Chronique polynésienne, la claque de Gaston « Iti » à Gaston « Nui »
Ce dimanche a eu lieu en Polynésie française le deuxième tour des élections territoriales, avec un résultat étonnant. Vu de métropole, avec le peu d’informations qui sont diffusées et le miroir déformant de la presse, il n’est pas facile de se faire une opinion de la situation politique de la Polynésie française. La victoire du nouveau parti de Gaston Tong Sang, créé il y deux mois, est le résultat de quatre années de gesticulations politiciennes, qui auraient pu faire le bonheur des Guignols, si ce petit coin de Pacifique les avait intéressés.
Pour comprendre ce résultat, revenons en arrière, avec vingt ans de gouvernance de Gaston Flosse et du Tahoeraa, jusqu’à l’élection en 2004 de Oscar Temaru.
Il faut admettre que Gaston Flosse
était un très grand travailleur, toujours sur le
terrain, très réactif, il connaissait et signait tous
les dossiers, rien ne se faisait en PF sans passer par son parapheur.
Et toutefois relativiser. La
Polynésie française est un grand pays par la
superficie, 5 millions de km² pour la ZEE1
à peu de chose près la taille de l’Europe, composée
de 118 îles qui ne représentent que 3 500 km²,
l’ensemble peuplé de 259 800 habitants (au 01/01/2007), soit
une ville moyenne de province.
Le travail fourni par ce personnage est impressionnant, mais juger le résultat du développement économique de ce « pays » sous perfusion n’est pas mon propos.
Pour réussir ce travail, Gaston
Flosse a usé et abusé de ses relations. Le clientélisme
et le copinage ont fait rage, tel cet homme d’affaire local qui
revend au territoire pour 850 millions de CFP (7 123 104 €) un
atoll acheté dix ans auparavant 32 millions de CFP (268 163 €).
En 2004, il fait modifier le statut du
territoire, et le mode de scrutin des élections territoriales,
en instaurant une prime majoritaire outrageuse de 30 %, ce qui lui
vaut de perdre la majorité pour 400 voix, au profit de
l’opposition rassemblée, pour une fois, sous une bannière
commune l’UPLD.
Oscar Temaru parvient donc ainsi à
la présidence.
Et après vingt années de
népotisme flossien, voici venu le temps de la valse des motions
de censure et du flottement politique. L’UPLD déçoit
par son incapacité à tenir une gouvernance cohérente.
Un gouvernement composé de personnalités qui ne
connaissent pas grand-chose de la gestion du territoire, mais très
bien la gestion de leurs intérêts, et reproduisent les
excès reprochés précédemment à
Gaston Flosse.
Une annulation partielle d’élection
par-ci, fait revenir Gaston Flosse pour quelques mois. De nouvelles
élections (partielles) par-là confirment les
précédentes, mais donnent à l’UPLD une majorité
d’une voix. Et nous assistons à un spectacle de grand Guignol,
dans lequel les représentants de l’assemblée
territoriale vont et viennent chez Oscar ou Gaston, en fonction de
promesses de subventions, de ministères ou de menace de motion
de censure.
L’absentéisme d’Oscar, qui laisse son vice-président « tenir la maison », et va se promener tranquillement où bon lui semble, ses gesticulations aux forums du pacifique pour justifier ses idéaux indépendantistes, et ses critiques incessantes envers l’Etat français grand pourvoyeur de fonds, lassent la population.
Tout ceci amène à une
motion de censure en décembre 2006 qui défait ce
gouvernement, et Gaston Flosse sous la pression laisse la place de président à son second dauphin Gaston « Iti2 »
Tong Sang, maire de Bora Bora.
Gaston « Iti » au contraire de Gaston « Nui3 » est un homme plutôt tranquille, sa gestion de Bora Bora peut porter à discussion, mais dans l’ensemble il représente assez bien la voie paisible et raisonnée que peuvent attendre les Polynésiens. Tout semble aller pour le mieux dans ce petit coin de Pacifique, malgré une majorité d’une seule voix.
Hélas, c’est oublier Gaston
« Nui » dont les ambitions sont demeurées
intactes. Au cours d’une motion de censure, il prête quelques
voix à Oscar pour faire chuter le gouvernement de Gaston
« Iti », au mois d’août 2007. Du jamais
vu, deux vieux adversaires de plus de trente ans qui s’entendent le temps
d’un vote, uniquement pour couler un président mis en place
par l’un d’eux, et qui commençait à probablement à
faire de l’ombre.
Gaston « Iti » quitte le Tahoeraa, crée un nouveau parti, le To Tatou Ai’a, entraîne avec lui les autonomistes modérés avec quelques lieutenants de Gaston « Nui » lassés et certainement visionnaires.
Pour quelle raison « Nui » s’est-il fâché avec « Iti » ?
Nul ne le saura, mais tout à coup celui-ci était devenu une réincarnation du diable. Et, dans un sens, il n’avait pas tort car son résultat lors de ces élections (dix sièges) et la défection de certains fidèles qui le quittent sonnent le glas du pouvoir pour Gaston « Nui ». L’hémorragie pourrait bien continuer s’il ne trouve pas le moyen d’un compromis avec son ancien dauphin pour l’élection du président le 21 février prochain et la constitution du nouveau gouvernement.
Oscar aussi prend une grosse claque en perdant huit sièges, car l’association éphémère du mois d’août dernier ne se reproduira plus, et sa présence à la présidence fait désormais partie du passé.
Il faut espérer que les deux compères vont maintenant aller s’allonger sous un cocotier au bord du lagon, prendre une retraite paisible en riant des bons tours qu’ils ont joués aux Polynésiens pendant leurs années de règne, et laisser les Polynésiens souffler avant de découvrir les inventions de leurs nouveaux dirigeants.
1 ZEE : Zone économique exclusive, soit 200 milles nautiques autour de tout territoire.
2 Iti : Petit en polynésien
3 Nui : Grand en polynésien
A visiter impérativement le site de Tahiti Pacifique Magazine Alex W. du
PREL http://www.tahiti-pacifique.com
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