2033, futur proche
L’Atlas des Futurs du Monde est édité par Robert Laffont. Virginie Raisson, l’une des collaboratrices de Jean-Christophe Victor pour l’émission du « Dessous des Cartes » signe l’ouvrage. Elle est accompagnée de plusieurs co-auteurs, parmi lesquels Alexandre Nicolas pour les cartes, schémas et graphiques.
Virginie Raisson consacre au passé les premières pages de son Atlas. Le paradoxe n’est ici qu’apparent. Pour évoquer la population mondiale, sa répartition, ses déplacements, et son degré d’urbanisation, il fallait en effet commencer par décrire son dynamisme. Comme elle traite du futur, l’auteur choisit judicieusement de rappeler d’abord à quel point les spécialistes de la prospective démographique ont échoué à prédire l’évolution de la population mondiale au cours du XXème siècle. C’est l’occasion de faire le point sur la persistance d’une sensibilité malthusienne, heureusement raisonnée le plus souvent.
Car la population mondiale a très largement entamé sa transition démographique, peut-on lire pages 16-17. En 2015, le taux de natalité s’établira en-dessous de 25 pour 1.000 habitants et le taux de mortalité aux alentours de 10 pour 1.000. Au passage, le graphique en cercle illustrant la double page vaut tous les commentaires. En résumé, la population mondiale ressemble à l’erre d’un grand navire dont le moteur a été ralenti (coupé ?). Il s’ensuit que le nombre et la proportion des personnes âgées progressent vivement. Le mérite de l’Atlas des Futurs est d’éviter le piège d’une conclusion très attendue, partant de l’opposition entre un Nord vieillissant et un Sud bouillonnant de jeunesse. Les cas de l’Allemagne et du Japon sont présentés succinctement [pages 30 et 31]. Au plan économique, le schéma de l’évolution comparée des PIB par zone économique (2006-2050) s’amuse de la promotion de certains (Chine, Inde, Brésil, Mexique) et de la dégradation d’autres, le Japon passant de la troisième place (derrière l’Europe et les Etats-Unis) à la huitième place…
La natalité mondiale ralentit du fait de l‘instruction, de l‘amélioration du sort des femmes et du retard de l‘âge du mariage, rappelle Virginie Raisson [pages 20-21]. Toutes ces évolutions restent fragiles, comme en témoignent les difficultés du monde subsaharien. Mais si la natalité reste forte dans cette partie du monde, il faut en rappeler la cause principale, c’est-à-dire le maintien d’une forte mortalité et la médiocrité de l’espérance de vie : l’Atlas n’a pas réponse à tout !. Quelles en sont les causes ? Les guerres, les déplacements de population, les maladies traditionnelles que l’on a pas vaincu - en particulier le paludisme - les flux de travailleurs directement mis en cause dans la persistance d’une épidémie du sida qui tue par milliers…
Il n’empêche qu’en 2033, le poids de chacun des continents ne correspondra plus du tout à celui que nous connaissons. Un homme sur quatre habitera dans le sous-continent indien (Pakistan, Inde, Bangladesh, pour citer les trois pays principaux). Un homme sur quatorze sera européen, contre un sur six en 1950. L’illustration - cartes des continents en 1950 et en 2033 - bouscule cependant l’idée reçue d’un monde bientôt centré sur le Pacifique. Les Amériques restent entre les deux dates dans une proportion oscillant entre 13 et 14 %. L’Océanie et l’Insulinde gardent également leur représentativité. La Chine perd quelques points, de 23 à 18,5 %. Et si le cœur démographique de la planète devenait le cœur économique ? Je mesure le degré provocateur de la question, tant l’actualité donne l’impression inverse. Mais un homme sur cinq sera Africain en 2033.
Une double page de l’Atlas est consacrée à la Chine [pages 24-25]. L’auteur prédit un avenir si ce n’est sombre, en tout cas grisé aux Chinois. La raison en serait la contrainte des ressources (sic). Les Chinois ne peuvent espérer augmenter l’espace agricole et le potentiel de leurs aquifères bridera de toutes façons leurs tentatives d’accroître leur productivité. Dans le même temps, une dégradation des conditions environnementales est à craindre… Virginie Raisson s’interroge sur la stabilité de la compétitivité chinoise si les salariés chinois réclament un juste retour pour leur travail, et si le chômage réel se maintient aux alentours de 10 à 12 %. J’aimerais sur ces différents points une allusion aux défis relevés dans le passé par les Chinois : l’interaction entre élevage, pisciculture, et cultures céréalières dans la Chine traditionnelle, ou encore les calamités naturelles surpassées en Chine (inondations, typhons, etc.). Sur la remarquable double page [26 & 27] consacrée au vieillissement précoce de la population chinoise, il manque peut-être les implications de la politique de l’enfant unique, encore aujourd’hui si cruellement ressentie : voire l’affaire dite du lait contaminé. Je reste cependant abasourdi à la lecture du graphique sur le déficit de femmes en Chine de 1960 à 2050. Cinquante millions de Chinoises manquent en 2015. En Chine, un jeune homme pauvre n‘a pratiquement aucune chance d‘avoir un enfant.
Je passe sur le papy-boom européen et ses conséquences [Les voyages déforment la vieillesse], mais aussi sur l’évolution à attendre des migrations internationales, pour achever cette présentation par les trois dossiers que je rassemble sous l’appellation de géographie humaine et régionale. Virginie Raisson pose successivement la question de l’avenir d’une Russie en déclin démographique et menacée sur sa périphérie orientale [pages 40-43], puis la question du rapport entre minorités et majorité au sein de la population américaine - avec la montée en puissance hispanique pour l’heure inacceptable pour les Wasps [Attention, excès de fièvre porcine] - pour terminer avec la question de l’avenir du Québec [pages 52-55].
L’Atlas des Futurs se focalise moins sur le Canada respectueux de la spécificité québécoise dans un système institutionnel que nombre de Belges lui envient [Chou blanc de Bruxelles], que sur le vieillissement de la population francophone. Je gage que le constat provoquera quelques remous de l’autre côté de l’Atlantique : crise de l’Etat - providence, décrochage économique par rapport aux provinces occidentales (Alberta, Colombie Britannique, etc.), et surtout rétrécissement du poids démographique des francophones dans le continent nord-américain. L’Atlas ferait davantage mouche s’il abordait avec la même vigueur les archaïsmes franco-français.
L’argument le plus polémique tient à la présentation de l’immigration comme facteur d’affaiblissement de l’indépendantisme dans la Belle Province. Virginie Raisson montre à juste titre le changement d’origine géographique des immigrés québécois. Certes, mais elle ne démontre pas qu’hier, lorsque les Français ou d’autres cherchaient à s’installer au Québec - c’est encore le cas aujourd’hui - ils prenaient partie pour le PQ. Alors un futur fermé ? Les Québécois ont subi par le passé le grand dérangement, sans disparaître pour autant. Et le catholicisme, s’il perd en influence au Canada, s’impose dans le même temps aux Etats-Unis.
(A très bientôt pour une autre chronique sur l‘Atlas des Futurs… ).
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