans aucune restriction ce que ne contredisent pas les paragraphes 1,2 et 3 de l’article 45 du traité qui prévoit pour seules justifications des limitations au séjour : « des raisons d’ordre public, de sécurité publique et de santé publique. » sans mettre en question une limite de 3 mois.
L’insalubrité évoquée comme motif d’illégalité par M.Sarkozy lors de sa conférence de presse à Bruxelles se retourne pour partie contre lui et les équipements insuffisants des communes pourtant prévus par la loi. La responsabilité de "l’insalubrité" reprochée aux gens du voyage est en fait le résultat du non-respect des règles d’hygiène et d’accueil imposées par la loi aux communes de 5.000 habitants. Ce que la circulaire du 24 juin 2010 signée Brice Hortefeux et Eric Besson traduit au paragraphe 2 en ces termes : « pour que l’infraction soit constituée, la commune doit s’être conformée à ses obligations au regard de la Loi de 2000. » En effet, l’article 322-4-1 du Code pénal ne peut s’appliquer qu’aux communes ayant satisfait aux obligations de la loi 2000-614 sur les conditions d’accueil des gens du voyage. Le cas des Roms kosovars séjournant en Allemagne témoigne que lorsque les membres de cette communauté bénéficient de logements équipés, leur hygiène est irréprochable.
Les larcins et la mendicité agressive bien réels sont des délits. Ils doivent être établis et leurs véritables auteurs confondus, la plupart du temps une gageure. Quant à l’article 225-15-2 du code pénal pour exploitation de la mendicité s’il punit celui qui la provoque de 3 ans de prison et d’une amende de 45.000 €, il requiert, comme tout délit, la comparution du prévenu en Correctionnelle, procédure qui exige quelque délai, en outre la loi pénale ne sanctionne pas d’expulsion administrative mais condamne à une peine.
La violation de domicile, elle n’est constituée que par l’effraction ou le passage outre à une opposition matérielle quelconque. L’occupation irrégulière ou précaire d’un local, inhabité et vide de tout mobilier ou matériel, que nul n’a manifesté la volonté d’occuper ne serait-ce qu’occasionnellement par un acte, ne constitue pas une violation de domicile. Une telle indélicatesse ne saurait, selon notre importante jurisprudence à ce sujet, être reconnue comme telle. Ceci n’est donc pas un motif d’interdiction de séjour et ne trouble pas l’ordre public.
Le squattage de la propriété privée ne peut, lui, résulter que de la plainte du propriétaire qu’il convient de produire et d’examiner. La circulaire demande alors aux forces de l’ordre de provoquer ces propriétaires à porter plainte. Elle recommande également de les convaincre d’empêcher toute reconstitution éventuelle d’occupation.
Mise à part l’occupation sans titre, objet d’une procédure contradictoire, qui ne constitue pas systématiquement une infraction, il s’agit là de procédures judiciaires qui ne font pas toujours l’objet d’un flagrant délit et n’autorisent pas à priver de liberté jusqu’au procès en plaçant au dépôt l’ensemble d’une famille. En revanche, l’arrêté d’expulsion est une mesure administrative relevant du Ministère de l’Intérieur ou du Préfet après avis de la Commission départementale d’expulsion, nommée sur arrêté préfectoral. Cette mesure, elle, permet de recourir à la rétention administrative.
Une telle décision à l’encontre d’un étranger est justifiée par le fait qu’il représente une menace grave pour l’ordre public. Toutefois les voies de recours sont celles du droit commun et l’arrêté peut être contesté dans un délai de 2 mois devant le Juge administratif, à condition qu’il n’ait pas été exécuté, car ce recours n’est, en France, pas suspensif. Pour autant, en ce qui concerne les citoyens de l’Union, que l’article 30 de la directive européenne 2004/38/CE ne fasse obstacle à l’exécution savoir : « Les motifs précis et complets d’ordre public, de sécurité publique ou de santé publique qui sont à la base d’une décision le concernant sont portés à la connaissance de l’intéressé, à moins que des motifs relevant de la sûreté de l’État ne s’y opposent. (Ce qui n’est pas le cas des campements illicites à lire la circulaire du 24 juin signée Hortefeux, Besson).
La notification comporte l’indication de la juridiction ou de l’autorité administrative devant laquelle l’intéressé peut introduire un recours ainsi que du délai de recours et, le cas échéant, l’indication du délai imparti pour quitter le territoire de l’État membre. Sauf en cas d’urgence dûment justifié, ce délai ne peut être inférieur à un mois à compter de la date de notification. » La circulaire Hortefeux-Besson du 24 juin adapte le respect de ce délai en y introduisant la notion de volontariat. En page 8 elle préconise : le délai « volontaire » de départ d’un mois est un élément constitutif de la décision, le défaut de cette mention est de nature à affecter la légalité de cette décision.Ceci ne l’empêche nullement d’être illégale puisqu’elle applique l’article 121-1 et suivants du CEDESA à des citoyens de l’Union. Pour un spécialiste du droit Monsieur Hortefeux a oublié de s’informer…
L’article 31 de la directive européenne dispose : Les États membres peuvent refuser la présence de l’intéressé sur leur territoire au cours de la procédure de recours, mais ils ne peuvent pas lui interdire de présenter ses moyens de défense en personne, sauf si sa comparution risque de provoquer des troubles graves à l’ordre et à la sécurité publics ou lorsque le recours porte sur un refus d’entrer sur le territoire. Les réserves ne s’appliquent évidemment pas ici aux Roms maintenus en rétention administrative avant d’être expulsés, ils étaient entrés légalement en France. En supplément, ils n’ont aucunement participé aux événements du 22 juillet à Saint Aignan, perpétrés par des ressortissants nationaux.
