Le Fil, l’Ecosse et la Bretagne
Après dix jours de fête, le Festival interceltique de Lorient vient tout juste de s’achever. Cette année, c’est l’Ecosse qui était invitée d’honneur. Le pays s’est lourdement investi dans l’événement. 300 000 livres (450 000 euros) ont ainsi été dépensés. La délégation écossaise était menée par Mme Linda Fabiani, ministre de la Culture et des Affaires européennes du nouveau gouvernement écossais.

Le pavillon écossais, réalisé de façon on ne peut plus professionnelle, était notamment composé d’un grand espace enfants, d’un comptoir « a drink from Scotland », d’un restaurant, d’un comptoir consacré au tourisme... Le tout animé par des groupes de musiques écossais de midi à 2 heures du matin.
Plusieurs polémiques ont cependant vu le jour au fur et à mesure du déroulement du festival :
- la place de la langue bretonne : longtemps absent, le breton, s’il reste marginal, reprend petit à petit sa place notamment grâce à l’action des nouveaux dirigeants de la structure. Cependant, l’Office de la langue bretonne par exemple n’a pas pu bénéficier d’un stand suite au refus du Conseil régional de s’engager financièrement ;
- la place des associations bretonnes : autrefois très présentes, elles ont aujourd’hui presque disparu devant, semble-t-il, un manque apparent d’intérêt et de soutien du festival ;
- Ecosse - France ou Ecosse - Bretagne ? La communication de la délégation écossaise à Lorient a presque uniquement été centrée sur les relations entre l’Ecosse et la France. Suite aux nombreuses réactions de Bretons, les représentants écossais ont reconnu à demi-mot l’importance et la dimension bretonne de l’événement. Dans les jours qui ont suivi, on a pu entendre Mme Fabiani s’exprimer en... breton ;
- la venue de Mme la ministre de la Culture écossaise ne semble pas avoir été considérée digne d’intérêt par les politiques bretons. Les responsables écossais ont pointé « l’absence de réunions de travail à quelque niveau que ce soit » et des rencontres limitées à la pure courtoisie.
Le rappel de ces polémiques ne vise pas à pointer du doigt un acteur particulier. Tous ont concouru au succès du festival. Il ramène cependant à un problème plus global : un grave déficit d’image de la Bretagne et un manque certain de dynamisme des institutions.
Tout d’abord, la politique de communication écossaise résulte apparemment en large partie d’un manque d’informations de la part des institutionnels bretons. Clare Smith, une des responsables de la délégation écossaise, le dit clairement : « par exemple, il y a quelques mois, votre office du tourisme ne nous a présenté la Bretagne que comme une région comme une autre avec des petits plus comme les crêpes ou les phares ou un fonds culturel celtique... Si vous voulez être connus et reconnus à l’extérieur, je pense que votre politique de communication doit sérieusement évoluer ».
De plus, comme l’a souligné un article de Courrier international du 9 août 2007, la Bretagne souffre d’un très grave déficit d’image hors de l’Hexagone. Les journaux étrangers ne publient quasiment aucun article sur la Bretagne parce qu’ils n’y croient pas. Une langue dans un état critique, une absence quasi totale de reconnaissance institutionnelle, une politique de promotion à l’extérieur pratiquement inexistante - l’Etat ne faisant aucune action, si ce n’est parfois d’obstruction pour maintenir cet état de fait - incitent à considérer la Bretagne comme une région française comme les autres, à peine distinguée par les phares et les crêpes.
Le contraste est frappant avec la vitalité et l’image de plus en plus forte de l’Ecosse. La dévolution de 1999, en donnant au pays un réel pouvoir de décision, lui a permis de développer sa propre politique de promotion. Cela lui permet d’accompagner et de favoriser un développement économique important.
Les deux pays ont pourtant connu une histoire institutionnelle comparable : le royaume d’Ecosse naît en 843, celui de Bretagne en 851. Le rattachement de la Bretagne à la France date de 1532, l’union des couronnes d’Ecosse et d’Angleterre de 1603. Enfin le parlement écossais disparaît en 1707, celui de Bretagne en 1789, ouvrant dans les deux cas une longue ère de négation institutionnelle. Leur situation actuelle est également très proche. A titre d’exemple, la Bretagne compte 4,2 millions d’habitants pour un PIB par habitant de 24 443 euros quand l’Ecosse est peuplée de 5,2 millions d’habitants pour un PIB par habitant de 16 900 livres (25 272 euros).
L’un des deux pays connaît un boum économique et culturel. Il développe une politique de l’image qui offre d’importantes retombées économiques et touristiques. Le développement de l’autre est notamment bridé par un vide institutionnel qui l’empêche de promouvoir une quelconque image à l’extérieur. Comme le reconnaissait il y a peu Jean Ollivro* en conclusion d’un article consacré au développement comparé de la Bretagne et du Pays Basque Sud, « nous avons peur pour l’avenir du pays ».
Le potentiel est pourtant à portée de main pour peu qu’au niveau institutionnel comme associatif les Bretons prennent confiance dans leurs capacités. Comme l’affirme Clare Smith, le FIL représente « une occasion rêvée pour développer les connaissances mutuelles sur nos nations respectives ».
* Jean Ollivro est notamment ancien directeur du département de géographie de l’université Rennes 2, enseignant à l’IEP de Rennes et président de Bretagne Prospective.
15 réactions à cet article
Ajouter une réaction
Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page
Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.
FAIRE UN DON