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Union Européenne et Conseil de l’Europe rivaux ? Doublons coûteux

Au centre le Palais de l’Europe, sur la droite la Cour Européenne des Droits de l’Homme, à gauche une partie du Parlement Européen à STRASBOURG

Chacun d’entre nous, n’est que la plus minuscule des poupées russes qui s’emboitent les unes dans les autres jusqu’à l’ultime niveau planétaire. Mme Michu et Mr Martin ne sont-ils pas de Versailles(1), des Yvelines ( ?), de l’Ile de France( ?), de France, membre de l’Euroland ( 17), de l’Union Européenne( 27), du Conseil de l’Europe(47), de l’OSCE (56),de l’OCDE( 36), de l’ONU ( 192 +) et j’en oublie dans cette vue en abysses.* Heureusement n’en avons nous pas une trop prégnante perception ! « 800 millions d’Européens et moi et moi et moi » en parodiant la chanson de Dutronc/Lanzmann

Eh oui, à quoi çà sert tout çà ?

 Ici, dans l’actualité, dans le cas du Conseil de l’Europe (COE), c’est la question qu’a posée le premier ministre Monsieur Fillon à un sénateur, spécialiste de ces sujets, M. Denis Badré.

Ce dernier qui est également membre de l’Assemblée Parlementaire( APCE), un des organes les plus importants du COE, ce qui lui confère autorité et crédibilité, a rendu en mars 2011 un rapport de 147pages, une synthèse fort éclairante et même un bel outil pédagogique bien que parfois justement critique. Bon nombre de nos dirigeants feront bien de s’en imprégner et dès lors adopter une attitude plus convaincante pour la construction européenne dont ils se prétendent ardents partisans.

Un doublon à plus de 20 millions d’euros par an.

On sait ou on apprendra que le Conseil de l’Europe a été institué par le traité de Londres le 4 mai 1949 et que « La Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales » a été signée à Rome, six mois plus tard. Dans cet intitulé est signifiée la mission « humaniste » qu’il se donne.

Parallèlement, deux ans plus tard, naît une organisation supranationale, la première, qui ne se fixe en premier lieu qu’ une mission économique, la CECA (Communauté économique du Charbon et de l’Acier)mais qui porte tout de même en elle les germes de la future Union Européenne ( UE) qui y ajoutera une ambition politique.

En dépit de la confusion extraordinairement entretenue par les termes utilisés ( on notera au passage que le Conseil Européen organe chapeautant l’UE et le Conseil de l’Europe n’ont rien de commun), voilà donc aujourd’hui deux Institutions bien distinctes sur le fond comme sur la forme. Les budgets respectifs en témoignent : pour l’UE 241 milliards d’euros contre 217 millions pour le COE. Les missions ne sont pas les mêmes certes, raison de plus pour en délimiter clairement les contours.

Mais, pas plus que les individus, les groupes ou associations humaines, si bien constituées soient-elles, n’échappent à la tentation de l’hybris, cette démesure que les Grecs anciens considéraient comme une faute grave (Socrate condamnant Alcibiade par la voix de Platon). Toujours plus d’influence, plus d’attributions, plus de pouvoirs !

Ainsi, feignant d’ignorer la compétence, l’expérience, la mission même du COE, l’Union a-t-elle créé en 2007 une « Agence des droits fondamentaux », dotée d’un budget de plus de 20 millions d’euros en 2010 (prévision de 22 millions pour 2012) dont plus de la moitié en dépenses de personnel, soit 78 agents en 2010. Comptez svp !

Tout cela aux mêmes fins que celles qui sont imparties à ce qu’il est désormais convenu d’appeler le « cœur de métier » du Conseil, i.e Démocratie, Droits de l’Homme et Etat de droit.

 Le député européen André Lamassoure dont les engagements européens ne peuvent être mis en cause, a qualifié cette opération de « gaspillage », ajoutons y scandaleux en période de crise.