Autant dire que la décision à brûle-pourpoint prise par les autorités d’expulser est totalement illégale. Elle viole les garanties procédurales de l’article 31 de la directive européenne, même si les prétendus départs volontaires ont été négociés contre 300 € sous la pression des uniformes. De même, la prétendue insalubrité ne justifie pas une mesure d’expulsion d’urgence d’un ressortissant de l’U.E puisque la circulaire du 24 juin ne fait aucun état de cette procédure spéciale et que la France ne remplit pas les obligations contractées en ratifiant le traité de Lisbonne et ses annexes dont la Charte des droits fondamentaux.
L’illégalité de telles mesures discriminatoires semble d’autant mieux établie que des avocats de Seine Saint-Denis ont découvert que les formulaires d’expulsion signifiés aux Roms étaient déjà pré-remplis, notamment quant au motif, et que seule la case Nom avait été laissée en blanc. Ce qui, bien évidemment, contredit le principe légal de l’examen individuel de situation motivant la décision administrative et non judiciaire d’expulsion du territoire. Une méthode qui contrevient au 2ème alinéa du paragraphe de l’article 27 de la directive européenne citée : « Le comportement de la personne concernée doit représenter une menace réelle, actuelle et suffisamment grave pour un intérêt fondamental de la société. Des justifications non directement liées au cas individuel concerné ou tenant à des raisons de prévention générale ne peuvent être retenues. »
Comme le rappelle, selon une nouvelle de l’AFP, la Dépêche du Midi le 12 août 2010 : A l’issue d’une réunion à l’Elysée autour de Nicolas Sarkozy sur la question des Roms et des gens du voyage, le 28 juillet, Brice Hortefeux avait annoncé que la moitié des camps illégaux de Roms et de gens du voyage seraient démantelés dans les trois mois. Le ministre avait chiffré à environ 300 le nombre de "camps ou squats" recensés dans le pays. Il y aura reconduite "quasi immédiate", vers la Bulgarie ou la Roumanie, des Roms qui auraient commis des atteintes aux biens ou des fraudes. »
Lequel article poursuit : Lors d’une conférence de presse à l’hôtel de police de Montluc (Lyon), le ministre, dressant bilan de ses mesures, déclare que : "depuis 15 jours, plus de 40 camps de Roms ont été démantelés", soit "700 personnes" concernées "qui devraient être reconduites dans leur pays d’origine", la Roumanie ou la Bulgarie. Il a précisé qu’en liaison avec le ministre de l’Immigration, Eric Besson, il avait été convenu que des vols seraient "spécialement affrétés" à cette fin.
Il est ici question de charters pour une communauté de délinquants prétendus dont la culpabilité individuelle n’a fait l’objet d’aucun jugement. Bien au contraire ces prétendus justiciables ont été soustraits et non déférés à la justice, pour leurs délits présumés, par une administration usant de la procédure d’expulsion d’urgence qui ne respecte pas la législation européenne et les prive pratiquement de tout recours. Où sont donc les atteintes aux biens et les fraudes reprochées, constatées et établies par la justice pénale qui motiveraient les mesures d’urgence prises ? Nulle part !
En plus, la circulaire du ministère de l’intérieur en date du 5 août 2010 cible les Roms. Une telle circulaire est contraire non seulement au Traité de Lisbonne, à la Constitution, à la loi Gayssot de juillet 1990, mais aussi au code régissant le séjour des étrangers et à l’article 21 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union en discriminant les Roms, charte dont l’alinéa 1 de l’article 19 dispose : 1. Les expulsions collectives sont interdites. Du 24 juin, où est éditée la première circulaire, au 22 septembre 2010, moins de 3 mois se sont écoulés. Il convient alors aux représentants de l’autorité de démontrer, par la production du procès verbal, visé par l’interessé, d’un premier contrôle au juge administratif saisi d’un recours contre l’arrêté d’expulsion, que les Roms expulsés séjournaient depuis plus de 3 mois ou qu’ils ne disposaient d’aucune pièce d’identité valide (motif non reconnu si la péremption est inférieure à 3 mois) ou qu’ils constituaient une menace pour l’ordre public et ont bénéficié du délai minimum d’un mois pour quitter le territoire selon l’article 30 de la directive européenne 2004/38/CE et le paragraphe I de l’article L511.1 du CESEDA. Non content le paragraphe 2 de l’article 27 de cette directive précise : « L’existence de condamnations pénales antérieures ne peut à elle seule motiver de telles mesures. » En supplément l’application de la limite de 3 mois pour faire un « irrégulier » d’un ressortissant de l’Union que l’on empêche par l’inobservation de la loi de chercher du travail n’est pas conforme au droit de l’Union.
Sarkozy, Besson, Lellouche, Hortefeux, Fillon et Alliot-Marie présents à la « Spéciale Roms » de l’Elysée le 28 juillet 2010 ont enfin promis de se soumettre à la loi. Madame Reding est soulagée et satisfaite. Bienvenue les Roms !