L’Institut d’Etudes Politiques de Toulouse dans l’impasse ?
L’institut d’Etudes Politiques de Toulouse est en panne depuis le 4 avril dernier... La cause : la hausse des frais d’inscription de 200€ votée par le conseil d’administration qui se heurte à une ferme opposition d’une partie des étudiants, qui déplorent le désengagement de l’Etat dans l’éducation.

29 avril. Troisième assemblée générale... la tension monte. Quelle sera l’issue de cette bataille ? Il semble difficile de le dire aujourd’hui. Les deux « camps », bloqueurs et antibloqueurs, ont des arguments valables, ce qui fait que la lutte s’équilibre et se cristallise autour de ses contradictions. Cependant, le dialogue semble voué à l’impasse et les paroles des intervenants paraissent buter sur la stérilité du débat. En est-il réellement un ? Les deux parties n’arrivent pas à composer ensemble pour trouver une solution à ce qui, au fond, les réunit : le désengagement de l’Etat. Il est légitime de se battre pour une cause que l’on sait juste, et ceux qui se font taxer d’utopistes ont pourtant réussi à faire avancer la société à de nombreuses reprises au cours de l’Histoire. Cependant, la légitimité de la motivation pour laquelle l’IEP de Toulouse est bloqué aujourd’hui se heurte au pragmatisme des antibloqueurs. L’IEP a besoin de fonds supplémentaires pour assurer la bonne marche de la réforme du diplôme à 5 ans, tout le monde s’accorde là-dessus. Ce qui divise les étudiants aujourd’hui est la manière de financer cette réforme : les uns réclament corps et âme un réengagement massif de l’Etat dans l’éducation, les autres (défaitistes ou réalistes ?) pensent qu’il vaut mieux ne compter que sur soi-même. C’est ainsi qu’un groupe d’étudiants, apparemment bien préparé à sa guerre des mots, a essayé de convaincre du bien-fondé de sa position.
Leurs arguments étaient pour la plupart compréhensibles. Par exemple, les étudiants les plus démunis ne souffriront pas de cette hausse des frais d’inscription puisqu’ils ne les paieront pas, indexation sur les revenus des parents oblige ; de plus ceux qui pensent que l’IEP sera bloqué aux candidats les plus modestes ne se rappellent pas que eux-mêmes avaient postulé pour d’autres IEP qui proposent des frais bien plus élevés. L’argent est-il donc un frein à l’entrée ? Pas si l’on retient cet argument. Certains se disent d’ailleurs tout à fait capables, tout en venant d’une famille aux revenus modestes, de travailler à côté de leurs études, de réussir, d’avoir une vie équilibrée... et même de faire du basket. Il serait donc possible, individuellement, de s’en sortir honorablement.
Mais ces arguments, si recevables soient-ils, ne sont pas rentrés dans les codes de l’AG et en sont par là quelque peu discrédités : applaudissements bruyants envers leur « camp » ou huées envers leurs ennemis Une assemblée générale d’étudiants, en effet, intègre les codes qui ont été appris dans les cours de cette institution et les respecte pour pouvoir garantir une ambiance propice au débat... La communication n’est pas vraiment efficace et sereine dans une arène de gladiateurs. On note une volonté de jouer le jeu politique en excluant ceux qui nous l’enseignent, les professeurs, dont la présence est à peine tolérée. Président, scribe et personne désignant les tours de parole sont élus, les votes à main levée sont comptés et recomptés par des personnes différentes, le temps de parole est scrupuleusement respecté, et il n’est pas question d’applaudir ou de huer : des gestes convenus d’approbation ou de mécontentement sont la règle. Dès lors, ne pas respecter ce qui permet de se faire entendre et d’écouter les autres ne fait que rendre le débat plus opaque et l’aporie plus imminente.
L’AG a finalement voté... de voter, demain 30 avril sur la reprise du fonctionnement régulier de l’IEP jusqu’à la fin de l’année universitaire. La direction de l’établissement est bien sûr opposée au blocage de l’Institut ; le personnel et les enseignants ne pouvant pas s’y rendre pour poursuivre leurs activités, elle semble sombrer sous les ennuis dus aux retards des vœux de spécialité, de préparation de la session d’examens et de paye des agents (voir à ce sujet le site de l’IEP de Toulouse : http://www.sciencespo-toulouse.fr). La menace serait-elle le seul moyen de rétablir l’ordre ? Après les vigiles employés quelques jours pour « assurer la sécurité » des lieux, la directrice, Laure Ortiz, a pris le parti de tourner le référendum qui se tiendra demain 30 avril en menace. Ainsi, voter contre le retour à la normale pour l’IEP reviendrait à nous demander si nous souhaitons passer nos examens au cours de la session normale, ou si nous assumons de les reporter en septembre... « Toute remise en cause du calendrier initial contraint à différer en septembre la validation du semestre, en compromettant gravement, voire définitivement, les projets de mobilité des 2e et 4e années », affirme la directrice dans un communiqué du 29 avril.
Le débat qui se voulait constructif mène donc peu à peu à un raidissement des postions et au dialogue de sourds. Il dérive vers des préoccupations qui n’ont rien à voir avec les considérations de départ : examens et projets de mobilité... Le réengagement financier de l’Etat dans l’enseignement supérieur paraît bien loin.
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