A propos de l’Islam et du monde arabe
Est il justifié de parler d'islamisme ou de fondamentalisme islamiste sans autre précision, et de présenter le conflit syrien comme une simple lutte pour la démocratie contre un régime dictatorial ?
A lire les médias français et occidentaux en général, on constate qu'il est presque partout question de fondamentalisme ou d'extrémisme musulman. Mais n'est ce pas simplifier les choses, en oubliant les contradictions et les conflits entre ces divers fondamentalismes ? Il est évident par exemple que le conflit syrien atteste de l'existence d'une opposition beaucoup plus radicale entre musulmans chiites, influencés par l'Iran, et musulmans sunnites, soutenus par l'Arabie saoudite et les différentes monarchies pétrolières du Golfe, qu'entre musulmans et chrétiens ou entre Occident et Orient. On constate par exemple que dans tous les pays arabes, les mouvements de gauche sont profondément divisés entre ceux qui soutiennent l'opposition syrienne, dans la mesure où elle participe d'une lutte populaire contre la dictature du gouvernement Assad, et ceux qui, sans soutenir le gouvernement syrien, redoutent l'instrumentalisation de la lutte des opposants syriens par les monarchies du golfe, voire les Etats-Unis et l'occident en général - cf. à ce propos, un article bien documenté dans le monde diplomatique du mois de septembre - . A cet égard, il est significatif qu'au Liban par exemple, le conflit majeur, oppose le Hezbollah chiite et pro-syrien (mais allié à une fraction des chrétiens - Général Aoun) à des djihadistes sunnites anti Assad, soutenus par une autre fraction chrétienne (les phalangistes, Samir Gagea, etc). De même il est tout aussi significatif qu'après avoir soutenu les révolutions tunisiennes ou égyptiennes, beaucoup de gens éprouvent des inquiétudes face à l'arrivée au pouvoir des frères musulmans - voir par exemple les manifestations incessantes en Egypte ou les critiques croissantes de nombreux tunisiens. Enfin, la situation dans des pays comme la Lybie ou la Jordanie, sans parler de l'Irak, semble manifester les mêmes contradictions et la même complexité.
En outre, au lieu de se polariser sur des conflits exclusivement religieux ou "civilisationnels", ne faut-il pas prendre en compte les complexités d'une situation dans laquelle des pays comme l'Arabie saoudite, le Qatar , ou les émirats, possèdent une richesse équivalente ou supérieure à celles des pays occidentaux les plus riches, alors que les populations les plus pauvres (Palestiniens,fractions les plus démunies de tous les pays arabes tant au maghreb qu'au moyen orient) ne trouvent de représentation et d'expression politique que dans des mouvements islamistes fondés sur un refus des valeurs occidentales (Le Hezbollah au Liban, le Hamas à Gaza). En ce sens, au lieu de ne voir partout que des conflits religieux, ou de civilisation , qui sont l'expression, mais aussi le masque de conflits plus fondamentaux, il faudrait peut-être rappeler cette vérité de base que les Etats ou les gouvernements ne mettent en jeu leur existence dans des guerres, extérieures ou civiles, que parce qu'il y va d'intérêts matériels qu'ils tiennent, à tort ou à raison, pour vitaux. Dans ce contexte, la dimension anti-dictatoriale du conflit syrien sur laquelle insistent exclusivement les médias occidentaux, ne peut faire oublier que celui-ci possède aussi d'autres dimensions : tentative de l'Arabie saoudite et des pays du golfe d'isoler l'Iran (la révolte syrienne ne serait pas autant soutenue par la chaîne quatarie Al-Jazeera si ce n'était pas le cas), tentative des Etats-Unis et d'Israel d'accroître leur influence au moyen-orient, ce qui explique sans doute le soutien au gouvernement Assad des Russes et des Chinois, désireux de ne pas laisser les richesses du moyen-orient aux seuls Etats-Unis.
On voit bien à partir de cette brève analyse, que la presse occidentale ramène à quelques schémas simplistes à géométrie variable ( tantôt les bons occidentaux contre les mauvais dictateurs totalitaires ou islamistes, tantôt les bons syriens contre les mauvais syriens , lesquels sont facilement substituables : Rappelons que Bachar El-Hassad, présenté par les médias comme le réformateur que tous les syriens attendaient, avait été invité peu après son accession au pouvoir à assister au défilé du 14 juillet sur la tribune officielle) une réalité faite de multiples contradictions et pour le moins difficile à déchiffrer. On peut en tout cas se demander si le soutien inconditionnel que les gouvernements occidentaux sont tentés d'accorder à l'opposition syrienne, dans l'espoir légitime de mettre fin à un conflit particulièrement tragique et dont le coût en vies humaines commence à devenir monstrueux, ne risque pas aussi d'avoir des conséquences comparables à celle qu'a eu le soutien des Etats-Unis à la lutte de certains mouvement afghans contre l'occupation soviétique dans les années 80 (Naissance de mouvements du type Al-qaida), compte tenu du fait que certaines composantes de l'opposition syrienne semblent liées à Al Qaida tandis que d'autres n'ont pour but que de remplacer la dictature Assad par une dictature de type Saoudien (interprétation délirante de la charya, situation catastrophique des femmes, négation de toute espèce de droits des travailleurs etc). Sur ce point, il y a eu par exemple dans le Guardian anglais, au mois d'août, un article qui montrait que l'opposition syrienne était une nébuleuse constituée de mouvements extrêmement hétérogènes, allant de l'extrême gauche, aux défenseurs d'interprétations les plus réactionnaires de l'Islam en passant par d'anciens membres d'Al Qaida)
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