Pierre Creuzet : élu Udf à Nanterre, cinq ans après 2002
Alors que François Bayrou confirme sa percée dans les sondages, il me paraît interessant d’interviewer les UDF de terrain, à commencer par Pierre Creuzet, conseiller municipal à Nanterre (86 000 habitants) dans les Hauts de Seine, ville communiste (depuis 1935), département UMP, département riche, ville populaire qui partage avec Puteaux et Courbevoie le quartier de la Défense.
Pierre Creuzet est atypique, il reconnait volontiers que pour lui l’ascenseur social fonctionne même si tout n’a pas été facile, loin de là ! En résumé : meilleur apprenti chocolatier-pâtisserie de France à 17 ans, commerçant puis directeur commercial d’une enseigne pour laquelle il ouvre 120 magasins en 2 ans en France, restaurateur et passionné de commerce il dirige aujourd’hui l’Institut de Développement économique des Ccoeurs de ville et est directeur de l’association Centre Ville en mouvements.
Politiquement, engagé à l’UDF depuis l’âge de 18 ans, il mène campagne en 2002 pour François Bayrou aux élections législatives dans un contexte très difficile pour lui, gravement blessé lors du drame de la nuit du 26 au 27 mars 2002 au conseil municipal de Nanterre, il se présente pour s’opposer à la montée du FN et au parti unique.
Pierre, comment es-tu arrivé en politique et pourquoi ?
Je me suis retrouvé élu pour la première fois en 1989. J’avais été repéré pour mes actions comme président des Ecologistes de Nanterre et de Nanterre Multijob, une association dont le but était de trouver des jobs d’été aux jeunes et étudiants. J’ai perdu mes parents à 17 ans et j’ai dû rapidement me débrouiller. Les personnes qui m’ont le plus aidé étaient à l’UDF, famille à laquelle j’appartiens toujours. Mon engagement est donc parti du développement durable, sujet qui me tient toujours à cœur.
A 20 ans, je suis le plus jeune élu de l’opposition au conseil municipal. Ma première expérience dans l’opposition m’a permis d’observer la vie politique, d’écouter les Nanterriens. Mais j’ai toujours voulu rester libre. Et ce n’est pas facile. Les pressions sont multiples.Et puis on vous dit que vos projets ne sont pas réalisables. Tout le monde avait dit en 1995 que si je prenais la présidence de l’association des Commerçants de Nanterre, rien ne pourrait se faire. Pourtant, nous avons réalisé la première ferme géante de France pour animer la ville et bien d’autres réalisations pour dynamiser nos commerces.
Contrairement à Santini tu soutiens François Bayrou pourquoi ?
La percée de Bayrou n’est pas pour moi une surprise, nous ressentons ce besoin. Il se positionne avec aplomb et sagesse parce qu’il est là pour les Français. Les clivages que j’observe dans la vie locale sont des poisons pour les habitants d’ici.
Comment peux-tu agir pour ta commune quand tu es dans l’opposition ?
Mon principal objectif est de prouver par l’exemple. J’aime Nanterre, c’est ma ville. Comme je l’ai dit, j’ai beaucoup écouté les Nanterriens, pour une raison simple, il faut aller dans les réunions de quartier, et comme je suivais toutes les réunions quel que soit le secteur, j’ai pu entendre des revendications communes aux habitants comme le besoin de valoriser les centres villes.
Cette phase d’écoute est importante, nous le voyons aujourd’hui avec François Bayrou, il faut « labourer le terrain » pour bien ressentir les besoins et préparer l’avenir.
Ce que je souhaite c’est positiver Nanterre, la mettre en valeur, c’est une des villes les plus riches de France, les ressources sont là et les Nanterriens veulent du changement ! L’alternance est bénéfique pour tout le monde.
Nanterre est une ville comprenant des cités. Il semble que les tensions soient plus importantes en ce moment, comme avant les émeutes de 2005. Qu’y a-t-il à faire ?
En 2005 nous n’avons pas eu de problème majeur. Les forces de police ont été déployées mais les raisons sont plus à chercher dans des coups médias que dans un reél besoin. Les incidents sont plus nombreux en ce moment, mais est-ce surprenant ? Vous avez des quartier de 20 000 habitants qui n’ont pour tout service qu’un bureau de poste. Depuis les émeutes, rien n’a changé, il n’y a toujours pas de police de proximité.
Le système mis en place par l’UMP et les communistes est simple, d’un côté on ne construit pas de logements sociaux, de l’autre, on accueille tout le monde sans organiser de mixité sociale. Les élus PCF pensent que le social n’est qu’à gauche, donc pas de dialogue. Chacun s’y retrouve sur le plan électoral. Cela ne peut plus durer. Nous avons besoin d’une politique urbaine et pas du sacrifice d’une ville aux profits des autres. Pour cela il est indispensable de faire sauter les clivages. A Nanterre, dans deux immeubles, ce sont des populations à 98% noires qui sont logées ensemble ! Et qui gère les offices HLM dans les Hauts de Seine ? Indirectement L’UMP via les élus du Conseil général présidé par Sarkozy.
Il y a eu la loi SRU(1), personne ne la respecte. On ramène tous les problèmes dans les HLM qui sont concentrés sur les villes communistes. Ce n’est pas l’idée que je me fais de la France car concentrer tous les problèmes dans un même lieu, ce n’est pas humain, ça ne permet pas de trouver l’espoir.
