Affrontements ou massacre anti-copte : que s’est-il passé dimanche au Caire ?
Au moins 24 chrétiens ont été tués dans une manifestation dimanche, par des tirs à balles réelles et par des tanks qui ont roulé sur des manifestants.
Des voix s'élèvent pour parler de massacre, pour en imputer la responsabilité aux forces armées egyptiennes, et pour s'indigner de la partialité de la télévision publique, qui avait commencé, avec d'autres médias officiels, par accuser les manifestants.
Dimanche dernier au Caire, une manifestation réunissait des milliers de Coptes dans le quartier de Choubra, foyer de cette communauté. Les protestataires entendaient dénoncer la mollesse de la réaction des autorités après l'incendie d'une église près d'Assouan, dans le sud du pays, et réclamer des droits égaux pour tous les citoyens.
Quand la manifestation arriva devant la télévision d'Etat, la situation dégénéra : tirs à balles réelles et personnes écrasées sous des tanks. Cité par le Figaro, un employé d'une chaîne de télévision raconte :
« Les manifestants étaient contenus par un important cordon policier, dans le calme, quand des militaires sont brutalement intervenus pour les disperser. Des coups de feu ont éclaté. Je ne sais pas qui tirait sur qui, mais les tirs se sont intensifiés et des véhicules blindés de l'armée ont foncé dans la foule. Ça a été une boucherie. On a ramassé des corps jusque dans la cage d'escalier de notre immeuble. »
Un graphiste copte, toujours cité par le Figaro, parle d'"ambiance de pogrom" .
Le Pape s'est adressé aux autorités égyptiennes "civiles et religieuses" pour demander la protection des Coptes d'Egypte.
Les raisons pour lesquelles la manifestation a dégénéré restent confuses. Le patriarche copte Chenouba III dénonce la présence d'inconnus infiltrés dans la manifestation.
La télévision d'Etat commença par imputer la responsabilité des violences aux manifestants eux-mêmes, qui auraient lancé des pierres sur les forces de l'ordre et qui auraient été armés. Les polices anti-émeutes et militaire affirment avoir tiré en l'air. La chaîne publique a cité des soldats blessés assurant ne pas disposer de balles réelles.
Hossam Bahgat, directeur de l'Initiative égyptienne pour les droits de l'homme a visité la morgue de l'hôpital copte du Caire et accuse, lui, les forces armées :
« C’est sans précédent. Pas seulement à cause du nombre de victimes. Mais aussi parce que ce sont les forces armées qui ont tué ces manifestants, en direct à la télévision. Et que cette télévision officielle incite à la violence »
RFI pointe la responsabilité des médias officiels, tant la télévision que l'agence d'Etat MENA, qui ont accusé les manifestants d'être armés. Le politologue Samer Soliman déclare :
« L’Etat n’a pas agi comme un Etat, J’ai jamais vu ça en Egypte. J’ai jamais entendu ce genre de discours à la télévision officielle qui accuse les coptes d’attaquer l’armée, de tuer des officiers et des soldats, et demande aux gens de protéger l’armée ! Je n’ai jamais entendu ça dans ma vie. Pour moi c’était pratiquement comme si la télévision officielle demandait aux musulmans d’attaquer les coptes. »
Directement mis en cause, le Conseil suprême des forces armées au pouvoir a demandé au gouvernement de mener une enquête rapide sur les affrontements.
Une blogueuse citée par le Monde souligne elle aussi la façon dont la télévision a jeté de l'huile sur le feu :
"La télé égyptienne a presque appelé les musulmans à protéger l'armée attaquée par les coptes, c'était n'importe quoi. Comment se fait-il que les forces armées aient, en parallèle, coupé les chaînes satellitaires ? Sur l'une d'entre elles, on les a entendus entrer dans le studio où la présentatrice travaillait pour couper le direct. Ils ont aussi coupé des journaux en ligne. Ce comportement n'est pas normal ! Qui a donné l'ordre de faire cela, et de tirer sur les manifestants ?"
La situation est également confuse au niveau du gouvernement. D'après la chaîne Al Jezira, le gouvernement égyptien aurait démissionné. Mais un porte-parole dément que cette démission concerne tous les membres du gouvernement. Un peu plus tôt, le vice-premier ministre et ministre des Finances avait démissionné, et vu sa démission refusée. Dans sa lettre de démission, il imputait la responsabilité de la répression au gouvernement.
La situation des Coptes et Egypte est marquée de façon structurelle par la discrimination et la persécution. On peut citer, dans la période récente :
- l'attentat à la bombe d'Alexandrie pendant la messe du Nouvel An, 21 morts
- les attaques dse monastères par l'armée
- les attaques de villages par des foules fanatisées
- les enlèvements de jeunes filles coptes
- les attaques d'églises
- le massacre de sept personnes (six coptes et un musulman) survenu à Nag Hammadi à l'issue de la messe de minuit et le scandaleux acquittement de deux des assassins (le troisième, celui qui a tué le musulman, a été condamné à mort mais, aux dernières nouvelles, il est en fuite) ; un député est soupçonné d'être le commanditaire
- le massacre de 11 coptes à Sharona
- les exclusions de chrétiennes pour non port du voile
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