Union européenne : le « chevalier inexistant » !

Le président turc, Recep Tayyip Erdogan, n'a pas caché sa satisfaction du résultat du Sommet de l’Union européenne, affirmant que les pays qui ont un bon sens n’ont pas permis les machinations contre la Turquie. Il a également réitéré la demande de dialogue et de partage du gaz naturel dans la zone économique exclusive (ZEE) de la République de Chypre, qui selon lui est la source de tensions.
Comment cela pourrait-il en être autrement ?
Après des mois des tergiversations, la position allemande a encore prévalu lors du Sommet de l’Union les 10 et 11 décembre 2020 : surtout pas de sanctions sérieuses contre la Turquie, pilier de l’OTAN (?), partenaire économique et acheteur à tout va d’armes et de la technologie militaire allemandes, espagnoles, italiennes, etc, etc…
La Grèce, Chypre, la France, peuvent courir ; rien ne se passera qui contrarie la marche de bonnes affaires !
Même si le texte des Conclusions concernant la Turquie est un peu long, il vaut la peine d’être lu car il démontre (mais est-ce qu’il en était encore besoin ?) le double langage de l’Union européenne, nain politique et avaleur de couleuvres à l’expertise incontestable.
Ci-après le texte en question (après le texte suit une analyse détaillée) :
Réunion du Conseil européen (10 et 11 décembre 2020) - Conclusions (Bruxelles, 11 décembre 2020)
« Méditerranée orientale
30. Le Conseil européen est revenu sur ses conclusions des 1er et 2 octobre 2020 en ce qui concerne les relations de l'Union européenne avec la Turquie, compte tenu de la situation en Méditerranée orientale. Malheureusement, la Turquie s'est livrée à des actions unilatérales et à des provocations et a durci ses propos à l'encontre de l'UE, des États membres de l'UE et des dirigeants européens. Les activités unilatérales et provocatrices de la Turquie en Méditerranée orientale se poursuivent, y compris dans la zone économique exclusive de Chypre. Le Conseil européen prend acte du retrait par la Turquie du navire Oruç Reis et demande avec insistance une désescalade durable de manière à ce que les pourparlers exploratoires directs entre la Grèce et la Turquie puissent reprendre rapidement et se poursuivre sans heurts.
31. Le Conseil européen réaffirme qu'il est dans l'intérêt stratégique de l'UE de développer avec la Turquie une relation de coopération mutuellement avantageuse. La proposition d'un programme constructif entre l'UE et la Turquie reste valable, pour autant que la Turquie se montre disposée à promouvoir un véritable partenariat avec l'Union et ses États membres et à régler les divergences par le dialogue et dans le respect du droit international. Un tel programme pourrait porter sur les domaines de l'économie et des échanges commerciaux, les contacts entre les personnes, les dialogues à haut niveau et la poursuite de la coopération sur les questions de migration. Le Conseil européen insiste sur l'importance de maintenir ouverts les canaux de communication entre l'UE et la Turquie. L'UE sera également disposée à continuer de fournir une aide financière aux réfugiés syriens et aux communautés d'accueil en Turquie et à coopérer dans le domaine de la gestion responsable des flu x migratoires vers l'ensemble des États membres et de l'intensification des efforts dans la lutte contre les réseaux de passeurs.
32. Rappelant les conclusions du Conseil européen des 1er et 2 octobre 2020, l'UE reste déterminée à défendre ses intérêts et ceux de ses États membres ainsi qu'à préserver la stabilité régionale. À cet égard, le Conseil européen :
–invite le Conseil à adopter de nouvelles inscriptions sur la base de sa décision du 11 novembre 2019 concernant des mesures restrictives en raison des activités de forage non autorisées menées par la Turquie en Méditerranée orientale ;
–invite le Haut représentant et la Commission à présenter un rapport sur l'état des lieux en ce qui concerne les relations politiques, économiques et commerciales entre l'UE et la Turquie, et sur les instruments et options quant à la marche à suivre, y compris en ce qui concerne l'extension du champ d'application de la décision susmentionnée, pour examen au plus tard lors du Conseil européen de mars 2021.
33. Le Conseil européen condamne les mesures unilatérales prises par la Turquie à Varosha et appelle à respecter pleinement les résolutions 550 et 789 du Conseil de sécurité des Nations unies. Le Conseil européen est favorable à la reprise rapide des négociations, sous les auspices des Nations unies, et demeure pleinement attaché à un règlement global de la question chypriote dans le cadre des Nations unies et conformément aux résolutions pertinentes du Conseil de sécurité de l'ONU, ainsi que dans le respect des principes sur lesquels l'UE est fondée. Il en attend de même de la part de la Turquie. Le Conseil européen convient que, dès que les négociations auront repris sous l'égide du Secrétaire général des Nations unies, l'UE nommera un représentant auprès de la mission de bons offices des Nations unies.
34. Le Conseil européen invite le Haut représentant à faire progresser la proposition de conférence multilatérale sur la Méditerranée orientale.