Tu as été candidat aux municipales de 2001, en tant que tête de liste UDF-RPR, ta liste réalise 38,8% contre 44% pour la liste communiste de Mme Fraysse. Pourquoi cet accord à l’époque ?
Cet accord a été le fruit d’un long travail sur le terrain. et personne ne croyait la victoire possible. Nous avons fait 38,8% et j’ai naturellement pris la tête du groupe Union pour Nanterre.
Il y a maintenant cinq ans lors du conseil municipal du 26 mars 2002, tu es grièvement blessé, trois de tes proches meurent. Tu te présentes cependant aux législatives de 2002. Peux-tu en parler aujourd’hui ?
Après cinq ans c’est toujours aussi dur. Ce qui est arrivé n’était jamais arrivé auparavant. Le lieu, un conseil municipal, la période, le cœur d’une élection présidentielle... J’ai été déconnecté pendant un mois (ndlr : Pierre Creuzet est hospitalisé suite à ces blessures) jusqu’au 21 avril ett la présence de Le Pen au deuxième tour... Je n’avais pas le droit de laisser tomber, pour les autres. Au même moment l’UMP se forme et Chirac fait le contraire de ce qu’il aurait fallu faire. Il fallait donc être présent pour l’UDF et François Bayrou et tous ceux qui ont voté contre Le Pen. Cette décision est un grand moment, c’est ce qui m’a permis de replonger dans la vie. Localement, ce fut exceptionnel. L’attention et le soutien apportés par la population, qui, ne l’oublions pas, a été touchée par ce drame, réconcilient avec l’humain. J’ai envie de le leur rendre.
Il n’y a pas eu de procès, est-ce un mal ou un bien ?
C’est Santini qui m’a appris le suicide du « meurtrier »... je ne veux même pas prononcer son nom. Ce fut d’abord un soulagement. Mais ce n’est pas simple : la souffrance de voir mes filleuls me demander si le Père Noël allait faire revenir leur papa, la haine aussi. Et puis l’UMP qui, profitant de mon absence et du décès des élus forme un groupe au sein du conseil municipal sans m’aviser. Je ne peux pas le pardonner, c’est irrespectueux pour les élus disparus. Il y a TF1, contre qui nous nous sommes battus pour qu’ils ne diffusent pas le docu-fiction qu’ils avaient tourné : il voulait mourir en « héros »... dans la salle du conseil, il criait « Tuez-moi » « Tuez-moi »... Le document de TF1 mettait en valeur ce personnage, il le starifiait, pour moi il n’en est pas question ! Mon souhait est qu’il ne puisse pas avoir cette « reconnaissance ». Il avait choisi l’heure de sa mort, les victimes et leurs familles, elles, n’ont rien choisi.
Que te reste t-il de la fusillade ?
D’abord je crois que cette épreuve m’a rendu plus sensible encore à l’injustice. Physiquement, il y a cette main qui, jusqu’à l’été dernier, était insensible. J’étais à Barcelone en haut d’un monument quand j’ai commencé à retrouver la sensibilité. J’étais face à moi dans une ville populaire et en une heure tout s’est débloqué, j’ai retrouvé cette sensibilité, je me suis retrouvé.
C’est ce qui est important cinq ans après, c’est de pouvoir se retrouver, d’être entouré de personnes qui vous font confiance.
Les élections approchent, es-tu candidat aux législatives ? Aux municipales ?
Je suis candidat pour les législatives mais
j’attends l’investiture de l’UDF. Je me présenterai sur la circonscription
Nanterre-Suresne. Je crois que pour les Nanterriens il faut que le candidat
soit un candidat local. La gauche est divisée et à droite ils vont vouloir
parachuter un Sarkozyste qui n’a pas de connaissance du terrain. Je crois que les Nanterriens ne comprendraient pas que
je ne sois pas candidat après tout ce que nous avons partagé.
Ensuite, j’ai l’expérience des campagnes difficiles. J’ai
aussi été le directeur de campagne de Denis Badré aux sénatoriales contre
Hervé Marseille qui est parti avec Santini à l’UMP.
Mais ce qui me motive plus que tout, ce sont les habitants qui vous interpellent dans la rue : ils s’arrêtent pour nous interroger sur Bayrou, pour nous encourager. Il y a un phénomène Bayrou. J’organisais une réunion vendredi soir pour la campagne et, suite à une erreur, nous n’avions envoyé qu’une quinzaine d’e-mails. Ma surprise a été grande de voir 70 personnes réunies, des personnes d’horizons différents (de gauche et de droite) qui veulent nous faire confiance. Notre travail de terrain lors d’une campagne est là. Nous devons être présents pour transformer les intentions en vote.
Qu’as-tu imaginé
pour cette campagne ?
Je démarre un nouveau concept pour cette présidentielle. Nous avons à partir d’une ancienne cabine téléphonique, que nous avons achetée, mis en place un système de micro-trottoir. Cette cabine descendra aux pieds des immeubles pour recueillir les questions, les messages des habitants. Ces messages peuvent être ensuite écoutés par tous. Il nous sera possible d’apporter des réponses aux questions, y compris, s’il le souhaite, directement par François Bayrou.
Sources à consulter :
Sur Hauts de Seine : http://www.ccip92.ccip.fr/upload/pdf/92_profileco_V0.pdf
(1) SRU : http://www.aurg.org/sru/sru.htm
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