Bourges : un printemps de samba lyonnaise !
Samedi 19 avril 2008, il est 17 h 30. Le printemps commence tout juste et le festival se termine déjà à Bourges où le soleil redonne enfin le sourire. Arrivés la veille de Lyon, dont ils sont tous les seize originaires, les Batoukailleurs entament leur tournée rue Victor-Hugo, au pied de la cathédrale.
Armés de leurs mailloches et de leurs grosses caisses (2 contras, 3 contadors et 1 surdo), de leurs shakers et de leurs tambourins, les “artisans percuteurs” de la joyeuse troupe prennent place. Vêtus de noir, rubans rouges en bandeau sur le front, autour de la taille ou des poignets. Les filles s’enfilent des boules Quiès dans les oreilles. Les morceaux s’enchaînent. Avec un rayon d’action sonore de 500 mètres, la petite troupe attire rapidement l’attention.
En dix minutes une foule assez dense les encercle déjà. Parmi les curieux, les jeunes sont assez nombreux.
Le prix d’entrée dans les salles de concert, 30 à 40 euros pour deux
heures spectacle, est plutôt dissuasif pour eux. Lunettes de soleil
dans les cheveux, une bière à la main, Gaetan s’est installé avec
quatre amis sur une pelouse, à quelques mètres à peine du show. Venu de
Clermont-Ferrand, à 26 ans, l’étudiant est aux anges : “Sérieusement, j’aime beaucoup et pourtant je ne suis pas un gros fan de
musique latine ! Cela change de ce qu’on a pu voir ici. Ils sont bons
et très bien coordonnés”. Arrivés la veille, ces quatre potes se croient à Rio.
Petit à petit, la petite troupe lyonnaise joue davantage avec son public. Les barrières de la timidité tombent. Grands et petits reprennent en tapant dans leurs mains, de plus en plus vite. La cinquantaine, venue de Bengy-sur-Craon dans le Cher, Marcelle bat la mesure en tapant le sol du pied : “Cela change de la guitare et des synthés et puis cela me rappelle ma jeunesse, c’est trop bon !”, confie-t-elle, tout en tenant la main de son petit-fils.
Un peu plus loin, où le sol tremble sous l’effet des percus,
Sandra et Guillaume, venus de Nevers, se dressent sur la pointe des
pieds au milieu d’une forêt d’appareils photos pour apercevoir un peu
le spectacle. La trentaine, les bras chargés de fringues achetés par Madame dans les boutiques de la rue du Commerce, ils sont là depuis
quinze minutes : “Cela fait penser au soleil ! J’ai vraiment l’impression d’avoir pris l’avion et d’être à des milliers de kilomètres d’ici”,
s’enthousiasme le jeune époux. A leur gauche, tandis que les Batoukailleurs continuent à enflammer la petite place, Marie-Noëlle et
Monique exultent. A la retraite, installées dans le quartier depuis une
trentaine d’années, les deux amies dansent carrément : “C’est rafraîchissant, rythmé et sans prétention. On se croit à un carnaval au Brésil. On adore !”
Assis aux coude-à-coude par terre, leurs chiens en laisse, leurs
treillis retroussés en haut des cuisses laissant apparaître de longues
chaussettes multicolores, un groupe de jeunes Parisiens savoure le
spectacle en sirotant une bière. Une petite odeur de pétard chatouille
les narines.
La représentation tourne parfois au spectacle de mime. Au signal, chacun se met à courir, en portant ses instruments à bout de bras. Un bruit de tambour plus tard, tout le monde se fige quelques secondes. Puis tous les percussionnistes se remettent en branle de plus belle...
Trente-cinq minutes passent. En sueur, Claire quitte momentanément ses amis
musiciens. Sortie de la mêlée batoukaillesque, elle s’approche du
public, son tambourin à la main et entame une petite quête : “On
vient de Lyon pour la première fois, exprès pour le Printemps de
Bourges et, en plus, on a fait un effort sur les costumes. Allez soyez
sympa, une petite pièce !” De
son côté, accroupi ou allongé, suspendu ici ou là, armé de sa caméra
numérique, Rémi ne rate pas une miette du spectacle. Bientôt 30
ans, casquette noire sur le crâne, cet ancien journaliste sera chargé
dès son retour à Lyon, dimanche soir, d’alimenter le site internet de
la troupe. Avec une nouvelle vidéo l’association, créée en 2002, espère
bien attirer de nouveaux talents.