35. L'UE s'efforcera d'agir en coordination avec les États-Unis sur les questions ayant trait à la Turquie et à la situation en Méditerranée orientale. »
A force d’élever la voix et de tancer la Turquie, les 27 n’ont plus de voix, ils ne sont plus audibles ! Et la Turquie se fait toute petite et a peur !
D’ailleurs, l’introduction de ce papier le montre : Erdogan pavane et dit que les Européens se sont montrés raisonnables ! Un comble ! Encore un !
Aux yeux de l’islamo-fasciste d’Ankara, ses agissements en Méditerranée orientale avec l’invasion permanente des zones économiques exclusives de Chypre et de la Grèce, le chantage aux migrants, la participation aux nouveaux massacres des Arméniens d’Artsakh (Haut-Karabagh), l’occupation continue de Chypre, l’occupation d’une partie de la Libye et d’une partie de la Syrie, etc, méritent une approche « raisonnable » de la part des Européens qui comprennent (et donc acceptent) les agissements turcs. Dans ce cas, pourquoi voulez-vous qu’il arrête ? Il n’a aucune raison de le faire…
Cependant, juste pour la forme et pour satisfaire ses amis dans l’Union européenne qui doivent paraitre sévères à l’égard de la Turquie et intransigeants sur les droits de l’homme et les libertés fondamentales, la Turquie a fait un geste fort. Car ces « amis » ont besoin de justifications. Alors, le ministère turc des Affaires étrangères a, aussitôt les conclusions adoptées, publié un communiqué condamnant la décision des 27 et la jugeant inéquitable !
Voilà ce que déclare le ministère des Affaires étrangères de la Turquie (MFA-11.12.20), sur son site Web officiel concernant les Conclusions du sommet des dirigeants des États membres de l'UE :
« Malgré les efforts déployés par certains pays de l'UE, y compris la présidence (allemande, nda), du 1er au 2 octobre à aujourd'hui pour avoir un dialogue et des contacts avec notre pays, en raison des politiques d’intrigues menées par un ou deux pays au sein de l'Union, il n'a pas encore été possible de définir un agenda positif dans les relations Turquie-UE et l'UE n'a pas cessé de rechercher des mesures restrictives, qui n'apportent rien.
« Certains États membres, abusant de leur pouvoir de veto, de leurs attitudes injustes et de leurs revendications maximalistes, ont conduit la Turquie et l'UE dans un cercle vicieux. Cette situation est préjudiciable à la paix, à la sécurité et à la stabilité dans la région et nuit aux intérêts communs de la Turquie avec l'UE.
« En particulier, en ce qui concerne la question chypriote et les questions concernant la Méditerranée orientale, la mer Égée et les questions régionales, nous rejetons totalement leur inclusion unilatérale et illégale dans le communiqué conjoint du sommet du 10 décembre, sous la pression du veto et au nom de la solidarité. (…)
« Avec cette décision, l'UE ignore une fois de plus le peuple chypriote turc[1] qui est copropriétaire de l'île et sa volonté et l'a condamnée à imposer l'administration chypriote grecque, à l'égard du problème chypriote et de la ville fermée de Varosha[2]. L'UE doit abandonner cette position qui empêche de trouver une solution durable et juste sur l'île. (…)
« Il est dommage pour l'UE que la Grèce repousse les migrants vers la mer Égée et que Frontex soit impliqué dans ces actions. Il n'est pas possible de parler de gestion responsable des flux migratoires sans mettre un terme à ces violations et pratiques d'expulsion collective, qui sont de graves violations des droits de l'homme et sont fermement condamnées par l'opinion publique internationale. L'UE doit montrer sa sensibilité dans la gestion de l'immigration non pas à notre pays, mais à la Grèce, en particulier, dans la systématisation du traitement inhumain des demandeurs d'asile. (…) »
Sur le même sujet, Ersin Tatar, l’alter ego d’Erdogan, installé à la tête de la communauté chypriote turque par la volonté du dictateur d’Ankara a également condamné les Conclusions du Sommet.
En gros, le texte turc dit que si problème il y a, c’est à cause des Grecs, des Chypriotes et accessoirement des Français qui ne respectent pas le droit international (droit de la mer, droit d’asile). Les menaces, les insultes, l’utilisation de la force, l’instrumentalisation des migrants venant de la Turquie ? Oubliées !
Au fait, j’oubliais. L’Allemagne, la Bulgarie et un peu plus discrètement, l’Italie, Malte et la Hongrie ont insisté pour qu’il n’y ait pas de sanctions contre la Turquie…
Si l’Union européenne était à la hauteur, me direz-vous, ça se saurait. Effectivement, ça se saurait ! Et c’est dommage, car l’idée de départ était belle…
[1] La RTCN – République turque du nord de Chypre, installée par la Turquie après son invasion et l’occupation illégale de la partie nord de la République de Chypre ; la Turquie est la seule à reconnaitre ce État fantoche.
[2] Ville chypriote située dans la partie occupée de l’île et jusqu’à là fermée. Elle a été ouverte à la colonisation par Erdogan lui-même, au mépris des décisions de l’ONU demandant sa restitution à ses habitants légitimes Chypriotes grecs.
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