Distribution « gratuite » de PC dans le 13 : quel bilan ?
Alors qu’approchent les municipales de mars 2008, l’actuel président du Conseil général des Bouches-du-Rhône (CG13) s’investit chaque jour davantage dans une campagne pour la mairie de Marseille. Pour le dire autrement, Jean-Noël Guérini brigue le siège de l’UMPiste sortant Jean-Claude Gaudin. C’est peut-être l’occasion de reparler de l’opération « Ordina 13 »...
D’abord, disons-le : on préfère voir la mairie dans les mains du PS que dans celles de l’UMP, même si ça ne serait jamais qu’un moindre mal. Donc, rien de politique dans cet article malgré les apparences. J’invite un rédacteur plus avisé que moi à dresser un véritable bilan nuancé du candidat Guérini. Ensuite, revenons sur l’affaire Ordina 13 en abordant l’angle pédagogique, parce que, à ma connaissance, les choses n’ont pas été énoncées clairement.
Petit rappel : s’inspirant d’une expérience menée dans les Landes, le CG13 prête dès 2003 plusieurs dizaines de milliers d’ordinateurs portables à des collégiens de troisième et quatrième (ordinateurs bridés avec connexions limitées). Parallèlement, il investit des millions dans le matériel informatique fixe des collèges, crée des postes. Il dresse ensuite un bilan positif de son action, c’est de bonne guerre. Mais voilà, les élèves doivent rendre leur PC en fin d’année scolaire et ils se voient donc privés de l’outil du jour au lendemain. Le CG13 annonce alors avec fracas que dorénavant, dès la rentrée 2007, il donnera les PC (60 000 unités par an).
Sans être démagogique, on ne peut nier qu’il s’agit-là d’une belle opération de marketing d’image. Car qui irait contre une aussi noble action : donner à nos têtes blondes un avenir informatique ? Certainement pas la presse locale. Libération, par contre, évoque la chose et pose la question de l’utilité véritable d’un PC à 13 ou 14 ans. Chez certains profs et documentalistes du 13, ça grogne. On dit tout bas ce que le CG13 ne dit pas tout haut : que les gosses faisaient n’importe quoi avec les PC et que ça coûtait cher en entretien. Et, encore, quand les ordinateurs ne revenaient pas complètement foutus. Il coûtera donc moins cher de les donner et à charge des familles de s’en dépatouiller et de gérer le nouveau jouet, tout de même un peu dangereux, du gamin ou de la gamine.
Pour en avoir eu entre les mains, je peux affirmer que ces PC, des HP de bonne qualité et plutôt bien nantis (je ne suis pas spécialiste), se connectent sans problème sur n’importe quel site porno, qu’ils fonctionnent très bien en peer to peer et qu’ils ramassent des virus à la pelle. Ben oui, c’est aux parents d’installer du contrôle, de mettre à jour les logiciels payants et de réparer les dégâts des virus. Je peux dire aussi que quand les ordinateurs ont débarqué en septembre 2007, les gosses ont remercié le CG13 de leur "offrir une console de jeux" (avec l’argent public, mais, ça, les mômes s’en foutent). Et ils n’avaient pas tort : des ordinateurs pour travailler, il y en a déjà à l’école. Croit-on sérieusement qu’un gosse de 13 ans, après avoir passé la journée au collège et fait ses devoirs, va se mettre studieusement sur son PC pour « maîtriser l’outil informatique » ? Il va s’entraîner à créer des tableurs Excel plutôt que regarder des clips, jouer en ligne ou chatter sur MSN ?
Ça ne s’arrête pas là : il n’y a eu aucune préparation des collégiens à recevoir un PC, puis aucun suivi et enfin aucun compte à rendre. Un site ennuyeux à mourir est censé faire le lien. Il n’y a pas eu, non plus, de discrimination : des gosses riches - rappelons que nous parlons ici des collèges privés - ont reçu leur ordinateur comme les autres, indépendamment du fait qu’ils avaient déjà des ordinateurs portables, parfois bien plus performants. À l’inverse, je ne peux pas croire qu’il ne soit rien arrivé aux ordinateurs des gosses pauvres, mais je n’ai pas de preuve. On n’a pas expliqué aux élèves comment installer l’antivol. Certains collèges ont interdit aux élèves d’apporter leur nouveau PC dans l’enceinte des établissements. Ils avaient raison : ces ordinateurs et leurs propriétaires n’étant pas contrôlés, ils pouvaient présenter un certain risque.
Je pose donc la question : derrière la belle idée très anglo-saxonne « un collégien, un ordinateur portable », variante du cartable numérique, y a-t-il eu une véritable réflexion pédagogique ou seulement le bénéfice annoncé d’une opération de communication ? Et celle-ci aussi : les millions publics utilisés dans ce cadre ne vont-ils pas manquer ailleurs ?
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