Pire : ignorant sa propre agence, confortablement installée à Vienne et ses prérogatives, l’UE entretient également à Vilnius un Institut européen pour l’égalité entre les hommes et les femmes, à raison de 52,5 millions d’euros pour la période 2007-2013. Louable préoccupation si ce n’est que tout ce qui peut s’y accomplir, pourrait l’être par le Conseil dont les Etats de l’Union sont forcément membres. Gaspillage encore !

Qu’en pensent les philistins nord-européens, épiciers de mauvaise foi, qui dénoncent les navettes du Parlement Européen entre Bruxelles et Strasbourg ? Les défenseurs du siège de Strasbourg ne manqueront pas d’en prendre note.

Ajoutons que l’UE est sur la voie de l’adhésion, en tant qu’entité politique, à la Convention Européenne des droits de l’Homme, adhésion prévue par le traité de Lisbonne. On imagine la complexité du système seulement suggérée ici .

Le Conseil de l’Europe, seule organisation paneuropéenne.

Un peu d’arithmétique : 47(COE)-27( UE)= 20. En effet, il reste 20 Etats européens non membres de l’UE sans compter la Biélorussie et le Kosowo dont l’adhésion au Conseil pose encore des problèmes. Ah, la « Maison Commune d’Europe » selon la formule de Gorbatchev dans un discours historique prononcé à Strasbourg au Palais du Conseil de l’Europe précisément ! Rêve évanoui ?

 Sa lente et difficile réalisation peut être encore compromise par la tentation hégémonique de l’UE dont on attend autre chose, du moins le vulgum pecus, qui n’est attentif qu’à ce qui lui parvient par les gouvernements nationaux, la presse étant souvent peu présente sur des questions aussi peu « glamour ». Et on sait que dans la communication officielle des politiciens nationaux, l’Europe a toujours bon dos. On se « défosse » allègrement alors que des questions urgentes, impérieuses, requièrent une attitude de solidarité communautaire ( la crise grecque par exemple) et non des accommodements intergouvernementaux, à la petite semaine. Un retour donc à la conception des « pères fondateurs », dépassant les dangereux nationalismes électoralistes. Vaste travail aussi pour rétablir des vérités attrayantes dans l’opinion publique !

De son côté, sous l’impulsion de son secrétaire général, M.Jagland, ancien premier ministre de Norvège, le Conseil a entrepris une réforme, pour demeurer l’irremplaçable référence dans ses domaines d’activités (Démocratie, Droits de l’Homme et Etat de droit). Compte tenu des problèmes budgétaires et du souci d’une plus grande efficacité et de visibilité face à l’Union dont elle reste un complément indispensable, on procédera d’abord à une réduction des missions trop nombreuses et trop diluées. Elles seront recentrées sur « le cœur de métier » évoqué plus haut, reléguant au second plan des questions comme le sport, l’agriculture , la santé, la cohésion sociale... De 130 programmes, on passerait à une quarantaine.

Mais dans cette perspective, il ne faudrait surtout pas oublier le rôle informel que joue l’Institution par les rencontres qu’elle favorise entre ministres, parlementaires nationaux, experts, à Strasbourg. Si le COE a longtemps été considéré, à juste titre d’ailleurs, comme l’antichambre de l’UE, ce qu’il demeure vraisemblablement, il est un lieu d’échanges incomparable entre les 47 pays parmi lesquels les 20 non membres de l’UE peuvent s’exprimer. Ce sont ces derniers qui y montrent le plus grand intérêt pour les travaux par leur assiduité et leur participation active. Loin d’être désabusés comme souvent leurs collègues plus anciens, leurs représentants en sont heureux et fiers . Strasbourg « meeting point » de tous les Européens et peut-être un jour siège d’un forum mondial des Droits de l’Homme. Le projet est entrain de sortir des cartons.

