2012, année ou le monde risque de basculer

Une parenthèse ésotérique
2012 est une date importante. Je vous vois venir. Vous attendez tous un scoop sur le calendrier Maya assorti d’une interprétation ésotérique mentionnant entre autres un film récent à gros succès. Au risque de vous décevoir, je vous confie que je ne crois pas à une once de cette histoire des Maya pas plus qu’aux théories sur le Kali Yuga et autre billevesées à visée ésorético-millénariste. Ces prédictions n’ont rien de sensé, elles marquent la déraison et quelque part, ceux qui croient à ces sornettes sont des serviteurs involontaires de la soumission au fatalisme pénétré de quelques ressentiments vengeurs. Bref, des ânes, les mêmes qui assistaient aux conférences du prophète de Fontbrune, fils spirituel de Nostradamus ayant prédit l’invasion de Toulouse par une horde d’insurgés. Alors qu’il ne s’est rien passé, hormis l’explosion de l’usine d’AZF. C’est pareil pour les prédictions de Mme Tessier. Chaque année ça se plante mais l’année suivante, les gens se précipitent à ses conférences et achètent ses livres. Comme quoi, le marché de la prédiction n’a rien à voir avec la qualité du produit mais tout à voir avec l’adéquation du produit au désir de croire et d’entrer dans le cercle de ceux qui savent le futur. Bref, une manière de se la jouer ou alors la revanche cognitive des imbéciles. Le théoricien du calendrier Maya vous épatera par sa science dans un dîner en ville, tout comme il y a trente ans les adeptes du new age de l’Acropole vous impressionnaient avec leur histoire de monde s’écroulant et des quelques élus sauvés du déluge. Bref, de la Nouvelle Acropole au film de Emmerich, rien n’a changé, on prend les mêmes ficelles et ça fonctionne. Laissons cela aux esprits crédules, ils ont bien droit à quelques gadgets pour se sentir exister et ne sont pas plus mauvais qu’un supporter du PSG.
Venons en aux faits du calendrier exotérique
En réalité, si 2012 est une année importante, c’est qu’elle sera marquée par un renouvellement possible des gouvernements de quatre pays dont on peut penser qu’ils sont au centre des manœuvres géopolitiques. Commençons par les élections les plus attendues par nos compatriotes. En mai 2012, une élection présidentielle devrait opposer le président sortant Sarkozy à un représentant de la gauche socialiste et plurielle. Tout aussi suivie sera l’élection américaine avec le sortant Obama brigand un second mandat face à des Républicains en quête de revanche. Moins médiatisée mais qui sait, tout aussi importante, sera l’élection du président russe en 2012, avec un possible affrontement entre le sortant Medvedev et son premier ministre Poutine. Mais dans un coin du monde à ne pas négliger, même s’il n’y a pas d’élection, le congrès du parti communiste chinois va décider de la nouvelle équipe gouvernementale et choisir le président de la république de Chine. L’événement est prévu pour novembre 2012. Nous avons donc une incroyable coïncidence de dates et une incertitude sur les gouvernants du quartet majeur.
Faut-il le rappeler, les Etats-Unis, la France, la Russie et la Chine sont avec la Grande-Bretagne les cinq membres permanents du conseil de sécurité de l’Onu et de surcroît titulaires d’un droit de veto. On ne fera pas insulte aux Britanniques que de les associer à la politique atlantiste des Etats-Unis si bien que les quatre pays dont les mandats s’achèvent en 2012 représentent les quatre options majeures en géopolitique. Soulignons que ce quartet compte les trois plus grandes armées, fortes de plus d’un million de soldats. Ce sont aussi les quatre principales puissances nucléaires. Qui du reste, pèsent aussi économiquement et d’ailleurs, sont amenées à prendre une ampleur croissante pour ce qui concerne la Russie avec ses réserves naturelles et la Chine, avec des réserves et en plus une dynamique industrielle soutenue. Alors que les Etats-Unis sont sur une pente incertaine et que l’Europe s’interroge aussi sur un possible déclin qu’elle tente de conjurer avec quelques protocoles et autres décisions de principes, une Europe sont la diplomatie reste floue mais avec une France qui reste au cœur du dispositif et qui pourrait avoir plus de poids si elle faisait cause commune avec l’Allemagne, premier moteur économique de la zone euro.
Autant dire que l’année 2012 sera déterminante pour la période de grande incertitude qui suivra. La réélection de Barack Obama est loin d’être acquise, alors que les forces républicaines se recomposent, remotivent et même pourraient se radicaliser en s’associant aux mouvances de la droite extrême, regroupant des groupes hétéroclites, avec les conservateurs du Tea Party, les conspirationnistes, les fondamentalistes chrétiens, les adeptes de l’autodéfense qui fond le bonheur des marchands d’armes de poing et autres fusils de bon calibre. Autant dire qu’un Républicain à la Maison Blanche, ce n’est pas la même chose qu’un Démocrate, quoi qu’en pensent les sceptiques pour qui les jeux sont faits entre élites et cercles de notables. En Russie, un possible duel entre Vladimir Poutine et Dimitri Medvedev est en vue et là aussi, il n’est pas certain que ce soit exactement la même offre, même si le gagnant défendra les intérêts russes, comme d’ailleurs le lauréat du bureau ovale se devra de défendre les intérêts américains. Même chose pour le chef suprême de la république de Chine et le président des Français.
