Union européenne : faut-il faire le pari de Tony Blair ?
Le poste à pourvoir n’est pas encore créé. Mais déjà le débat est lancé et il va s’intensifier : faut-il miser sur Tony Blair pour la future présidence du Conseil de l’Union européenne ?
Sarkozy fait davantage que miser : il soutient, veut propulser, fait campagne pour ce « grand Européen »... Pourtant, Blair n’a pas tenu sa promesse de rendre ses concitoyens moins europhobes. Et, plus que tout autre en Europe, il a pour les Etats-Unis de Bush une admiration qui le conduit à un suivisme aveugle, voire à une allégeance bien éloignée des accents gaulliens de « l’Europe européenne ».
Un « europhile », Tony Blair ? Il a effectivement tenu bien des discours dignes d’être réécoutés (devant le Parlement européen notamment quand il a assuré sa dernière présidence tournante du Conseil de l’Union). Mais son bilan européen de PM de Sa Gracieuse Majesté n’est bon que si on le compare à celui de Maggie Thatcher qui avait fait perdre temps, énergie et substance à l’Union...
Il a transmis le flambeau à Gordon Brown en lui laissant un Royaume-Uni qui veut toujours être à la fois au balcon et dans la rue, dans les gradins et sur la pelouse et qui joue au foot avec un ballon de rugby. « Opinting out » ; ici dérogations, là blocages, ailleurs... Il a plaidé pour l’euro, mais la livre anglaise est toujours là. Il a conclu des accords à Saint-Malo sur la défense européenne qui sont restés lettre morte ou presque... Londres a fêté le "non" français à la Constitution au champagne après avoir empêché les partisans d’une Europe « intégrée » de doter l’Union d’outils dignes de ses ambitions et avant d’imposer aux vrais héritiers de Monnet et de Schuman des concessions sur les symboles, sur l’Europe « sociale », sur l’europe fiscale et sur l’Europe politique...
Thatcher avait donné raison à de Gaulle : « Les Anglais vont tenter de détruire de l’intérieur ce qu’ils n’ont pas réussi à empêcher de l’extérieur ».
Blair a donné raison à Monnet : « Ne faites jamais de concessions aux Britanniques. Ils en réclameront toujours plus ». Et, surtout, à Churchill : « Entre le grand large et l’Europe, l’Angleterre choisira toujours le grand large ». Fruit de l’histoire et obsession maladive : Londres rêve toujours d’un continent privé d’unité réelle...
Autant dire que c’est sous Blair que « l’Europe à l’anglo-saxonne » s’est développée au détriment de l’Europe à l’européenne » : coopération plus qu’intégration, diversité plus qu’unité, hypercapitalisme sauvage à l’américaine plus que capitalisme rhénan, commerce plus que production, intégrisme « libéraliste » (comme disait Croce) plus que libéralisme authentique, individualisme plus que personnalisme...
Blair s’est converti au catholicisme en restant politiquement très « anglican ». Très insulaire. Et très national-mondialiste... Il ne prône un « élargissement » optimal de l’Union que pour entraîner la dissolution de ce qui a été fait et empêcher tout « renforcement »...
Dans ces conditions, pourquoi l’UMP, aux ordres de Sarkozy, le fête-t-il comme un héros européen de ce temps ? Et pourquoi le président français lui fait-il autant confiance ? SOS psychanalyse... La géopolitique doit reconnaître ses limites. De Gaulle réveille-toi ! Les nostalgiques de « l’Entente cordiale » se déshabillent devant cette Angleterre que le général voulait « toute nue ».
De fins observateurs expliquent que la France approuve cette candidature avec quelques contreparties en vue... sans contrepartie. « la France a demandé à Londres de préserver les aides avantageuses aux agriculteurs français lors des négociations à venir sur la réforme de la PAC », dit l’un. Belle promesse que ne tiendront ni les travaillistes ni les conservateurs. D’autres, comme Raffarin, tentent d’expliquer avec un art de manier paradoxes et contradictions, que « l’Europe de Blair est la nôtre ». Ah ! Bon... Et les conseillers de Sarkozy développent des arguments qui vont être mâchés comme un chewing-gum.
>>>Blair, s’il est élu, ne sera plus soumis à la pression de l’opinion publique britannique. Il pourra donc mettre en œuvre son europhilie sans obstacles.
>>> Blair est tout à fait qualifié pour un poste qui, s’il l’obtient, redorera le blason de l’Union. Blair est un négociateur hors-pair. Ce n’est pas faux. Et il a une bonne connaissance des dossiers internationaux (du Proche-Orient, notamment).
>>>Blair a une stature internationale qu’aucun de ses potentiels rivaux, Guy Verhofstadt, en premier lieu, ne peut concurrencer.
>>> Blair a le potentiel d’être « le catalyseur d’une réforme profonde de l’Union ». En apportant la culture britannique de transparence et d’efficacité. Et en jouant les conciliateurs entre les « droites » et les « gauches » européennes. Il est vrai que ce « travailliste » est plus estimé par la droite que par la gauche... En France, Hollande, non sans argument, ne voit pas en Blair l’homme « idéal » tel qu’on le voit de l’Elysée et tel qu’il bat Sarkozy à l’applaudimètre du Conseil national de l’UMP.
>>> L’arrivée de Blair devrait permettre de « huiler » les relations entre l’Union et Londres.
Tout cela mérite évidemment débat. Ce qui serait très bien c’est que la nomination de ce président de l’Union soit faite après une vraie campagne auprès des peuples européens entre plusieurs candidats qui personnifient des visions différentes du futur européen... C’est encore la période des vœux : on peut rêver...
Daniel Riot
Rappel : actuellement, la présidence du Conseil de l’Union revient à un État membre et alterne tous les six mois. Le traité de Lisbonne, s’il est ratifié, verrait la création du poste de président du Conseil, élu à la majorité qualifiée pour deux ans et demi, non seulement pour assurer la direction du Conseil, mais aussi assurer la représentation de l’Union sur les "matières relevant de la politique étrangère et de sécurité commune". Le poste reste mal défini car ses compétences sont en compétition avec celles du Haut-Représentant de l’Union ainsi qu’avec celles le Président de la Commission sur les questions de représentations.
16 réactions à cet article
Ajouter une réaction
Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page
Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.
FAIRE UN DON