À propos d’Israël et du Hamas
Une guerre pour quoi faire ?

800. Ils sont déjà plus de 800 ceux, hommes, femmes, enfants, vieillards, qui sont tombés depuis le début de ce soudain conflit. Demain encore, combien s’ajouteront à cette macabre addition. Ces images insoutenables d’enfants explosés, on ne peut se contenter d’en faire un bilan comptable.
Mais la question qu’on se pose aujourd’hui face à ce conflit : c’est “pour quoi faire ?”
On peut fort bien comprendre qu’Israël réagisse à ces centaines de roquettes quotidiennes lancées depuis Gaza par le Hamas, visant au hasard civils, habitations, équipements sociaux, mais jamais de cibles stratégiques ou militaires spécifiquement désignées. La volonté d’Israêl d’arrêter cette agression permanente contre sa population et de protéger ses citoyens est un droit que nul ne peut lui nier.
Et pourtant ceci ne répond pas aux questions : “À quoi sert ce nouveau conflit ? Est-ce que çà ne va pas être une nouvelle catastrophe comme l’intervention au Liban ? Est-ce que çà peut réussir ?”.
Réussir à quoi ? Pour l’instant, en matière de réussite, on y perçoit surtout trois inconvénients majeurs :
• d’abord, le Hamas n’attendait que cela. C’est le même problème que Bush en Irak : çà fait monter les fondamentalistes, çà fait monter l’islamisme radical, le terrorisme. Et ce d’autant que les dirigeants du Hamas ne sont pas dans la bande de Gaza mais confortablement installés en Syrie d’où ils pilotent tout, c’est-à-dire bien à l’abri de tous ces assauts guerriers.
• ensuite l’opinion publique : face aux images d’horreur diffusés dans les médias, elle se mobilise de plus en plus contre Israël
• enfin, et ceci est beaucoup plus grave, çà affaiblit considérablement les palestiniens modérés qui sont prêts à négocier avec Israël, c’est-à-dire Mahmoud Abbas, le Président de l’Autorité Palestinienne et les siens. Alors qu’eux sont des laïcs, pas des fanatiques religieux irresponsables, ni des fondamentalistes, et que c’est évidemment avec ces modérés qu’il fallait faire la paix.
L’énorme responsabilité d’Israël dans cette affaire est de n’avoir pas fait une politique massive, interventionniste et volontariste pour aider ces palestiniens modérés. Depuis au moins un an, les israéliens ne leur ont rendu aucun service, alors qu’eux étaient prêts à négocier.
LA VICTOIRE DU HAMAS
Le résultat ? Le Hamas n’a fait que grimper pendant ce temps-là dans l’opinion palestinienne, et nul n’imagine que cette guerre puisse l’affaiblir.
Certains n’hésitent pas à avancer que cette guerre ne serait qu’une stratégie électorale puisque des élections doivent prochainement se dérouler en Israël où la lutte entre “colombes” et “faucons” y fait aveuglèment rage. Si cela était vrai, ce serait une guerre irresponsable, gravement coupable. Et les tirs de roquettes n’auraient alors été qu’un prétexte fort commode pour donner un avantage à un clan, face à l’autre dans la conquête du pouvoir.
Mais n’en rajoutons pas : nul ne peut comparer la démocratie israélienne avec le terrorisme fou et dictatorial du Hamas.
Si l’on revient donc à définir les responsabilités de cette guerre, même si elles sont partagées entre la Hamas - qui avait tout intérêt à la déclencher - et Israël, si l’on se base sur le long terme, je n’hésite pas à affirmer que la responsabilité principale revient, hélas, à Israël, quels que soient mes fidèles sentiments d’amitié pour ce peuple courageux.
Pourquoi ? Parce qu’Israël a laissé pourrir la bande de Gaza : il en a fait une sorte de prison à ciel ouvert, derrière de hauts murs infranchissables, à l’intérieur desquels tous ses habitants, qu’ils soient modérés ou extrémistes, se sentent enfermés, privés de tout ce qui fait que la vie puisse y être supportable.
Cette “extrèmisation” des palestiniens dans la bande de Gaza a été imposée unilatéralement par Israël. Alors que les palestiniens de la Cisjordanie n’ont pas évolué dans le même sens : eux, y respirent un peu mieux.
Cette politique à courte vue d’Israël est, hélas, suicidaire. Car, à long terme, on peut aller jusqu’à se demander quel est l’avenir de l’état d’Israël. Il est consternant de constater qu’Israël privilégie le seul court terme, sans se rendre compte qu’il se condamne lui-même.
Cette politique n’a pas d’avenir. Et parce que je suis un partisan résolu de l’existence de l’état d’Israël, j’affirme que la politique qu’il poursuit depuis des années est gravement suicidaire. Et cette nouvelle guerre n’arrange pas du tout les choses, loin de là.
Ce qui ne veut pas dire que j’approuve la décision du Hamas de rompre la trêve, même si chacun savait son caractère d’extrême fragilité. La décision du Hamas était bien belliciste. Mais elle ne pouvait que lui profiter puisqu’elle laisse un grand vaincu : le Président Abbas qui, lui, sombre totalement dans cette affaire. Ceci est très préoccupant.
Le petit peuple palestinien est donc non seulement désormais divisé territorialement - entre Gaza et la Cisjordanie - mais aussi entre deux forces politiques qui, toutes deux, revendiquent leur souveraineté.
Dans la situation actuelle, l’avantage, de par la politique israélienne, va au Hamas. Voici donc un peuple qui, il y a peu encore, était considéré comme un peuple fin, lettré, laïc, remarquablement modéré au sein du monde arabe. Israël en a fait aujourd’hui un peuple majoritairement enragé. Quand on est aujourd’hui palestinien, on ne peut être que dans la rue, face à Israël qui en fait un peuple martyr.
Alors que si Israël, avec un peu plus d’habilité et d’intelligence, avait voulu affaiblir durablement le Hamas, il fallait que les palestiniens de la bande de Gaza, territoire à peine plus étendu que Paris intra-muros, créé de toute pièce par Sharon qui l’a évacué sur des frontières qu’il a lui-même tracées, soient heureux d’y vivre, leur donne de l’espoir. Et non les enfermer comme dans une prison, privés de tout. Or Israël a fait exactement l’inverse.
UNE ATTITUDE IMBÉCILE
C’est une attitude imbécile et incompréhensible. Il fallait, tout au contraire, aider spectaculairement le Président Abbas en répondant, quand il en était encore temps, à ses appels incessants pour la création d’un état palestinien indépendant, cohabitant pacifiquement aux côtés de celui d’Israël. Et non rogner sans cesse son autorité par des marchandages de boutiquiers susceptibles et à courte vue.
Le sentiment de frustration est aujourd’hui profond dans les deux camps palestiniens. Israël a commis l’irréparable. Hélas.... Et le Hamas a déjà gagné cette guerre : les tanks israéliens aux portes de Gaza ne sont qu’illusion.
Et si, aujourd’hui, on œuvrait enfin pour mener le Hamas autour d’une table de négociation ? Groupe terroriste, objectera-t-on ? Oui, c’en est un. Mais quelle autre solution, puisqu’aujourd’hui on a plus laissé de place pour une autre alternative ?
Le cœur arraché, certes. Mais il est devenu urgent d’être réaliste.
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