Musiques identitaires à La Réunion
Dans le cadre des « rencontres professionnelles » organisées par l’association métropolitaine « la Fedurock », le Kabardock organisa vendredi 3 février dernier un concert privé avec trois artistes de renom : le Mauricien Eric Triton, la Réunionnaise Nathalie Natiembé, et le groupe portois Ver Zon Roots.
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Impossible de se tromper : la deuxième soirée des concerts privés dans le cadre des « rencontres professionnelles » a bien lieu ici : le parking du Kabardock au Port résonne dans toute la ville au son des percussions interprétées par une vingtaine d’adeptes au milieu des voitures. Inutile de vous dire que ça vous met tout de suite dans l’ambiance, et laisse présager une bonne soirée. D’ailleurs, tous les ingrédients sont réunis : trois artistes de qualité, un public enjoué dès son arrivée sur les lieux, tout ça réuni dans l’une des plus belles salles de l’île.
Pour expliquer un peu plus ce que sont ces « rencontres professionnelles » régies par l’association la Fedurock, j’ai le plaisir de rencontrer Elisabeth Rivière, du service communication du Kabardock. Avec un enthousiasme non feint, elle m’explique que la Fédurock fédère depuis 1994 des échanges et débats sur les musiques actuelles. C’est la première fois que l’association se déplace à La Réunion, et ceci grâce à l’invitation donnée par le Bato Fou, son seul membre outre-mer. Le but sur notre territoire est de dresser une analyse de la musique identitaire réunionnaise, et de l’intégrer dans un vaste mouvement visant à aider son développement, notamment en consolidant les lieux de diffusion. L’initiative est louable, et espérons que ces journées où se sont côtoyés les professionnels de la musique de notre île ont été bénéfiques, et permettront un accroissement de son expansion, pourquoi pas au-delà des océans. Car il faut reconnaître qu’en matière de musique, La Réunion n’a rien à envier à ses frères et sœurs domiens, ni même à sa mère métropolitaine. Pour preuve l’affiche de ce samedi soir : Ver Zon Roots, Nathalie Natiembé, et Eric Triton. Même si ce dernier est un Mauricien, il est un habitué des scènes réunionnaises.
Elisabeth Rivière poursuit notre entretien en m’annonçant les futures têtes d’affiche qui viendront saluer nos esgourdes dans les mois à venir : les Réunionnais de Pat’jaune, le nouveau jeune talent Alexis HK et ses chansons à textes farfelues, High Tone et Le Peuple de l’herbe pour une soirée plus électro, Maurane, Ousmane Touré, ancien chanteur de tTouré Kunda, et La rue Ketanou, troubadours d’une nouvelle chanson française. Il semble que le Kabardock ait pris de bien belles résolutions pour 2006 envers son public. Après deux ans d’activité, la salle est en passe de devenir un lieu de concert incontournable avec une programmation aussi riche et variée. Mais le Kabardock ne se limite pas à offrir des spectacles de qualité aux Réunionnais ; il permet aussi aux groupes locaux de créer leur musique en son sein, en leur offrant deux salles de répétition de qualité. De même, une fois l’an, lors des Dock’sessions, la grande scène leur est ouverte pour mettre en pratique leur apprentissage scénique et présenter leurs compositions devant un public. C’est alors l’occasion pour tous de venir découvrir les nouveaux talents de demain. De même, une salle d’enregistrement professionnel siège dans les murs du Kabardock. D’ailleurs, si vous voulez un scoop, sachez qu’Eric Triton y enregistre en ce moment même son nouvel album. Après avoir remercié Elisabeth Rivière pour ces précieux renseignements, je m’engouffre dans l’antre du Kabardock. Le public est là, nombreux, et enthousiaste à l’idée de voir réunis en une même soirée trois artistes talentueux. Ver Zon Roots, groupe du Port, donne le top départ avec un reggae mélodieux et enjoué. Ses refrains guillerets commencent à faire remuer la salle, et offrent à la soirée balbutiante une orientation festive qui ne cessera tout du long de monter en un crescendo transcendant. Pour preuve, la prestation magistrale de Nathalie Natiembé et de son maloya incomparable. La chanteuse n’a plus à faire ses preuves, et pourtant, par son charisme hors du commun, c’est une démonstration de pure puissance scénique et rythmique qu’elle offre à un public en extase. Puis, monte sur scène Eric Triton, accompagné de son dalon batteur-percussionniste Frédo Piot. Cet homme possède tout ce qui fait d’un artiste un grand : une voix puissante et mélodique, un jeu de guitare rythmique à faire pâlir plus d’un, et des chansons à faire danser un grabataire. Il abreuva la salle de son swing-blues d’exception pendant près de deux heures, ne pouvant quitter la scène tant le public l’inondait d’applaudissements. En tout, pas moins de cinq rappels, que l’artiste accomplit avec une joie débordante de sincérité.
Car ces trois artistes ont certes montré un réel talent, mais surtout ils ont manifesté une joie non dissimulée de jouer devant le superbe auditoire du Kabardock ce soir-là. Des concerts comme ceux-là, où règne une osmose palpable entre le public et les artistes, sont trop rares, mais quand ils arrivent, on sait les reconnaître. Et croyez-moi, il fallait être aveugle, vendredi soir dernier, pour ne pas déceler une soirée d’exception.
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