Au Conseil général des Hauts-de-Seine, l’éternel colbertisme français prospère
Le libéralisme consiste à privilégier l’initiative privée et à se méfier des offres d’initiative publique car elles interfèrent forcément sur le marché. Le Conseil général des Hauts-de-Seine a décidé de donner 70 millions d’euros à une entreprise qui créera pour son compte une infrastructure publique de communications électroniques. Cette initiative n’est pas la rupture annoncée avec la dépense publique mais l’extension de la tradition colbertiste à l’économie numérique.
1. La première raison invoquée par le Conseil général pour justifier la création d’un réseau public de très haut débit est la compétition existante entre la Défense et Séoul, Milan et Stockholm pour capter des entreprises.
Dans la pensée libérale, l’expression du besoin vient du marché et non de l’appréciation par des acteurs publics chargés de l’intérêt général. On peut effectivement douter du diagnostic du Conseil général. Les entreprises des quartiers d’affaires de Londres, Bruxelles ou de Genève se satisfont des offres d’opérateurs privés et les entreprises de la Défense ne se plaignent pas d’une insuffisante concurrence entre opérateurs de communications électroniques. De plus, quelle entreprise hésite entre Paris et Séoul pour s’installer ?
2 La deuxième raison invoquée pour donner une subvention de 70 millions d’euros à une entreprise est d’éviter de revoir France Télécom en situation de monopole avec son futur réseau de fibres optiques.
L’approche libérale consisterait à faire confiance à l’autorité de régulation des télécommunications qui est conçue pour prévenir et corriger les positions dominantes. L’ARCEP cherche aujourd’hui à organiser les conditions de location du futur réseau optique de France Télécom ou de Free ?
Le Conseil général préfère choisir l’opérateur monopolistique de son département. Cet opérateur pertubera le marché. Il n’aura pas à rémunérer le capital immobilisé. La subvention lui permettra de prendre des parts de marché. Il sera protégé de la régulation qui n’est pas compétente pour les conflits entre opérateurs et collectivités locales. Préférer les défauts du monopole public et douter de la régulation n’est en rien libéral.
3. L’utilité économique du réseau du cCnseil général des Hauts-de-Seine est une gageure. Le Conseil général du Rhône a donné 75 millions d’euros à UPC pour créer un réseau de fibre optique desservant les écoles et les mairies. Résultat, UPC fait dans le département plus de pertes que de chiffres d’affaires. A Pau, 35 millions d’euros ont été dépensés pour 2500 clients. Une approche libérale serait vigilante comme si la subvention était, pour chaque élu et chaque fonctionnaire associé à la décision, son épargne individuelle. Or, l’assemblée départementale n’a jamais débattu du risque de fiasco.
Patrick Devedjian, vice-président du Conseil général et contempteur de la pensée économique libérale, s’est un temps opposé à ce projet puis y a renoncé. Seuls, les socialistes du Conseil général s ’opposent au projet de réseau public en pointant aussi le préjudice de marché que subira une autre infrastructure publique préexistante.
Dans les Hauts-de-Seine, avec la manne fiscale, l’éternel colbertisme français prospère.
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