11 septembre : une commémoration qui divise

10 ans déjà ! Le monde, disait-on, basculait. Des avions percutaient les tours jumelles du World Trade Center à New-York, faisant plus de 3000 victimes. Images en boucle, déferlantes de « spécialistes » pour commenter ce que d’aucuns présentaient comme Le choc des civilisations. L’islam contre l’Occident. Depuis quelques semaines, il ne se passe pas un jour, en France, sans que les médias n’évoquent cette tragédie. Quelques observations s’imposent avant d’aller plus loin. Que voit-on ? La sacralisation d’une explosion. En peu de temps, on est passé de l’histoire à la religion. De la géopolitique au culte des morts. Les faits sont devenus des dogmes. Quiconque les interroge, sort de l’humanité… quand il n’est pas disqualifié, soupçonné d’allégeance à la nébuleuse terroriste. Étrange paradoxe pour une civilisation qui a fait de la Raison, des Lumières, les piliers de son système. Les mêmes qui contestent les rituels de commémoration, au motif qu’ils génèrent la concurrence des mémoires et la tyrannie de la repentance, sont les premiers à faire de la surenchère. Le bilan de l’après 11 septembre jette un trouble.
Le Pentagone n’a pas installé la démocratie en Afghanistan. Les bombardements n’ont pas « converti » les Pachtounes au rousseauisme (souveraineté populaire, volonté générale). Pire. Des bavures, baptisées « dommages collatéraux » ont tué des civils. La corruption du régime Karzaï, la drogue, le tribalisme sont le triptyque d’un pays gouverné par la maffia, le clientélisme, la contrebande. Les Talibans, un temps disgraciés par les services secrets américains, retrouvent aujourd’hui une odeur de sainteté. Plus étrange encore ! L’absence d’armes de destruction massive en Irak, contrairement à la propagande d’État. L’occupation yankee a plongé le pays dans le chaos, le confessionnalisme, faisant des milliers de morts depuis 2003. Les hauts responsables (militaires, conseillers, ministres, Président) commanditaires des opérations, malgré des mensonges, n’ont pas été rattrapés par la justice. La sidération autour du 11 septembre ne doit pas anémier les intelligences. On n’expulse pas un problème par la condamnation, le moralisme. Après l’émotion : l’analyse des faits…des causes.
Non ! Ces attentats n’étaient pas un autre Pearl Harbour contrairement au mythe. Pas plus qu’ils n’étaient une déclaration de guerre au « monde libre » comme l’a titré L’Express et d’autres hebdomadaires atlantistes, conditionnés par la passion binaire. Ces crimes frappaient un pays… un seul : les États-Unis, symbole de toutes les félonies aux yeux des islamistes. Les kamikazes dénonçaient la politique américaine au Proche-Orient, le pillage des ressources, le chantage. Ils n’acceptaient plus au nom d’une majorité silencieuse la présence des GI en Terre sainte. Encore moins les compromissions de la pétromonarchie au service des causes les plus obscures. La real politik. Voilà ce que les Américains découvrent au fil des années. Un cynisme d’oligarques affairistes et les liaisons dangereuses de Washington à l’origine de l’effondrement des tours. On aurait souhaité que la liste s’arrête là ! Hélas, « les faits sont têtus. » Guantanamo n’est toujours pas fermée. Les rapports qui montraient la responsabilité de Donald Rumsfeld dans les tortures infligées aux « terroristes présumés », ont été mis sous le boisseau. Les gouvernements ont dépensé des milliards de dollars en effort de guerre et ont endetté le pays au point d’affaiblir, aujourd’hui, les marchés boursiers.
Il y a les victimes que l’on compte sous les décombres. Ces corps anonymes écrasés. Ces patriotes que l’on instrumentalise parce que l’on veut réécrire l’Histoire… s’affranchir du mal. Mais il y a aussi les victimes invisibles. Des travailleurs arabes sans papiers, bloqués dans les ascenseurs… Sans oublier des millions de Musulmans que « le monde libre » a châtiés et qui ont connu un rejet, une suspicion sans précédent. Le pamphlet de « l’essayiste » Oriana Fallaci avait ouvert la boîte de pandore. Résurgence des nationalismes, populisme sauvage, montée en puissance de l’extrême droite… islamophobie. Sans compter les délires conspirationnistes « d’intellectuels » en quête de gloire, fascinés par les polards : l’Eurabia. Version inversée du Protocole des Sages de Sion. Cette commémoration spectacle laisse un goût amer. La version officielle des attentats connaît une vague de contestations. En ligne de mire : les anomalies du dossier, les false flag (des opérations secrètes « sous faux pavillon »). Ground Zero ne doit pas faire oublier un autre 11 septembre. Le coup d’État au Chili qui renversa Salvador Allende en 1973 avec l’appui de la CIA pour installer la dictature Pinochet en lieu et place de la démocratie. Bientôt 40 ans déjà ! Et très peu de célébrations. 6 minutes de silence pour geler les esprits, se constituer juge et partie. Les rescapés de Nagazaki, d’Hiroshima apprécieront le narcissisme victimaire ! L’ethnocentrisme politique d’une nation qui continue de faire les mêmes erreurs, malgré le discours du Caire. Comme disait Victor Hugo dans les Misérables, « Il y a ce qu’il faut détruire, il y a ce qu’il faut simplement éclairer et regarder. L’examen bienveillant et grave, quelle force ! N’apportons point la flamme là où la lumière suffit. »
Pour aller plus loin :
Lire l’article de David Rieff, journaliste au Harper’s Magazine à New-York
Voir les vidéos :
17 réactions à cet article
Ajouter une réaction
Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page
Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.
FAIRE UN DON