18 h 15, c’est la pause ! Les badauds applaudissent et filent vite
rejoindre un peu plus loin, au pied de l’Office de tourisme, un clown
qui propose une série de mimes sur des musiques assez mélancoliques de
Yann Tiersen. Autre ambiance. Le soleil se couche, doucement. Flora,
Odile, Pierre, Rémi, Céline, Jean-Baptiste, Marion et les autres
soufflent. Ils se ruent sur leurs sacs à dos et en sortent une
bouteille d’eau ou un jus de fruit. Yves, le président de
l’association, un grand gaillard, moustachu avec une tignasse gris
clair assez dense, quelques perles de sueurs sur le front, l’œil qui
brille, présente son association : “Aujourd’hui nous ne sommes que seize mais, à Lyon, on est habituellement trente ou quarante. Des enseignants, des graphistes, des ingénieurs...
Chaque année, on fait un petit déplacement ou deux en minibus. Là, il
se trouve qu’une nouvelle parmi nous avait une maison dans le coin, à
Saint-Doulchard, donc on en a profité !” Quel est le programme ici à Bourges ? “On est venus ici pour passer un bon moment et donner du plaisir aux gens. Ce week-end on va déambuler dans les rues et dans les bars, au hasard des jolies filles croisées !”, s’amuse-t-il.
18 h 30, quelques gorgées de pamplemousse plus loin, en descendant la rue Moyenne, le groupe des Batoukailleurs se reforme. Le doigt pointé vers le ciel, petit papillon rouge en guise de broche accroché à son tee-shirt, son répénik accroché à son baudrier, Pierre donne le top départ. Le chef d’orchestre, c’est lui ! A nouveau, le son puissant des percussions lyonnaises rythme Bourges. En queue de cortège, la troupe est petit à petit rejointe par des dizaines d’anonymes. Eric est de ceux-là. Bientôt la quarantaine, ce Lyonnais d’origine libanaise, dont la grand-mère était Brésilienne, apprécie particulièrement les airs entraînants de batucada qu’interprète le groupe : “Je les avais déjà vus sur Lyon en concert et j’adore, cela me donne vraiment la pêche !” De son côté, son sifflet rouge à la bouche, Pierre continue de battre la mesure au groupe.
La troupe progresse, se fondant difficilement à travers la foule qui s’agglutine autour d’eux sur le pavé de la chaussée. Les visages médusés d’enfants de 3 ou 4 ans, perchés sur les épaules de leur papa, dépassent ici et là au-dessus de la foule. De passage, l’équipe de France 3 Centre sort même sa caméra. Partout les yeux pétillent. Originaires du Congo démocratique, Françoise et ses trois jeunes gamins, tous bien calés dans une maxi-poussette, ne peuvent plus avancer. Légèrement en retrait, accompagnée de sa sœur, elle aussi la trentaine, Françoise se met donc à danser en attendant. Sourire jusqu’aux oreilles, elle explique : “Le rythme est bien. Nous, en Afrique, on aime bien quand ça bouge comme ça !”
Au sein du groupe des Batoukailleurs, on s’encourage aussi. Les seize avancent puis reculent, se baissent et se redressent, frappant allègrement leurs caisses. Tandis que des passants, déjà un peu éméchés, scandent en chœur des “Resistencia !”, eux répondent en écho des “Avivalavivaaaa !” Doucement le cortège progresse, obligeant les autres artistes de rue à interrompre parfois leurs mélodies. Devant le café Sancerre, quelques policiers sont apparemment tendus. Peu importe, l’ambiance est à la fête et semble ne pas devoir se terminer de sitôt.
Nous quittons le groupe vers 19 h 30. Le Printemps de Bourges continue. Le soir, tous les seize doivent se rendre vers 21 heures à proximité d’une salle de concert, le Phénix, où plusieurs groupes de techno sont programmés. Histoire de faire découvrir aux amateurs de nouvelles musiques électroniques d’autres sons, pour faire entendre leur son : un mix entre la musique brésilienne et leurs racines lyonnaises.
Infos pratiques : cotisation de 100 euros, “une fois par semaine dans une ambiance que nous envient les Brésiliens” indique leur site internet (batoukailleurs.free.fr ) et en musique sur : http://www.gourgui.org/artsdelarue/index.html
Un reportage à Bourges de Mathieu Duchesne. Photos : Rémi & Maxime B. (X-Stiile)
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