Selon le rapport du sénateur Badré, la France malgré une contribution pécuniaire substantielle, soit plus de 40 millions d’euros en 2010 (13% du budget), ne montrerait pas un engouement visible à la mesure de cet engagement.

Peut-être est-elle rancunière ? Mais non, même s’ il arrive en effet, à la patrie des Droits de l’Homme et si prompte à donner des leçons, d’être condamnée par La Cour Européenne des Droits de l’Homme, dite Cour de Strasbourg, l’Institution la plus connue des Européens.

« J’irai jusqu’à Strasbourg s’il le faut » entend-on souvent dans la bouche de justiciables déçus par la Justice de leur pays. Et il en est des mille et des cents, à en juger par l’engorgement de la Cour !

Les deux INSTITUTIONS EUROPÉENNES ont du pain sur la planche : pour l’Union, il s’agit de poursuivre la marche interrompue vers une Europe politique plus solidaire et juste surtout dans ses attributions originelles ; pour le Conseil, il s’agit de poursuivre son action d’instauration, de consolidation et de surveillance pointilleuse de la Démocratie, du respect des Droits de l’Homme et de l’Etat de Droit.

Antoine Spohr ( article paru sur Mediapart)

* :Le FMI ne peut être oublié dans ces réseaux complexes d’appartenance, mais il n’a jamais été omniprésent comme il l’est aujourd’hui, à travers l’anecdote certes dramatique qui secoue l’opinion au premier degré et, en France, par la candidature d’une Française. Nous avons déjà eu un patron du FMI français, efficace et discret. Qui ?


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8 réactions à cet article    


  • Jean d'Hôtaux Jean d’Hôtaux 15 juin 2011 21:44

    Excellent article !

    Trop nombreux ceux qui en effet confondent encore les deux institutions.


    • cbarasch 15 juin 2011 22:43

      si on confond en effet les deux institutions, c’est bien parce que le bel effort de clarification institutionnelle que propose cet article n’est pas souvent présent ! bravo : sus aux doublons !

      courage, fuyons les replis frileux, soulignons les contradictions et faisons la chasse au gaspi en traquant les abus  : pour que l’Europe ne meure pas de la paralysante lourdeur de ses trop dispendieux fastes de fonctionnement...


      • Furax Furax 16 juin 2011 11:38

        Toutes les institutions européennes sont coûteuses inutiles et liberticides.



        • A. Spohr A. Spohr 16 juin 2011 12:16

          le bien nommé : tout ce qui est excessif est sans effet


        • Hussein Hussein 17 juin 2011 20:15

          Moi, ce qui me rend FURAX, c’est que la construction européenne n’avance pas plus vite.

          Seront-ce mes arrières petits-enfants qui voteront au suffrage universel pour l’élection du Président de la Fédération Européenne ??

          Je me languis d’enfin payer un impôt qui serait levé directement par l’Union Européenne.

          Là, je pourrai avoir une raison de râler plutôt que d’écouter des politiciens nationaux m’expliquer que tout ce qui est mauvais vient de l’Euro ou de Bruxelles ....


          • A. Spohr A. Spohr 18 juin 2011 00:22

            Voilà une réaction intelligente. 20/20 : réflexe de vieux professeur. 

            Une remarque cependant : d’accord pour l’impôt européen direct en en retirant la part nationale actuelle et en l’équilibrant .

          • Hussein Hussein 18 juin 2011 20:06

            A M. SPOR : Bien entendu. Il ne s’agit pas de cumuler des impôts nationaux et supranationaux portant sur un même budget, sinon on retombe dans les doublons si bien décriés par M. BADRE.

            Par contre, avec un impôt européen, ça aurait de la gueule quant il faudra créer une politique industrielle commune ou renforcer notre défense civile ou militaire ... et tout ce qui va avec la confirmation d’un état-continent pouvant rivaliser avec les autres super-puissances existantes ou en devenir.

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