Valls : la France, un grand pays, qui doit être respecté par ses partenaires européens
Doit-on accepter les leçons de bonne gestion des autres pays européens sans broncher ?
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Le vendredi 10 octobre à Blois, le Premier ministre Manuel Valls a appelé nos partenaires européens, à "respecter la France" dans le cadre du débat sur le budget 2015 français qui doit être soumis à la commission européenne.
"Il faut respecter la France, c'est un grand pays. Je n'accepte pas de leçons de bonne gestion. Je demande à chacun beaucoup de sang-froid, beaucoup de respect, surtout de la part de partenaires européens" a martelé Manuel Valls.
La Commission européenne, depuis l'an dernier, dispose d'un droit de regard sur les budgets des pays en zone euro. Ce qui peut lui permettre d'exiger des changements dans leurs prévisions budgétaires si elles ne sont pas conforme aux objectifs de déficit ou bien aux recommandations économiques qui ont été adressées aux États au printemps.
Elle peut demander, si elle constate des manquements graves, au Parlement du pays concerné de lui présenter un projet de budget révisé. Pour cela, la Commisssion européenne se base sur le texte qui doit traduire les efforts du pays qui sont orientés sur le chemin de la réduction de son déficit.
A Blois, le Premier ministre a déclaré à la presse : "C'est nous qui décidons du budget. Ce que nous demandons uniquement aux Européens, c'est de tenir compte de la réalité qui s'impose malheureusement à nous : la crise qui mine la zone euro".
Le gouvernement français veut repousser à 2017, au lieu de 2015, son objectif de réduction du déficit sous la barre des 3%. Il met en avant les "circonstances exceptionnelles" pour justifier le dérapage de nos finances publiques. Or il ne semble pas bénéficier du soutien de ses partenaires européens, à part l'Italie qui mène la fronde anti-austérité en Europe.
Le 3 octobre Matteo Renzi, le chef du gouvernement italien, a déclaré : "Je crois que personne n'a le droit de traiter les autres pays comme des écoliers. Je préfère une France à 4,4% de déficit plutôt que Marine le Pen".
Lors du sommet de l'Union Européenne sur l'emploi, qui s'est ouvert ce mercredi 8 octobre à Milan, et selon le quotidien italien "Il Giornale" le chef du gouvernement italien a affirmé : "Nous respectons la règle des 3% mais nous respectons aussi les décisions d'un pays libre qui est notre ami, la France. Si c'est ce qu'elle a décidé, et je ne doute pas qu'elle ait ses raisons, je soutiens Emmanuel Macron, Manuel Valls et François Hollande (respectivement ministre de l'Economie, premier ministre et président français)". De plus il a refusé de manière ostentatoire d'organiser une conférence de presse commune avec la chancelière allemande Angela Merkel.
Si la France applique à la lettre les directives de la Commission européenne, c'est-à-dire 3% fin 2015 de déficit, et cela sous la pression de l'Allemagne, elle aurait la nécessité d'accroître d'environ 10 milliards d'euros le montant des économies. Mais selon Hélène Bauchon, économiste chez BNP Parisbas, cet effort supplémentaire se paierait d'une rechute probable en récession.
Or les efforts structurels importants réalisés ces dernières années, essentiellement sous forme d’impôts, et à venir sous forme d’économies en dépenses, dégradent la croissance et les recettes fiscales. Ce qui est gagné en effort structurel est en bonne partie perdu en solde conjoncturela souligné l'économiste Olivier Eluère.
Cependant la France qui est soi-disant "l'homme malade de l'Europe" et dont son prétendu déclin (ou "suicide", pour reprendre une expression chère à Éric Zemmour) ne sera bientôt, paraît-il, qu'un vieux souvenir ! Ce n'est pas la presse française qui écrit cela, mais c'est la presse britannique celle de nos ""meilleurs ennemis" !
Selon" The Daily Telegraph", la France sera économiquement plus forte que l'Allemagne dans une décennie. Début octobre on pouvait lire dans le quotidien britannique : "La France peut passer pour l'homme malade de l'Europe, mais les malheurs de l’Allemagne sont plus profonds, enracinés dans le dogme mercantile, la glorification de l’épargne pour son propre compte et la psychologie corrosive du vieillissement".
Le rédacteur en chef des pages économiques du journal allemand "Die Welt", Olaf Gersemann, affirme que le "Wirtschaftswunder" (ou "miracle économique"), qui a posé les fondements de l’actuel modèle social est "monté à la tête" des allemands. Dans son livre intitulé "The Germany Bubble," il écrit que l’Allemagne ne peut plus axer le développement de son économie nationale uniquement sur le commerce extérieur comme le conseillaient les théoriciens du mercantilisme.
"L'Allemagne se proclame modèle du monde, mais l'orgueil précède la chute", note-t-il. Le pays, toujours selon lui, a pris un ensemble de circonstances exceptionnelles pour une ascendance permanente. Terrible erreur car celles-ci vont bientôt disparaître, voire s'inverser.
Le journal londonien The Dayly Telegraph s'appuie sur des spécialistes allemands. Notamment Marcel Fratzscher, directeur de l’Institut allemand pour la recherche économique, qui dans son dernier livre "Die Deutschland-Illusion" (dont il est inutile de traduire le titre selon le quotidien britannique) dresse une critique acerbe du fétichisme fiscal du ministre des Finances allemand, Wolfgang Schäuble, qui a inscrit dans la Constitution sous la forme d'une loi d'équilibre budgétaire à laquelle il est pratiquement impossible de déroger.
Pour lui, comme pour d'autres, la croissance de l'Allemagne en baisse de 0,2 %, au deuxième trimestre (après + 0,7 % au premier) n'était pas un accident de parcours, mais une entrée dans le déclin économique qui guette la première puissance européenne.
Aujourd'hui l'Allemagne est désendettée à la suite de réformes structurelles de l'ex-chancelier Gerhard Schrôder qui a ramené le taux de chômage à 4,9% et assoupli le marché du travail. Mais au prix d'une importante précarisation de l'emploi, 20% des actifs allemands vivent d'emplois précaires.
L'allemage a bénéficié, au moment de ses réformes, de la dynamique de croissance du marché mondial et aussi d'une classe européenne aisée séduite par le made in Germany. Mais actuellement elle fait face à la concurrence de la Chine et de la Corée du Sud sur son marché de prédilection : les biens d'équipement.
De plus ses investissemnts publics comme privés sont trop faibles, malgré les injonctions du FMI, que Angela Merkel à très mal pris ! Les projets d'énergie renouvelables ont pris du retard et l'arrêt des centrales nucléaires ont entraîné la réouverture de centrales thermiques au charbon, ce qui n'est pas bon pour le planète !
Sa faible fécondité : 1,39 enfant par femme (2,08en France) met en péril leur système social.
Alors cette Allemagne donneuse de leçon aux autres pays européens peut-elle se permettre de regarder si peu vers l'avenir ?
Oui, la France est un grand pays n'en déplaise au french bashing, cette tendance très actuelle chez certains responsables politiques et intellectuels à critiquer la France, et elle n'a à recevoir aucune leçon de bonne gestion des pays européens !
Sources : Reuters France, Reuters France, Le Point, The Daily Telegraph, Courrier International,
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