L’Église catholique du Congo-Kinshasa lance un appel de solidarité pour sauver le pays
Face aux dangers qui guettent à nouveau la République démocratique du Congo, les évêques invitent à rester éveillé pour sauver la maison d’un incendie international qui menace d’embrasement tout son patrimoine national. La situation d’insécurité qui se vit actuellement à l’est du pays justifie l’appel à la mobilisation lancé aux hommes de bonne volonté et pris en compte par les dernières assises du Conseil de sécurité[2]. L’épiscopat du Sud-Kivu prend position et tranche : « Apparemment, tout est réuni pour qu’une nouvelle guerre éclate : infiltrations massives et systématiques depuis le Rwanda, retour de la haine ethnique dans les médias, carnages cruels à l’arme blanche... L’armée est incapable de nous défendre, des cadres de l’armée sont de vrais criminels connus pour leurs crimes, mais le gouvernement ne fait rien »[3].
À l’occasion du 47e anniversaire de l’indépendance du pays, la Conférence épiscopale nationale du Congo (CENCO) vient d’adresser, à l’issue de sa 43e Assemblée plénière tenue à Kinshasa, du 3 au 7 juillet 2007, sous le titre « A vin nouveau, outres neuves ! »[4], un message pathétique[5], pourtant, au-delà des mots laconiques, plein d’espoir si la détermination de tous répond au rendez-vous. Un rendez-vous qui, de par sa conception, se veut, non seulement « une interpellation », mais aussi « un encouragement ».
Ce message des évêques que je lis, non à partir de la multiplicité des influences dont il porte sensiblement la trace, mais à partir de ses grandes inflexions, est évidemment un message d’interpellation pour les uns, un message d’espérance et d’encouragement pour les autres !
Si ceux qui ont en main la gestion de la « Res publica » doivent changer leur fusil d’épaule, en endossant la beauté d’une métamorphose d’esprit et de mentalité, ceux du reste de la nation qui regretteraient, à cause d’une gestion scabreuse de la chose publique, à cause des velléités des « puissances du globe », d’avoir pour patrie la République démocratique du Congo, doivent se sentir soutenus par la sollicitude pastorale du collège de ceux qui prennent à cœur le triste sort du quotidien congolais depuis l’infiltration de ceux qui, hier, furent vus comme « artisans de la guerre civile », aujourd’hui, deviennent reconnus et identifiés comme légion d’« agresseurs du pays » ; une infiltration qui a fait couler le sang de ceux qui appartinrent jadis à ce collège des évêques pour avoir dit non à la violence gratuite, non aux viols physiques et psychologiques, non à la saignée de l’intolérance, non aux turpitudes de l’opinion internationale.
Les évêques établissent à travers leur vibrant message d’interpellation et d’espérance un diagnostic sur le présent malaise de la nation ; ils tracent l’histoire d’une pathologie qui se manifeste dans les attitudes d’un refus au changement, qui transparaît dans les sentiments de plus en plus enclins aux intérêts individuels qu’ils ne le sont vis-à-vis des intérêts communs ; l’histoire d’une pathologie qui déplore, tant au niveau national qu’international, une justice sans justice, une intervention de paix en faveur de l’insécurité, se mêlant de tout dans la complicité du grand silence.
Contre ce désarroi, « A vin nouveau, outres neuves » se révèle comme un message de grande teneur théologique, soucieux d’assumer avec courage et sérénité la délivrance du peuple congolais meurtri par l’indifférence des uns et la trahison des autres. Voilà pourquoi s’adressant à la Mission des Nations unies au Congo, les évêques écrivent : « Nous demandons à la MONUC d’user de son nouveau mandat obtenu pour assurer une protection effective (et non théorique) de la population. Sinon, le peuple commencera à douter de l’opportunité de sa présence. Des événements récents signalés ici et là risquent de diminuer - hélas ! - la confiance de la population aux soldats de la paix »[6].
