Vélib, Delanoé passe enfin la seconde et pense à l’avenir...
Nul besoin de refaire les 150 papiers sortis quotidiennement sur le lancement de Vélib. Mais cela reste quand même amusant de voir la presse dithyrambique au sujet du dispositif, alors que jusque-là, elle se délectait à faire l’écho aux pistes cyclables non-empruntées, dangereuses pour leurs utilisateurs, au totalitarisme vélocipédique de la majorité parisienne et surtout des écolos. Déjà hier en fin d’après midi, 15 000 sorties étaient annoncées. Les Parisiens semblent vouloir adopter le dispositif. Le discours martelé par tous les écologistes, de toutes tendances confondues au sujet de l’effet d’entraînement pour le vélo marche à plein. Même la droite parisienne se met à défendre le système, droite hors du temps qui jusque-là ne trouvait de critique que dans la méthode, sans pour autant réussir à proposer de solutions...
Un dispositif qui a montré les limites organisationnelles et juridiques de la ville
Ce fut difficile et surtout prévisible, l’attribution du marché et le timing d’exécution ont montré les limites d’une collectivité engluée dans les conflits administratifs, politiques et financiers. La ville à dû s’affairer à traiter une révolution structurelle, politique et démocratique ce qui au final a freiné les dossiers plutôt qu’elle ne les as rendus plus solides. L’imbroglio juridique sur le dossiers Vélo en libre service (VLS) était prévisible. La nature même du marché (système VLS adossé au marché de l’affichage) était critiquable, d’autant plus que le choix dans le mode d’attribution ouvrait de fait la porte à des recours ; la précipitation et le manque de préparation en amont a stigmatisé les oppositions locales, pourtant ouvertes au dispositif (non-concertation dans l’implantation des stations), en montrant des contradictions avec les aménagements réalisés auparavant (stations Vélib en remplacement de places PMR et Livraisons, pourtant strict respect de la norme imposée par la Préfecture), bataille dans la conduite du projet entre le cabinet du maire de Paris et de l’adjoint aux transports, une direction de la voirie surchargée qui a dû mener de front l’élaboration du plan de déplacements de Paris, sa concertation et le montage juridique, administratif, financier et technique de Vélib... Voilà quelques-uns des chantiers qui ont émaillé la mise en place du dispositif.
Cerise sur le gâteau, la politique politicienne est venue royalement plomber l’intérêt même des outils la récupération par la mairie centrale et le maire de Paris de tous dossiers susceptibles de donner une crédibilité à une possible candidature à sa succession... Prévisible certes, mais tellement gros qu’on en vient à se demander si ça n’est pas plus un soulagement qu’autre chose.
Quelles que furent les erreurs des écologistes à Paris, dans leurs méthodes comme dans l’application du programme, il ne faudra pas oublier que sans eux et sans les techniciens et les ingénieurs de la ville de Paris, Delanoé n’aurait jamais eu ses vélos et ses couloirs de bus, et il n’aurait jamais pu se targuer d’avoir lancé la politique des déplacements la plus radicale en une seule mandature, dans une ville où jusque-là rien ne s’était passé en matière de transports publics. La compétence n’existe pas au PS sur ces dossiers, et malgré six ans de mandature, aucun élu socialiste n’est aujourd’hui en capacité de piloter ce type de dossiers, malgré l’appui des services de la ville...
Enfin, petite précision : Bertrand Delanoé aime clamer partout qu’il est à l’origine du Vélo en libre service, soit, mais aussi de la voiture en libre service (auto-partage) : ça n’est pas tout à fait vrai, dans la mesure où des structures associatives ou de petites PME parisiennes se battent depuis 2001 pour faire comprendre aux élus et aux techniciens qu’il faut aider à financer durablement ces dispositifs dans le cadre de la politique des déplacements, autant qu’il a fallu un opérateur de stationnement et un loueur pour proposer une offre visible, structurée et complémentaire. Tout vient à point de qui sait attendre, de là à réclamer la paternité des dossiers, il n’y a qu’un pas...