Il existe plusieurs manières de défendre des intérêts nationaux. Avec l’emploi de la négociation, de la diplomatie et parfois, de la menace quand une nation se sent forte de sa puissance militaire. Comme on s’en doute, l’époque coloniale et expansionniste est révolue. La question des frontières ne pose plus vraiment problème, du moins pour les grandes puissances, hormis le petit détail de Taïwan qui pourrait réveiller l’orgueil nationaliste de l’Empire du milieu. Une grande incertitude pèse sur le renouvellement des hauts dirigeants du PCC, étant donné l’ivresse économique régnante et l’arrivée d’une nouvelle génération, plus pragmatique, de prétendants à l’encadrement du pays, hussard de la conquête des marchés, sous l’égide du nouvel âge idéologique bien installé, celui du patriotisme économique. En jeu, ce n’est plus le partage des territoires mais la répartition des ressources, et ce, à l’échelle planétaire. Et ces ressources, elles sont indispensable au maintient d’une économie et des besoins fondamentaux. En ligne de mire, le pétrole et le gaz, puis l’uranium, mais aussi l’eau, les ressources agricoles, la question de l’usage des terres arables, soumises au marché. N’oublions pas les métaux, cuivre, nickel, platine, mais aussi les terres rares, dont la Chine possède de bonnes réserves, avec une stratégie calquée sur celle de Poutine, autrement dit le nationalisme économique, pratique visant à mettre l’Etat au dessus du marché lorsqu’il s’agit de négocier l’usage des ressources nationales.
La géopolitique après 2012 risque d’être très disputée, sans qu’on puisse évaluer l’impact des prochaines élections. Chaque membre du quartet aura des questions à régler. Pour les Etats-Unis, il faudra gérer les désordres financiers, la dette et surtout la manière d’achever les deux missions en Irak et en Afghanistan, alors que le Moyen Orient restera aussi instable, sinon plus, avec l’Iran et surtout, la question palestinienne avec un Israël qui devra choisir entre un avenir pacifié fondé sur la prospérité économique ou la poursuite de la raison cachée depuis des décennies, être en guerre permanente. L’Europe avec la France est quand même la première puissance économique mais attention au trompe-l’œil des chiffres car cette Europe risque bien d’être un maillon faible au vu de sa dépendance en ressources naturelles, comme le Japon du reste. Et compte-tenu de la crise des dettes publique, de la désindustrialisation (malgré les efforts de l’Allemagne), de la croissance des NPI, un scénario à la japonaise n’est pas à exclure pour la zone euro. Quant à la Russie, elle semble renouer avec un lustre passé dont elle a toujours rêvé et pour l’instant, malgré les graves problèmes sociaux qu’elle connaît, elle sait qu’elle a une carte à jouer sur le devant de la scène économique mais aussi comme puissance régionale dotée d’une influence étendue sur des voisins eux aussi bien dotés en ressources naturelles. Elle s’est constituée la troisième réserve de changes.
Ces quatre pays dont le gouvernement sera institué lors du second semestre 2012 ont donc en commun la puissance militaire, économique (comptons la France avec l’Europe), mais aussi une série de problèmes internes pouvant générer des tensions sociales car, que ces pays soient en forte croissance ou en léger déclin, les inégalités s’accroissent. Et aussi les ressources vont s’amenuiser, réduisant de ce fait les leviers de l’économie. D’où le danger de retour des nationalismes et de funestes jeux géopolitiques pouvant conduire à des tensions sur la planète, voire des conflits et on sait que la guerre est parfois utilisée comme dernier ressort comme exutoire destiné à détourner l’opinion publique de la crise interne au profit d’un ennemi désigné dont le rôle est d’être la cible de la colère populaire ou alors une menace permettant de colmater les colères entre classes sociales.
2012 sera donc une année riche en événements politiques, avec la possibilité d’être déterminante dans le destin du monde au cours de cette décennie 2010 qui s’avère être celle de tous les dangers, comme le fut celle de 1940. Il faudra suivre de près ces événements sur lesquels nous n’avons aucune prise au niveau individuel mais qui sait, avec le Net et la diffusion d’une pensée citoyenne d’inspiration universaliste, susceptible de barrer la voie aux tendances nationalistes et autoritaristes. Nos analystes de terroir franco-français nous gonflent avec cette présidentielle de 2012 qu’ils considèrent comme une course de chevaux, misant sur les poulains et pouliches, glosant sur les sondages, alors qu’un destin planétaire se joue et qu’il faudra une prise de conscience planétaire pour éviter un conflit tout aussi planétaire au vu des évolutions possibles.
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