En la petite lecture que je fais du message de la Conférence épiscopale nationale du Congo, il y a lieu de relever globalement trois points essentiels :
- Ne décevez pas les attentes de la nation : tous, dirigeants et dirigés, fils et filles du grand Congo, sommes invités à assumer le contenu de ce message de la première personne du singulier à la troisième du pluriel, pour le rendre nôtre, afin que la situation socio-politique de notre pays (insécurité toujours persistante, exploitation libre et désordonnée des ressources naturelles), déclenche une mobilisation plurielle. Autrement dit, du dirigeant au dirigé, du plus grand au plus petit, du haut gradé au moins gradé, du cadre au simple paysan, des hommes d’Eglise aux sans confessions, nul n’a aucun droit de « décevoir les attentes d’une nation qui n’a que trop souffert ». « A vin nouveau, outres neuves ! »[7]
- Soyez solidaires pour votre délivrance : de l’avis des évêques de la RDCongo, le salut de tous est au prix d’un engagement solidaire pour la restauration des mentalités, pour la vigilance et l’éveil des consciences, autrement la maison qui brûle va se consumer ; autrement le pillage des ressources naturelles qui s’observe littéralement en inflation finira par saigner à blanc les greniers du Congo démocratique.
- Gouvernement, soyez responsables de votre gestion : un gouvernement responsable n’est pas un gouvernement de complaisance. Un gouvernement responsable est un gouvernement capable de répondre courageusement de ses actes devant Dieu et devant la nation, sinon le principe de l’intégrité et de l’intangibilité du territoire national se verra condamné de voler en éclat[8].
Afin que l’espoir du peuple congolais ne s’évanouisse, j’aimerais conclure ma lecture du message en m’unissant à l’intention de prière du collège des évêques pour confier à leur suite « l’avenir de notre pays à Dieu pour qu’advienne un Congo nouveau, paisible et prospère. Que Marie, Notre Dame de l’Espérance, elle qui a cru aux promesses du Seigneur, nous soutienne dans le combat pour le changement de mentalité et la promotion des valeurs humaines authentiques. Que Dieu bénisse et protège la République démocratique du Congo. »[9]
[1] Cf. Conférence épiscopale nationale Du Congo (CENCO), Message de la Conférence épiscopale nationale du Congo aux fidèles catholiques et aux hommes de bonne volonté à l’occasion du 47e anniversaire de l’indépendance, « A vin nouveau, outres neuves » (Mc 2, 22). Ne pas décevoir les attentes de la nation, Kinshasa, 07//07/2007, § 2 (disponible au site web http://www.cenco.cd) .
[2] « L’ONU tire la sonnette d’alarme pour l’est de la RDC » (Reuters 24/07/2007).
[3] Déclaration du mois de juillet 2007, également disponible sur le site web http://www.portstnicolas.org .
[4] Inspiration de l’évangile de Marc 2, 22.
[5] J’ai donné quelques prémices des présentes réflexions dans l’une de mes interventions au groupe web « ANDJAASHI WA TSHUMBE SAINTE MARIE », ouvert à l’intention exclusive du personnel ecclésiastique du diocèse de Tshumbe, en République démocratique du Congo.
[6] Conférence épiscopale nationale du Congo (CENCO), Message de la Conférence épiscopale nationale du Congo aux fidèles catholiques et aux hommes de bonne volonté à l’occasion du 47e anniversaire de l’indépendance, « A vin nouveau, outres neuves » (Mc 2, 22). Ne pas décevoir les attentes de la nation, Kinshasa, 07//07/2007, § 26. C’est nous qui soulignons et la parenthèse est aussi de nous. Voir également Mémorandum des chefs des confessions religieuses à son excellence M. William Lacy Swing, représentant spécial du secrétaire général de l’ONU en R.D.Congo du 15 juin 2007, n.13.
[7] Conférence épiscopale nationale du Congo (CENCO), Message de la conférence épiscopale nationale du Congo aux fidèles catholiques et aux hommes de bonne volonté à l’occasion du 47e anniversaire de l’indépendance, « A vin nouveau, outres neuves » (Mc 2, 22). Ne pas décevoir les attentes de la nation, Kinshasa, 07//07/2007, § 2.
[8] Idem, § 5.
[9] Conférence épiscopale nationale du Congo (CENCO), Message de la conférence épiscopale nationale du Congo aux fidèles catholiques et aux hommes de bonne volonté à l’occasion du 47e anniversaire de l’indépendance, « A vin nouveau, outres neuves » (Mc 2, 22). Ne pas décevoir les attentes de la nation, Kinshasa, 07//07/2007, § 28.
10 réactions à cet article
Ajouter une réaction
Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page
Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.
FAIRE UN DON