« Voilà comme j’aime les entreprises privées »
Ces mots sont du maire de Paris pour qualifier l’extrême bonté des opérateurs privés venus apporter au maire de Paris l’onction divine pour se représenter. Voilà résumée en une phrase toute l’ambiguïté du rapport entre les collectivités et le monde de l’entreprise aujourd’hui. Après avoir fait grassement « cracher » les concessionnaires de tous poils en vue d’obtenir la redevance la plus élevée, permettant ainsi de ne pas lever plus d’impôts sur le Parisien, le maire se positionne en chantre du libéralisme éclairé dans les relations entre partenaires publics et privés. C’est l’ouverture à la Delanoé en quelque sorte. Ouverture certes critiquable, mais levier certain du financement des opérations pour les collectivités, car seules, à moins d’augmenter les impôts, il est impossible de financer les projets municipaux. La part sera faite belle aux PPP, les fameux Partenariats publics privés, dont Panafieu semble vouloir s’enticher pour son projet, alors qu’il s’agit-là encore d’un gros mot dans la bouche de la majorité parisienne...
Quelles suites pour la politique des déplacements à Paris ?
Vélib et l’auto-partage soulagent enfin les mauvaises langues qui cherchaient à montrer que la ville ne se penchait que sur son domaine de compétences, c’est-à-dire la dépense pour aménager. Or nous avons là aujourd’hui avec ses deux dispositifs l’accomplissement de six ans de négociations ardues, car tout était écrit, restait à vaincre les frilosités. Mais une hypocrisie notoire ternie le bilan : l’incapacité de la ville à trancher durant les cinq dernières années sur le financement de la mobilité alternative à Paris. A force de vouloir pratique l’expérimentation, les dispositifs n’ont pas pu se roder et le groupusculaire l’a emporté sur le massif. Résultat, deux énormes firmes capitalistiques détiennent aujourd’hui des marchés qui au départ pourtant auraient pu revenir à des opérateurs neufs qui auraient pu s’associer à plus gros.
La politique des déplacements version Delanoé/Baupin à Paris n’est pas encore totalement accomplie :
- travail insuffisant sur le réseau souterrain (facilité à mettre la pression à la RATP sur le réseau de surface plutôt que le souterrain), incapacité à faire pression via la Région Île-de-France sur l’Etat pour qu’il honore ses engagements en terme de financements sur le transport public (malgré le nombre important d’élus parisiens à la Région, et une vice-présidente aux finances adjointe de Delanoé...) ;
- réflexion sur l’intercommunalité et l’ouverture de Paris vers les communes de 1re et 2nde couronne amorphe, soumise à la stricte volonté des élus concernés ;
- concertations tantôt bâclées, tantôt démocratique (trop ?) ;
- beaucoup d’effets d’annonces, incapacité à faire taire les rumeurs et les querelles de chiffres sur la pollution, aussi démago soient-elles...
Le prochain maire de Paris aura du pain sur la planche, et devra faire une sévère auto-critique sur l’ère Delanoé. Paris a certes changé, la collectivité, au sens administratif du terme, a commencé à se moderniser, mais le travail reste encore titanesque. Le Tibéro-Chiraquisme administratif datant d’un autre régime est enterré sur la forme, mais il subsiste des blocages qu’il va falloir faire sauter pour enfin avancer sur tous les fronts avec efficacité, au risque de laisser le mérite de l’innovation à Sarkozy.
Les effets des mesures liées à la politique des déplacements ne sauront être mesurées avec recul que d’ici cinq ans, car tous les outils doivent aujourd’hui se coordonner pour montrer leur complémentarité effective. Ensuite car la région Île-de-France va devoir elle aussi passer la 2nde sur le volet transport, et notamment sur le financement des infrastructures, car tant que rien n’est fait pour bousculer l’organisation des transports publics en IDF, le report modal ne se fera pas et le trafic de transit continuera à Paris à provoquer le risque sanitaire que l’on mesure aujourd’hui.
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